Exclusif – Comment Paris et Madrid vont contourner la décision de la CJUE
Par Mohamed K. – Nous avons appris de sources proches du dossier que la France et l’Espagne ont introduit un alinéa dans la déclaration finale qui couronnera une prochaine rencontre au sommet de l’Union européenne, la première après la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de déclarer comme nul et non avenu l’accord qui la lie au Maroc. Les modifications apportées à la déclaration dans sa partie relative à la décision de la CJUE à la demande des deux pays les plus pénalisés par l’arrêt du 4 octobre dernier démontrent la panique qui s’est emparée de Paris et Madrid, estiment des sources informées.
Dans les ajouts proposés par ces deux pays européens qui ont apporté leur soutien au plan d’autonomie marocain au Sahara Occidental pour pouvoir continuer d’exploiter illégalement les richesses halieutiques et souterraines du peuple sahraoui en lutte pour son indépendance, il est stipulé que le Conseil européen «prend note» du jugement de la Cour de justice de l’Union européenne relatif aux accords UE-Maroc de 2019.
Jouant au funambule, le Conseil européen affirmera qu’il «continuera de définir la politique étrangère [de l’Union européenne] conformément aux traités», mais que, d’un autre côté, l’Union européenne «restera attachée au processus des Nations unies visant à parvenir à une solution politique juste, réaliste, pragmatique, durable et mutuellement acceptable à la question du Sahara Occidental, fondée sur le compromis, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, et en particulier la résolution 2468 du 30 avril 2019».
Dans le même temps, il sera assuré au régime monarchique de Rabat que le Conseil européen «réaffirme la grande valeur que l’Union européenne attache à son partenariat stratégique avec le Maroc» et réitérera, dans ce sens, «la nécessité de préserver et de continuer à renforcer des relations étroites avec le Maroc dans tous les domaines du partenariat Maroc-UE».
La déclaration ainsi augmentée par la France et l’Espagne, dans sa partie relative à l’arrêt de la CJUE, dit la chose et son contraire. Le paragraphe est noyé dans un verbiage diplomatique qui noie le poisson, mais qui, en définitive, accorde à ces deux pays le droit implicite de maintenir le cap et de ne pas exécuter la décision de l’instance judiciaire européenne, privilégiant ainsi leurs intérêts au détriment de la légalité internationale.
«L’addendum introduit par la France et l’Espagne confirme le séisme qui a secoué ces deux pays et anéanti leur politique de soutien à l’occupant marocain, laquelle politique a compromis l’Union européenne et a sérieusement remis en cause sa crédibilité déjà entamée», font remarquer nos sources. Dans les faits, ce complément reprend au mot près la réaction du ministère français des Affaires étrangères qui a affirmé, dès l’annonce des trois décisions de la CJUE sur deux accords conclus par l’Union européenne avec le Maroc et sur l’étiquetage des produits issus du Sahara Occidental, en prendre note, estimant qu’il ne lui appartenait pas de commenter une décision de justice.
«En tout état de cause, la France réaffirme son attachement indéfectible à son partenariat d’exception avec le Maroc et sa détermination à en poursuivre l’approfondissement. La relation entre l’Union européenne et le Maroc revêt à ce titre un caractère stratégique, et la France continuera d’œuvrer avec ses partenaires européens au renforcement de leurs échanges, notamment économiques, et à la préservation des acquis du partenariat, dans le respect du droit international», avait souligné le Quai d’Orsay, dans la copie originelle de ce qui va être lu lors de la prochaine réunion du Conseil européen.
«La France reste notamment déterminée à accompagner les efforts du Maroc en faveur du développement économique et social du Sahara Occidental, au bénéfice des populations locales», avait appuyé le Quai d’Orsay. Un pied de nez flagrant à l’instance juridique européenne et à l’ONU.
M. K.
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