Prêchi-prêcha ou quand le recteur de la Mosquée de Paris s’improvise historien
Par Karim B. – En principe, le plaidoyer d’un avocat qui a blanchi sous la robe noire et dont le cabinet a pignon sur rue dans la prestigieuse avenue des Champs-Elysées ne doit pas tomber dans les travers de l’amalgame et de l’incohérence. Or, c’est ce que nous constatons dans chacune des chroniques que le recteur de la Grande Mosquée de Paris publie cycliquement, sans que l’on sache s’il en est le véritable auteur ou s’il reçoit le texte clé-en-main du ministère de l’Intérieur ou du CRIF.
Dans son dernier «billet», intitulé «Réflexions sur les relations entre la France et l’Algérie : un héritage qui entrave encore la réconciliation», Chems-Eddine Hafiz, qui en endosse la paternité, se fourvoie dans un incroyable biaisement qui le place dans la position du spectateur neutre dans une guerre d’indépendance qui a opposé son pays de naissance à son pays d’adoption et de résidence. En effet, l’ancien avocat du lieu de culte parisien, qui a fini par en prendre les commandes par suite d’un coup d’Etat scientifique, écrit que la «réconciliation» entre l’Algérie et la France – c’est nous qui commençons par l’Algérie ; lui commence toujours par la France – «exige plus qu’un simple dialogue diplomatique, [mais] nécessite une véritable catharsis mémorielle, où les deux nations acceptent de regarder en face les ombres de leur passé».
Selon le juriste converti en historien, l’Algérie refuserait donc de regarder son passé en face. Alors, le billettiste de la place Monge appelle les Algériens à faire preuve d’une «volonté politique et, surtout, un courage moral» pour «espérer avancer vers une paix des mémoires véritable». Pour lui, le bourreau, responsable des enfumades, des massacres de civils, de la politique de la terre brûlée au napalm, et la victime ne diffèrent pas. Ils doivent faire un «effort collectif» sans lequel «les relations entre la France et l’Algérie» demeureront «entravées» et «toute tentative de réconciliation restera incomplète».
D’après lui, l’idée d’une Algérie «qui aurait pu rester française et qui persiste dans les discours politiques et dans les mémoires blessées est devenue une pierre d’achoppement entre deux sociétés qui ont partagé une histoire commune, mais qui peinent à en assumer pleinement les douleurs et les responsabilités». Selon Hafiz donc, le chahid Amirouche et le criminel Bigeard, le sanguinaire Pélissier et le résistant Cheikh Bouamama, pareil. Et l’historien en herbe de s’enfoncer : la colonisation française n’a pas commencé en 1830 mais en 1948 car, explique-t-il, dix-huit ans auparavant, c’était une «conquête» qui «s’est transformée en une entreprise coloniale brutale, où le contrôle du territoire s’accompagne d’une domination culturelle, économique et politique».
Et, toujours du point de vue du Franco-Français Chems-Eddine Hafiz, si le peuple algérien s’est soulevé contre l’envahisseur, ce n’est pas pour libérer la terre et l’en expulser par la force, mais parce que «la majorité musulmane [était] privée de droits politiques et économiques», et a «subi une discrimination systématique», reprochant à la «France impériale» d’avoir «refusé de voir les limites de son pouvoir».
Décidément, on aura tout vu, tout lu.
K. B.
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