Le diplôme et la valise

L'Algérie forme, l'Occident profite. D. R.

Par A. Boumezrag – Le paradoxe algérien est flagrant : un pays jeune, riche de ressources humaines et naturelles, voit chaque année ses étudiants les plus brillants tourner leurs regards vers l’étranger avant même d’avoir fini leurs études. Si, dans les amphis algériens, l’enthousiasme et l’ambition ne manquent pas, un constat s’impose : les jeunes diplômés ne sont pas prêts à rester car le marché algérien peine à leur offrir les opportunités d’avenir qu’ils rechercher. «Leurs valises sont prêtes avant les diplômes», pourrait-on dire, tant le départ devient un passage de plus en plus incontournable.

Cette fuite des talents, ou brain drain, n’est pas seulement une question de carrière ; elle touche aussi au sentiment d’appartenance et à la place de chacun dans un projet national. Les étudiants algériens, bien formés, connectés et ambitieux, sont frustrés par des perspectives limitées. Ils veulent évoluer, innover et être reconnus pour leurs compétences, ce qui les pousse souvent à s’installer dans des pays qui leur offrent ces chances d’accomplissement.

Dans un pays où la jeunesse forme la majorité de la population, ce phénomène met en évidence les défis auxquels l’Algérie doit faire face pour retenir ses talents. De nombreux jeunes vivent un quotidien en proie à des infrastructures insuffisantes, à un manque de financement pour les projets entrepreneuriaux et à des possibilités d’évolution souvent bridées. Cette situation conduit beaucoup d’entre eux à envisager un avenir dans des métropoles européennes, américaines ou même asiatiques, où l’innovation est valorisée et où leurs compétences sont davantage recherchées.

L’ironie de la situation, cependant, n’échappe à personne : alors que l’Algérie continue de former de brillants esprits, les pays d’accueil bénéficient des résultats d’un système éducatif public qui n’aura finalement pas su garder ses meilleurs éléments. C’est comme si chaque année, le pays envoyait un peu de son potentiel créatif et scientifique en «colis diplomatique» vers des horizons lointains.

Et pourtant, des solutions existent pour tenter de briser ce cycle. La création d’un environnement propice à l’émergence des jeunes talents – qu’il s’agisse d’opportunités de financement, d’un soutien accumulé aux start-up locales ou d’une réelle valorisation des compétences – pourrait redonner aux étudiants algériens l’envie de construire leur avenir dans leur pays. En investissant dans ses propres talents, l’Algérie peut espérer inverser la tendance, transformer le rêve d’exil en un rêve de développement national et faire de son territoire un lieu d’innovation et de prospérité pour les générations futures.

Ainsi, alors que les jeunes terminent aujourd’hui leurs études en pensant «valise», il devient urgent de rétablir la «maison» comme leur premier projet. Car, en gardant son potentiel humain, l’Algérie se donne les moyens d’un avenir où elle ne brille plus seulement à travers le succès de sa diaspora, mais à travers celui de ses propres citoyens, accomplis et épanouis chez eux.

Le défi est donc de taille pour l’Algérie, qui voit se profiler un avenir incertain si cette fuite des cerveaux continue. Pour l’instant, le pays se retrouve dans un paradoxe étrange : anciens des jeunes talentueux pour finalement en faire bénéficier d’autres nations. A chaque départ, l’Algérie perd non seulement une force de travail qualifiée, mais aussi des projets, des idées et des perspectives de renouveau économique.

Il est crucial d’instaurer un dialogue constructif entre les différents acteurs de la société : le gouvernement, le secteur privé, les universités et les organisations de la société civile. Ce dialogue doit s’articuler autour de la question essentielle : comment créer un écosystème où les jeunes se sentent valorisés et capables de contribuer activement au développement de leur pays ?

Pour encourager les étudiants à rester, il est indispensable de valoriser les compétences locales. Les entreprises doivent être incitées à investir dans la formation continue et à proposer des programmes de stage et d’insertion professionnelle adaptés aux besoins du marché. Les universités, quant à elles, doivent renforcer leur collaboration avec le secteur privé pour aligner les formations sur les attentes économiques et les innovations technologiques.

L’entrepreneuriat représente une avenue prometteuse pour la jeunesse algérienne. En mettant en place des dispositifs de financement accessibles, des espaces de coworking et des incubateurs d’entreprises, le pays peut encourager les jeunes à lancer leurs propres projets. Ce soutien à l’entrepreneuriat local pourrait transformer la fuite des cerveaux en une dynamique de création et d’innovation, où les talents souhaitent bâtir leur avenir sur leur terre natale.

Enfin, il est essentiel de favoriser un engagement civique et communautaire parmi les jeunes. En les impliquant dans des projets de développement local et des initiatives de solidarité, ils pourront constater l’impact positif de leur contribution et renforcer leur sentiment d’appartenance à leur pays. Cet engagement pourrait être une source de motivation supplémentaire pour rester et participer activement à la transformation de l’Algérie.

En somme, l’avenir des étudiants algériens et du pays dans son ensemble dépend d’une vision partagée et d’un engagement collectif. La construction d’un avenir où les jeunes peuvent s’épanouir chez eux nécessite une volonté politique forte, des investissements dans l’éducation et la formation, et une dynamique de soutien à l’innovation et à l’entrepreneuriat.

C’est en unissant les forces et en capitalisant sur les atouts du pays que l’Algérie pourra inverser la tendance actuelle. Le chemin est semé d’embûches, mais les perspectives d’un futur prospère, riche en talents et en opportunités sont à portée de main. En transformant les aspirations de la jeunesse en réalité, l’Algérie pourra faire de son potentiel une véritable force vive, garantissant un avenir prometteur pour les générations à venir.

L’espoir réside dans la capacité du pays à se réinventer et à créer un environnement où chaque jeune peut voir son rêve s’épanouir. Alors, plutôt que de préparer leurs valises, il est temps que ces jeunes talentueux souhaitent bâtir ensemble leur avenir en Algérie, avec conviction et détermination.

«Les racines d’un arbre se nourrissent de la terre où il pousse. Si les jeunes talents s’en vont chercher ailleurs ce qu’ils devraient trouver chez eux, l’arbre ne pourra jamais atteindre sa pleine hauteur.» Cette citation illustre l’importance de créer un environnement propice au développement local, où les talents peuvent s’épanouir et contribuer à leur communauté. Elle souligne également que la prospérité d’un pays repose sur la valorisation de ses propres ressources humaines.

A. B.

Comment (12)

    Plus de Création de Richesses
    27 octobre 2024 - 19 h 18 min

    Plus d’Entreprises
    Plus d’ingénieurs
    Plus de Services
    Plus de Production
    Plus d’Exportation
    Des Salaires cohérents
    Une large Classe Moyenne et Supérieure

    Une École , une Justice et des Services de Santé de Qualité
    .
    Moins de BLA BLA
    Et plus … BEAUCOUP PLUS de TRAVAIL

    Matelot
    27 octobre 2024 - 11 h 46 min

    Beaucoup de Gens pourant comprendre mes propos ..vous posez le probléme en TERME d environnement économique alors que cela ne repose pas uniquement sur ca la réusssite et le Bonheur en ALGERIE et meme ailleurs d ailleurs
    SOUVENT ces jeunes brillants diplomés pour certains sont encouragé par leur parents (cadres ou personnes d un certain niveau ) eux meme a partir et se sacrifient meme pour les aider…
    ces parents ont CRU en L ALGERIE et voient le resultat…..ALGER est devenu KABOUL bis..
    ils ne veulent pas voir leur enfants vivre dans un everionnement ou il n y a plus d education de repéres ..
    on connais TOUS des GENS autour de Nous archi milliardaires en ALGERIE qui ne revent que d une chose TOUT liquider et PARTIR

    Remarque
    26 octobre 2024 - 18 h 50 min

    Je ne reconnais plus les étudaints Algériens d’entant cette photo on dirait qu’elle sortait d’une université d’un pays du Moyen Orient, dommage.

    Abou Stroff
    26 octobre 2024 - 15 h 18 min

    « Le diplôme et la valise » titre A. B.

    Je pense qu’il nous faut revenir au b. a ba de l’analyse.

    Les questions soulevées par les futurs médecins algériens, en particulier et les diplômés de l’université, en général ne peuvent être appréhendées qu’en étant insérées dans une problématique plus vaste.

    En termes simples, ces questions constituent une PARTIE d’un TOUT qui peut être saisi comme le système basé sur la distribution de la rente et sur la prédation qui domine objectivement (la rente permet le renouvellement du système) et subjectivement (la culture de la rente est hégémonique au niveau de la société algérienne) la société algérienne dans son entièreté.

    En termes crus, il me paraît inutile de « disserter » sur une partie si la dissertation n’est pas insérée dans le tout qui lui donne un sens.

    Ceci étant dit, je pense que le « malaise ou le mal-être soulevés, entre autres, par les futurs médecins, est, en grande partie, explicable par l’incapacité (par le désintérêt?) de nos augustes dirigeants à proposer un objectif à atteindre , i. e. un projet de société, dont la réalisation exigerait des moyens spécifiques (un système éducatif en rapport avec le projet de société, entre autres).

    En termes crus, puisque la rente et sa distribution particulière permettent de dissimuler l’irrationalité du système rentier en gavant les couches dominantes, en jetant des miettes de rente à une populace totalement séduite par le slogan « ragda ou t’mangi », et en assurant une « paix sociale » palpable et quantifiable, il n’y a aucune raison de s’interroger sur le coût social du système éducatif qui produit plus de chômeurs potentiels que de travailleurs potentiels.

    Moralité de l’histoire : il n’y en a aucune, à part que, sans la déconstruction du système basé sur le distribution de la rente et sur la prédation qui nous avilit et nous réduit à des « moins que rien », nos critiques à l’égard des parties ou des composantes du système auront autant d’impact qu’un pet et un seul dans la stratosphère sur………………. le changement du climat en Antarctique.

    Wa el fahem yefhem.

    PS : je remarque que l’auguste ministre de l’enseignement « supérieur » et de la recherche « scientifique » a promis l’ouverture de nouveaux postes de spécialité aux médecins sans vérifier si les structures présentes pouvaient recevoir le surplus d’étudiants.
    Question à un doro : les futurs spécialistes recevront ils une formation au rabais, juste pour que nos augustes dirigeants puissent continuer à vaquer à leur occupation essentielle (i. e jouir tranquillement des bienfaits de la rente) ?

    Bonne analyse, mais il manque une petite chose !!!
    26 octobre 2024 - 12 h 57 min

    Merci pour votre contribution. Vous dîtes très justement que :
    1/- L’espoir réside dans la capacité du pays à se réinventer et à créer un environnement où chaque jeune peut voir son rêve s’épanouir
    2/- il est temps que ces jeunes talentueux souhaitent bâtir ensemble leur avenir en Algérie, avec conviction et détermination

    Mais pour cela, il faut d’abord exiger du pouvoir central, des hautes autorités de l’Etat une volonté de changement de gouvernance, un arrêt de la centralisation du pouvoir, un plan de réforme administrative par la déconcentration et la décentralisation des pouvoirs de décision et la manifestation d’une volonté politique claire d’aller vers une transition démocratique inclusive pour que toute l’intelligentsia, toute la société civile, tous les citoyens puissent contribuer au débat général d’une manière libre et constructive.

    MADANI
    26 octobre 2024 - 8 h 43 min

    L’herbe est toujours plus verte ailleurs, les vaches normandes le savent bien car elles passent leurs têtes à travers les barbelés pour brouter l’herbe du pré voisin.
    Les étudiants dont «leurs valises sont prêtes avant les diplômes» ne diffèrent guère de ces herbivores, habités avant tout par l’ambition de la réussite individuelle et surtout dénués du sens patriotique envers la nation et le pays.
    Ils participent par leur fuite synonyme de lâcheté à la pérennisation du blocage du pays au mains des incompétents, des prétentieux et de la issaba.
    Ces étudiants, ces diplômés sont les nouveaux harkis et la faute en revient à ces 2 générations de gloutons et d’avortons depuis 1962.
    Le hirak de 2019 n’a pas guéri totalement le pays de ses vieux démons et l’adage bien chez nous ‘ le feu donne de la cendre’ se vérifie car le feu sacré n’a pas été alimenté depuis le décès du Président Houari Boumediene et le Président Tebboune rame tout seul en ces temps de vents contraires.
    La question est de savoir quel est notre projet national ? quelles voies prendre ? quels modèles ? pour quelle finalité ? fidélité à notre Histoire ou pas ?
    Au vu des déclarations, des commentaires il semble que l’horizon des algériens se décline essentiellement sous l’angle matérialiste d’où «les valises sont prêtes avant les diplômes».?

      sherrif
      26 octobre 2024 - 10 h 32 min

      Que l’Algérie devienne un vrai démocratie en arrêtant d’être gouvernée par les mêmes depuis plus de 60 ans et peut être que nos jeunes diplômés n’iront plus voir si l’herbe est plus verte ailleurs

    Benhmida
    26 octobre 2024 - 7 h 39 min

    La liberté d’étudier = liberté civique. Liberté civique=liberté d’entrepreneuriat. Et c’est ce qui manque au bled. Tant que la petite corruption fait parler d’elle rien ne va plus pour tous les jeunes. Le comportement néfaste des mal éduqués gâche l’avenir des talents. Libérer la jeunesse de tout endoctrinement, politique, religieux etc. … C’est ce qui peut les retenir.

      Cubano1997
      26 octobre 2024 - 15 h 26 min

      Ce qui pousse les diplômés algériens à quitter le pays c est tout simplement la fascination pour le mode de vie occidental véhiculé par les médias, Hollywood et l hégémonie culturelle occidentale. La promesse d une vie facile, de plaisirs interdits dans un pays de culture musulmane.La preuve, ces émigrés diplômés ne vont jamais en Afrique, ni en Amérique latine, ni en Asie…Leur unique destination est l Europe ,les États-Unis et le Canada. Des pays où le niveau de vie est élevé, où les réjouissances sont nombreuses et à la portée surtout des riches donc des bien diplômés. Ce phénomène ne touche pas que l Algérie, en effet dès Leurs entrées dans l UE ,environ 20% ( parfois plus) de la population de l Europe de l Est à émigré à l ouest dans les pays les plus riches du continent . On voit le même exode des latinos vers les États-Unis ( et cela concerne toutes les classes sociales) .De plus je rappellerai par exemple qu il y a près de 60 millions d italiens en Italie et plus de 150 millions d italiens et de leurs descendants dans le reste du monde. Il y a également 7 millions d irlandais en Irlande du Nord et du et il y a 33 millions d américains d origine irlandaise. Aujourd’hui en France on trouve beaucoup de médecins algériens ( 20000 ) mais on rencontre aussi de plus en plus de roumains, d italiens, de grecs, de polonais….La seule chose qu il faut espérer est que tous ces jeunes diplômés qui quittent le pays gardent en eux l amour de l Algérie , qu ils la dépendront partout où il se trouve et qu un jour ils lui apporteront leurs savoir-faire pour la remercier pour l éducation qu elle leur a généreusement donnée.

        BENYOUNES
        26 octobre 2024 - 22 h 50 min

        Parler aux murs
        Depuis presque 1962, il y a eu toujours des critiques et des réflexions positives et encourageantes pour redresse cette Algérie qui est sur une pente raide, mais dépourvu de frein. l’Algérie manque de beaucoup de libertés pour que les nouvelles générations s’épanouissent. Je suis d’accord que ces dernières années, il y a une certaine envie d’avancer et de changer les choses, donc il faut encourager les bonnes initiatives, car même ceux et celles qui partent pour des questions matérielles, ils finiront à la longue par apprendre qu’ils ont un seul chez soi: leur pays d’origine que le matériel ne remplacera jamais. Félicitations aux contributeurs positifs.

        BENYOUNES
        26 octobre 2024 - 23 h 35 min

        Je partage votre analyse dans certains avis et propos, mais sûrement pas quand vous dîtes qu’ils s’épanouissent dans des pays de tolérance et plaisirs interdits en terre musulmane (je signale que je suis athée), mais vous vous trompez beaucoup, car ces intellectuels n’arrivent pas seulement avec leurs diplômes, mais et bien avec des esprits traditionalistes, conservateurs et parfois non seulement musulmans, mais islamistes, donc ils ne s’adaptent jamais à ce  »mode de vie hollywoodien ou de medias ». Au contraire de ce côté, ils donnent souvent une mauvaise image de l’Algérie : contactez le nombre de divorce un à deux après leur arrivée … etc. Donc être instruit ne veut nullement dire éduqué … D’ailleurs souvent ils perdent le Nord en perdant leurs buts et en oubliant leur origine. C’est juste un avis en connaissance de cause.

        DZ
        28 octobre 2024 - 20 h 59 min

        pourquoi former des jeunes pour les voirs deserter leur pays car leur formation a ete pris en charge par l algerie et pourquoi ne pas privatiser l universite retirer les bourses scolaires ????? ces jeunes sont obsedes par l occident et je pense que l algerie c est le dernier de leur soucis comme beaucoup d algeriens quand vous parlez de patriote vous me faites bien rire ils sont patriotes mais ils veulent fuir l algerie il n y pas de patriote ni en algerie ni ailleurs chacun pense a son avenir arretez de fantasmer

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