La haine viscérale de «l’Arabe» : élément constitutif figé de la culture française
Une contribution d’Arezki Belkacimi – Dans notre dernier article «Quand les préjugés anti-Arabes deviennent des vérités pestilentielles», on a démontré comment de nombreux Algériens avaient honteusement succombé aux stéréotypes arabophones et islamophobes. Dans ce présent article, nous allons nous pencher sur les origines de ces stéréotypes. Des stéréotypes ancestraux, réactivés et accentués ces dernières décennies par les sionistes. Des stéréotypes qui ont pris une dimension pathologique. Une pathologie des préjugés arabophobes, véritable névrose française.
Les Français sont atteints de névrose arabophobe, ce trouble structurel du système cognitif hexagonal caractérisé par une fixation obsessionnelle sur les Arabes et l’islam, perçus, dans leur délire paranoïaque national, comme menaçant leur identité française imaginaire. Une identité pourtant évanescente, car depuis longtemps américanisée.
La névrose arabophobe est la pathologie de la France malade, pour ne pas dire agonisante. C’est parce qu’elle est économiquement genoux à terre, pour ne pas dire tout le corps institutionnel sous terre, qu’elle voit les Arabes bientôt aux commandes du pays. Quand la France était sûre de sa puissance, elle était prête à intégrer (conserver) définitivement 10 millions d’Algériens dans son giron civilisationnel, sans crainte de subir quelque invasion culturelle ou conversion cultuelle islamique.
La France a perdu de sa superbe, son assurance orgueilleuse hautaine. Elle a perdu l’amour de soi, cette force tranquille qui rend inébranlable une nation forte. Depuis qu’elle a épuisé son trésor d’amour de soi, la France ne vit que sur son inépuisable réserve culturelle de haine, son intarissable stock de xénophobie, son abondante provision arabophobe.
Certes, la perception négative des Arabes et de l’islam par les Français remonte au Moyen-Age, notamment à l’époque des Croisades. Mais c’est au XIXe siècle qu’elle se manifeste avec intensité, surtout parmi les élites. C’est à cette époque que les stéréotypes arabophobes et islamophobes se répandent avec virulence. L’imaginaire de la société française façonne, à la faveur de la colonisation, la figure de l’Arabe fanatique, rusé, cruel, fourbe, paresseux.
Cette perception négative de l’Arabe perdure tout au long du XXe siècle. Cependant, cette perception négative s’estompe partiellement au cours des années 1950-1970, à la faveur de la décolonisation, du triomphe des partis de gauche et de Mai 68.
Au cours de ces deux siècles, les XIXe et XXe siècles, toute la société française a participé à cette propagation des stéréotypes arabophobes : médias, élites, éducation nationale. Y compris les dictionnaires. En 1948, le dictionnaire Larousse définissait l’Arabe ainsi : «Race arabe : race superstitieuse, violente et pillarde.»
Au XIXe siècle, en pleine ère du colonialisme français génocidaire, où des millions d’habitants de par le monde étaient victimes de la barbarie coloniale française, les élites intellectuelles tricolores propagent des stéréotypes sur les populations des régions nouvellement colonisées, notamment les populations arabes. L’Arabe est décrit comme dépourvu d’intelligence abstraite et de finesse.
Au moment où la France se livre à des massacres de masse, notamment en Algérie, ses élites intellectuelles, dans leurs récits de voyage ou littérature orientalistes, répandent des stéréotypes sur les populations arabes. Celles-ci sont associées systématiquement à la violence.
Ce préjugé, teinté de racisme, se répand pendant toute la période coloniale. L’Algérien est décrit comme inculte et barbare. Pour rappel, lors de la première allocution du général Bugeaud prononcée en juillet 1830 devant ses troupes, il salue l’arrivée des Français sur une «terre inculte et barbare». Dès le début du XIXe siècle, les écrivains français brossent le portrait de l’Arabe sous un angle foncièrement négatif : «traître», «fourbe», «menteur», «malhonnête», «paresseux». Et, surtout, «violent».
L’écrivain français François-René de Chateaubriand, au retour de son voyage en Terre Sainte en 1806, écrit à propos des Arabes : «Tout indique chez l’Arabe l’homme civilisé retombé dans l’état sauvage». Comble du cynisme, Chateaubriand rédige ces lignes sous le règne de Napoléon 1, ce chef d’Etat français responsable de millions de morts. Cet empereur qui a mis l’Europe à feu et à sang. En effet, sous le cours règne de Napoléon, des millions de personnes ont été sauvagement massacrées lors des interminables guerres napoléoniennes. Selon les historiens, plus de 2,5 millions de militaires ont été massacrés en Europe et 1 million de civils tués dans le reste de l’Europe et dans les colonies françaises. A la même époque, le poète Lamartine écrit à propos des Arabes : «Leur civilisation à eux, c’est le meurtre et le pillage.» Pitoyable écrivain français : «Meurtre et pillage» caractérisent plutôt son pays, cette France coloniale génocidaire.
Ainsi, dès cette époque, la propagande coloniale française, pour occulter leurs conquêtes barbares et génocidaires, fige les stéréotypes sur les populations arabes, associées à la violence et au pillage. De nos jours, l’Etat nazi d’Israël emploie les mêmes méthodes propagandistes : les sionistes israéliens, par inversion accusatoire, présentent les Palestiniens comme des terroristes, des barbares.
Force est de relever que l’arabophobie est un élément constitutif de la culture française. Le racisme est un trait de caractère français. Ne pas oublier que les principaux théoriciens du «racisme conceptuel» sont français. On peut citer Joseph-Arthur Gobineau, Hippolyte Taine, Ernest Renan ou Gustave Le Bon. Ces auteurs racistes et suprémascistes ont conceptualisé la représentation française coloniale fondée sur une pensée classifiante de la différence biologique. Qui plus est, une conception raciste qui prend l’homme blanc (français) comme point de comparaison et de repère. Pour ces théoriciens du racisme, l’Européen, donc le Français, par «la supériorité de sa civilisation», est seul apte à gouverner le monde, à déterminer les valeurs universelles, issues évidemment du continent européen.
En tout cas, la permanence de l’image négative de l’«Arabe» témoigne d’une imprégnation pathologique de la mentalité arabophobe parmi la société française. La figure de l’Arabe barbare demeure encore très répandue en France. Une figure dorénavant flanquée de celle de terroriste. De là s’explique cette hostilité foncière manifestée par les Français à l’encontre des Arabes.
La construction de la notion de «barbarie» accolée à l’Arabe, considéré comme extérieur et étranger à la «civilisation» française, permet de comprendre le rejet haineux des populations issues de l’immigration «arabes», d’expliquer l’hostilité et la bellicosité de la société française et des autorités étatiques à l’égard de tous les Arabes, tenus en suspicion.
En France, l’arabophobie touche tous les milieux sociaux. L’arabophobie se manifeste par les discours et les actes racistes dans la société civile. Mais également par des politiques discriminatoires institutionnelles, sous la forme de discriminations à l’emploi, la formation, d’accès au logement, de blocage ségrégatif aux fonctions parlementaires et ministérielles.
A. B.
Comment (25)