Espagne : la bourgeoisie est la principale responsable des inondations meurtrières
Une contribution de Khider Mesloub – L’Espagne est en état de choc. Les inondations dévastatrices qui l’ont touchée dans la nuit du mardi 29 au mercredi 30 octobre ont coûté la vie à au moins 273 personnes dans le sud-est du pays. Ce bilan «va augmenter» parce qu’il y a encore «de nombreux disparus», a prévenu le ministre de la Politique territoriale, Angel Víctor Torres. Les recherches de rescapés se poursuivent. La grande majorité des victimes se trouvent dans la région de Valence. Comment expliquer la gravité de ce bilan effroyable ?
Pour la classe dominante espagnole (et européenne) et leurs médias mainstream, pour s’exonérer de toute responsabilité, le coupable est tout trouvé : cette catastrophe, c’est-à-dire ces intempéries dévastatrices, aurait été rendue possible, selon eux, par le «changement climatique».
«C’est la réalité dramatique du changement climatique et nous devons nous préparer à y faire face dans toute notre Union et avec tous les outils à notre disposition», a déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
Le «dérèglement climatique» a bon dos. En réalité, c’est le capitalisme qui tue et qui va continuer à tuer. Parce que sa quête perpétuelle du profit maximal l’incite, particulièrement en période de crise économique, à comprimer les dépenses allouées à la prévention et à la protection, notamment contre les catastrophes sanitaires et «naturelles», le capitalisme condamne des populations à la mort. Une chose est sûre, toutes les contemporaines tragédies, guerres génocidaires, gestion calamiteuse de l’épidémie de Covid, inondations meurtrières, démontrent la faillite du mode de production capitaliste.
Comme l’a écrit, au siècle dernier, le dirigeant marxiste italien, Amadeo Bordiga : «Le capitalisme n’est pas innocent non plus des catastrophes dites naturelles. Sans ignorer l’existence de forces de la nature qui échappent à l’action humaine, le marxisme montre que bien des cataclysmes ont été indirectement provoqués ou aggravés par des causes sociales. (…) Non seulement la civilisation bourgeoise peut provoquer directement ces catastrophes par sa soif de profit et par l’influence prédominante de l’affairisme sur la machine administrative (…), mais elle se révèle incapable d’organiser une protection efficace dans la mesure où la prévention n’est pas une activité rentable. (…) S’il est vrai que le potentiel industriel et économique du monde capitaliste s’accroît et ne s’infléchit pas, il est tout aussi vrai que plus grande est sa force, pires sont les conditions de vie des masses humaines face aux cataclysmes naturels et historiques».
En tout cas, la thèse du «dérèglement climatique» est balayée rageusement par les habitants de Valence. Ils accusent les autorités de négligence criminelle. Les autorités, notamment celles de la région de Valence, sont accusées d’avoir ignoré les alertes météo. Il est reproché au gouvernement régional de Valence d’avoir mis trop de temps mardi avant de prévenir la population des risques provoqués par des précipitations massives.
Malgré l’émission de «l’alerte rouge» et «danger extrême» pour la région de Valence, le message d’alerte envoyé par le service de Protection civile aux habitants de Valence leur demandant de ne surtout pas sortir de chez eux («évitez tout type de déplacement dans la région de Valence !»), ne l’a été qu’après 20 h, alors que les pluies étaient déjà très intenses. Selon le quotidien El País, dans le cas de certaines localités parmi les plus dévastées par les eaux, le message a même été envoyé après 21 h. C’était déjà trop tard. Ce retard dans la diffusion de l’alerte à la population a influé sur le nombre si élevé de victimes. Ces quelques heures de communication perdues ont été fatales pour des milliers de citoyens espagnols de la région de Valence, ensevelis vivants sous la boue ou emportés par des torrents d’eau.
Comment expliquer qu’en Europe de simples fortes pluies transforment régulièrement les agglomérations en champs de ruine ? La faute à pas de chance ? La fatalité ? Non, sous la gouvernance de la bourgeoisie européenne contemporaine décadente, ces catastrophes sociales (et non naturelles) sont inéluctables.
Force est de constater que les catastrophes dites «naturelles» s’accélèrent au rythme des constructions anarchiques et de la bétonisation effrénée, du désengagement de l’Etat et des collectivités locales, des spéculations immobilières et des immobilisations des moyens préventifs.
De manière générale, une des principales caractéristiques du capitalisme est l’urbanisation du monde, en particulier du monde occidental. Aussi des millions d’habitants sont-ils agglutinés dans des villes pour servir de main-d’œuvre au capital. Cette concentration de populations laborieuses, en constante augmentation, induit la construction effrénée d’immeubles et d’infrastructures (parking, lotissements, zones commerciales et industrielles, routes, zones de loisirs). Cette bétonisation a rendu les villes de plus en plus vulnérables au risque d’inondations, du fait de l’imperméabilité des sols. Et cette imperméabilité accentue le ruissellement, ce qui accroît le débit de l’eau. Et le tissu végétal ne peut absorber les quantités d’eau qui tombent en quelques heures.
En ce qui concerne l’Espagne, ces derrières décennies, la spéculation immobilière et la cupidité de la bourgeoisie espagnole, des entrepreneurs du bâtiment et des élus locaux ont abouti à la construction effrénée de bâtiments, y compris en zones inondables, construction anarchique entraînant le bétonnage des espaces naturels et agricoles, limitant ainsi l’absorption de l’eau par les sols et facilitant la circulation en surface de cette même eau.
Cela étant, comme les inondations meurtrières en Espagne le démontrent, la bourgeoisie gère ces catastrophes à la fois avec cynisme et impuissance. Alors que les puissances capitalistes européennes, notamment l’Espagne et la France, sont capables de déployer des moyens technologiques pharamineux dans le domaine militaire, de débloquer instantanément des centaines de milliards d’euros pour soutenir l’effort de guerre de l’Ukraine ou la rapacité financière des Big Pharma (achat inutile des «vaccins» contre le Covid), en revanche elles ne voient aucun intérêt à prendre des mesures préventives durables pour éviter des catastrophes, car ce n’est pas rentable.
Une chose est sûre, plus le capitalisme, fondé sur le profit et la rentabilité et non sur les besoins humains, s’enfonce dans la décadence, moins il est en mesure d’exploiter les formidables forces technologiques qu’il a développées pour protéger l’humanité pour maîtriser la nature.
Et si, aujourd’hui, la nature «reprend ses droits», c’est bien parce que le contre-nature mode de production capitaliste n’est plus capable de dominer cette nature, d’apporter le moindre progrès, aucune perspective d’avenir à l’humanité. Malgré tout, la catastrophe urbanistique meurtrière de Valence démontre, si besoin est, «l’incapacité de la civilisation bourgeoise à organiser une protection efficace dans la mesure où la prévention n’est pas une activité rentable». Toutes les tragédies contemporaines, guerres, génocides, catastrophes climatiques, crise économique, chômage endémique sont la manifestation de la faillite totale du mode de production capitaliste.
Aussi seule l’instauration d’une société fondée sur la satisfaction des besoins de la communauté humaine et non l’assouvissement des caprices financiers de la minoritaire bourgeoisie parasitaire mondiale pourra-t-elle endiguer définitivement ces récurrentes tragédies.
K. M.