Pourquoi le Goncourt décerné à Kamel Daoud n’a pas de liens avec la littérature
Par Karim B. – En France même, d’aucuns ont compris que le prix Goncourt décerné à Kamel Daoud est éminemment politique et que sa vocation est complètement éloignée de la qualité du livre pour lequel il a reçu cette distinction à laquelle le pouvoir français attache une importance capitale. En effet, le poste de ministre de la Culture dans ce pays où la littérature a, à l’instar de tous les domaines dans la vie des Français, connu une incroyable régression avec le temps, n’est pas dévolu au premier venu.
Le portefeuille de la Culture est toujours revenu soit à des pontes de la politique, comme l’influent socialiste Jack Lang et l’oreille de Nicolas Sarkozy Roselyne Bachelot, ou à des binationaux dont la nationalité d’origine est soit libanaise, Rima Abdul Malak, soit marocaine, Rachida Dati. L’Unesco est également phagocytée par le même lobby, André Azoulay ayant réussi à coopter sa propre fille à la tête de cette institution «qui n’a rien d’internationale puisque c’est une propriété française» au regard du nombre de fonctionnaires français qui assiègent son quartier général parisien, expliquait l’éminent linguiste et penseur Rachid Benaïssa, le Noam Chomsky algérien, qui y a exercé dans la sphère de la traduction pendant de longues années.
Le ministère de la Culture et ses démembrements, notamment le Centre national du livre (CNL), revêtent une importance autrement plus grande que les départements de l’Intérieur, des Armées et des Affaires étrangères réunis. Sa mission est cruciale et consiste à maintenir l’influence française dans les anciennes colonies, à y formater des élites qui seront appelées à occuper des fonctions importantes dans leur pays et à faire émerger des écrivains, des cinéastes et autres artistes façonnés selon le modèle français. Ces élites propagent alors des idées conformes à l’épistémè française et distantes de la culture conservatrice ou puritaine d’origine.
C’est ainsi qu’on a vu des écrivains et des réalisateurs algériens, marocains et tunisiens introduire des concepts occidentalisés dans leurs œuvres, relatifs notamment aux mœurs sexuelles. Un film tunisien ne peut avoir droit au box office s’il n’exhibe pas des Tunisiennes les seins à l’air dans un hammam, comme aime à les montrer Nouri Bouzid, ou ne fait pas dans le voyeurisme, comme dans Much Loved du Marocain Nabil Ayouch. De même qu’un roman ou un long métrage ne peut prétendre à un prix parisien prestigieux s’il n’encourage pas l’homosexualité. On a vu ce phénomène dans Chouchou de l’Algérien Merzak Allouache.
A contrario, quand un livre sérieux est «trop lourd», pour reprendre la formule du responsable d’une grande maison d’édition française dans une réponse au défunt général Khaled Nezzar, il est banni des imprimeries. Et pour cause. Le tout premier livre de l’ancien ministre de la Défense révélait pour la première fois l’existence de crânes de résistants algériens dans un musée parisien et rappelait les crimes contre l’humanité commis par la France coloniale, notamment les enfumades du Dahra. Dans son ouvrage, le moudjahid Khaled Nezzar détaille des opérations menées par les combattants de l’ALN à la base de l’Est avec la précision du métronome et l’exactitude du militaire qu’il fut.
Si Kamel Daoud a obtenu le prix Goncourt, ce n’est nullement pour la qualité de son ouvrage, ratatouille verbale que lui ou les véritables auteurs veulent présenter comme une succession de figures de style censées éblouir le lecteur par leur génie. Or, comme nous l’avons déjà écrit, la seule chose dans laquelle le nouveau messie – ou Messi – de la littérature française excelle, c’est le charabia. Quelques extraits de Houris, «sa» dernière production, suffisent à le confirmer : «Ce sourire, illimité, large, presque dix-sept centimètres, n’a pas bougé depuis plus de vingt ans. Il est un peu plus bas que le bas de mon visage et étire mes mots, mes phrases. Parfois, je le cache avec un foulard coloré ; le tissu, je le choisis toujours onéreux et rare. Je relève mes cols». «Je possède deux langues. L’une comme la nuit, l’autre comme un croissant. L’une mange dans le cœur de l’autre. Et une bouche de poisson pour les pratiquer toutes les deux». «Je devrai de nouveau chercher le sommeil dans les murs, les yeux asséchés par le plâtre blanc.» Allez y comprendre quelque chose à ce baragouin !
Bien sûr, il s’en trouvera toujours quelque prodige de la langue de Molière – critique littéraire, qu’on les appelle – pour expliquer ce verbiage alambiqué par des scolies tout aussi absconses.
Bon courage aux traducteurs.
K. B.
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