France : sous-couvert de lutte antidrogue criminalisation des jeunes et des musulmans
Une contribution de Khider Mesloub – Au lendemain des révoltes urbaines de 1967 qui avaient balayé les Etats-Unis et, surtout, ébranlé et tétanisé la bourgeoisie blanche américaine, une commission nommée par le président Lyndon B. Johnson publie un rapport en 1968. Le rapporteur, en préambule, décrit de la manière suivante les Afro-américains qui se sont révoltés : «Quant aux émeutiers, ces pillards menaçants et incendiaires dont la violente irruption a précipité cette étude, ils avaient tendance à être, curieusement, quelque peu plus éduqués que les frères qui restèrent à l’écart. Dans leur ensemble, les émeutiers étaient de jeunes Noirs, issus du ghetto (pas du Sud), hostiles à la société blanche qui les entourait et les opprimait, et tout aussi hostiles aux Noirs des classes moyennes qui s’accommodaient de cette domination blanche. Les émeutiers n’avaient pas confiance dans la politique des Blancs, ils détestaient la police, ils étaient fiers de leur race, et particulièrement conscients des discriminations dont ils souffraient. Ils étaient, et ils sont, une bombe à retardement au cœur du pays le plus riche dans l’histoire mondiale… Ils ne s’en iront pas. On ne peut que les opprimer ou leur concéder leur humanité, et ce n’est pas à eux de faire ce choix. Ils ne peuvent le faire que contre nous, et ce sur quoi insiste ce rapport est qu’ils sont déjà en train de le faire et qu’ils ont l’intention de continuer.»
Sans surprise, les autorités américaines blanches racistes n’ont pas «concédé leur humanité» aux populations afro-américaines. Elles ont répondu, depuis lors, par l’amplification de l’oppression et le durcissement de la répression. Et pour justifier et légitimer l’intensification de l’oppression sociale et de la répression policière elles ont décidé de criminaliser les Afro-Américains, notamment par le stratagème de «guerre contre la drogue», de la lutte contre les narcotrafiquants.
En tout cas, les révoltes des jeunes Noirs avaient traumatisé la bourgeoisie et la population blanche américaine. Ces dernières avaient pris conscience de quelle puissance subversive et insurrectionnelle disposait la population noire en révolte. Les jeunes Noirs désœuvrés et désespérés peuvent constituer une «bombe sociale à retardement».
Insidieusement, depuis lors, les autorités américaines amalgament, à dessein, drogue et crime, consommation et vente, Noirs et drogue, pour justifier le lancement de leur opération de répressions tous azimuts contre les populations afro-américaines.
Or, selon toutes les études sérieuses, contrairement à la propagande raciste répandue par les autorités et les médias américains, les Noirs ne consomment ni ne vendent pas plus de drogue que les Blancs. Mieux : les jeunes Blancs américains de la classe moyenne et supérieure consommeraient plus de drogues que les jeunes Noirs pauvres. Et pas n’importe quelle drogue : la cocaïne, cette drogue de luxe des Blancs des classes aisées américaines.
Pourtant, les Noirs, majoritairement consommateurs de cannabis (crack), cette drogue du pauvre, ont cinq fois plus de risque d’atterrir en prison que les Blancs, grands consommateurs d’héroïne, de cocaïne.
En effet, en matière d’infraction aux stupéfiants, aux Etats-Unis, «pays des droits de l’Homme et de l’égalité», une loi fixe des peines minimales obligatoires pour la cocaïne. Il faut 100 fois plus de cocaïne que de crack pour encourir la même peine. Autrement dit, un Blanc appréhendé avec presque 99 fois plus de cocaïne qu’un Noir arrêté en possession d’un petit bout de crack n’encourt aucune peine d’emprisonnement. Tandis que le Noir est sans autre forme de procès incarcéré. Preuve que la lutte antidrogue n’est pas motivée par des raisons sanitaires mais sécuritaires. C’est la variable d’ajustement de stigmatisation et de neutralisation des populations afro-américaines.
Ironie de l’histoire, aux Etats-Unis, 80% des consommateurs de drogues (cannabis, crack, cocaïne, héroïne) sont blancs. Pourtant, seuls les 20% des Afro-Américains défrayent régulièrement la chronique judiciaire, font les Unes des journaux. Car ils sont les principales cibles des autorités, c’est-à-dire de la police et des tribunaux.
Depuis le début des années 1970, la «guerre contre la drogue» est le prétexte fallacieux invoqué pour justifier le quadrillage des quartiers populaires noirs, l’intimidation et le harcèlement des jeunes, notamment les contrôles policiers permanents, les descentes et rafles policières, les arrestations arbitraires, les assassinats d’Afro-Américains déguisés en bavures.
C’est de cette façon oppressive et répressive que l’ordre, mis à mal par les révoltes, a été énergiquement et violemment rétabli aux Etats-Unis au lendemain des révoltes de 1967. Ainsi que le préconisait le rapport de 1968, l’Etat et la société blanche américaine pouvaient soit «réprimer, soit concéder son humanité» à la population noire qui s’était révoltée. Du fait de son indécrottable racisme séculaire profondément ancré dans sa mentalité et dans ses institutions et, surtout, pour n’avoir pas pardonné aux Noirs d’avoir défié et effrayé la population blanche, la société américaine a choisi la seconde option : ne pas «concéder son humanité» aux Noirs. Donc continuer à les réprimer.
Le conseiller de Nixon, John Ehrlichman, expliquera plus tard le choix de cette voie répressive de la manière suivante : «Bon, nous comprenions que nous ne pouvions rendre illégal le fait d’être jeune ou pauvre ou noir aux Etats-Unis, mais nous pouvions criminaliser leur plaisir commun. Nous savions que la drogue n’était pas le problème de santé publique que nous prétendions, mais c’était un sujet tellement parfait… que nous n’avons pas pu résister.»
Tout est résumé dans ce propos du conseiller de Nixon. La drogue n’est pas un problème de santé publique mais un paravent pour justifier la politique de criminalisation des jeunes et pauvres afro-américains. Non désireuse de rendre illégale la pauvreté des Noirs, la bourgeoisie américaine préfère criminaliser les Noirs. Au lieu de faire la guerre à la pauvreté des Afro-Américains, elle livre la guerre aux Afro-Américains. Autrement dit, elle les massacre par la pauvreté, les achève par la répression policière et judiciaire, et les ensevelit par l’incarcération.
Avec cette politique de criminalisation des Noirs, les autorités américaines officialisent dorénavant le préjugé raciste selon lequel crime et population noire sont synonymes. Sous le prétexte d’enrayer la propagation de la drogue, toute une frange de la population noire est ainsi criminalisée, en permanence surveillée et contrôlée, systématiquement arrêtée, automatiquement incarcérée. Pire, progressivement la cible des arrestations pour drogue passe des dealers aux utilisateurs.
Avec cette outrancière criminalisation des populations afro-américaines, il n’est pas étonnant de relever que, en matière d’arrestation et d’incarcération, les Noirs soient surreprésentés. La présence massive des Noirs dans les prisons ne s’explique pas autrement que par le racisme institutionnel, la criminalisation des populations afro-américaines. Depuis cette période on assiste en effet à une forte inflation carcérale. Le taux d’incarcération par habitant a quintuplé entre 1970 et aujourd’hui. Aux Etats-Unis, on parle d’incarcération de masse de la population, en majorité afro-américaine. Pour une population états-unienne de 333 millions de personnes, 2,3 millions sont emprisonnées ou en probation (plus de 3,5 millions), ou en liberté conditionnelle (près de 900 000).
Pour compléter cet arsenal répressif contre les populations noires, notamment certaines franges accusées de constituer une «entreprise criminelle agissante», le gouvernement américain a voté au cours des années 1980 des lois permettant la suspension de leurs droits sociaux.
Ainsi, avec ce stratagème de lutte antidrogue, la bourgeoisie américaine s’active à encadrer les populations afro-américaines pour maintenir l’ordre, pour prévenir toute révolte. Sous couvert d’endiguer la diffusion de la drogue, tout une partie de la population américaine est criminalisée, quotidiennement victime d’intimidations, de harcèlements, de brimades xénophobes, d’interpellations arbitraires, d’incarcérations abusives, et de meurtre commis par une police qui «tire d’abord et pose les questions ensuite».
Les Etats-Unis sont devenus une prison à ciel ouvert pour des millions d’Américains dont «le seul tort» et la seule infraction est d’être noir.
En France, cette stratégie de guerre sociale, menée sous couvert de lutte antidrogue, contre les jeunes et les musulmans vient d’être adoptée et appliquée par le gouvernement Macron, à la suite de la révolte des quartiers populaires de l’été 2023, consécutivement à l’assassinat de Naël, jeune d’origine algérienne, abattu à bout portant par un policier.
Au lendemain des révoltes de l’été 2023, j’écrivais dans un article : «Une chose est sûre, ce type de révoltes est l’expression du sentiment de détresse sociale causée par la décomposition du capitalisme, réduit à investir des milliards pour équiper ses forces de l’ordre afin de pérenniser son système moribond, et non pour équiper ces forces vives de la nation en vue de leur assurer un avenir radieux.»
Ces dernières décennies, la France est rythmée par les violences policières et les crimes policiers. Dans cette période de crise multidimensionnelle et de délégitimation gouvernementale et institutionnelle, marquée par l’exacerbation de la lutte des classes, l’Etat français protège et couvre de manière générale les policiers, son dernier rempart. La politique du gouvernement, en matière de répressions, vise, quoi qu’il arrive et quoi qu’il en coûte, l’absolution des violences policières systémiques, illustrée notamment par l’impunité dont bénéficient les policiers, auteurs d’exactions ou d’homicide.
Et en matière de répression policière, l’Etat français, pour gérer ses banlieues et quartiers populaires à dominante immigrée musulmane, recourt fréquemment aux méthodes coloniales israéliennes utilisées contre les Palestiniens dans les territoires occupés. Mais également aux services des structures de sécurité de l’entité sioniste.
Comme le révélait le journal L’humanité dans son édition du 5 juillet 2023, dès le déclenchement des révoltes des quartiers populaires, les autorités françaises, saisies de panique comme un animal tétanisé par les phares d’une voiture qui fonce sur lui, ont faxé un message d’urgence à la commission de police israélienne «pour s’informer sur la façon de gérer la crise à laquelle elle faisait face». Où l’on découvre la confirmation que la France est une colonie israélienne, un Etat dirigé par Tel-Aviv.
Mandaté par la France, Itamar Ben Gvir, figure de l’extrême-droite israélienne, ministre de la Sécurité nationale, avait ordonné au directoire des renseignements militaires et des relations extérieures d’«étudier ce qui a conduit aux manifestations et la réaction extrême des manifestants français quels étaient les ordres de la police, comment elle a agi avant l’événement qui a conduit au soulèvement urbain, et ce qui, pendant l’événement, a conduit à de violentes émeutes à travers la France». En tout cas, les agents des services de sécurité israéliens semblent avoir bien briefé les dirigeants français, en particulier les officiers supérieurs du ministère de l’Intérieur.
S’appuyant sur leurs méthodes de gestion coloniale des territoires occupées de la Palestine et le programme américain de criminalisation des populations afro-américaines sous couvert de lutte antidrogue, institué depuis plus de 50 ans, comme rapporté plus haut, les agents israéliens ont vendu leurs savoir-faire en matière de guerre psychologique et de répression policière au gouvernement Macron.
Aussitôt initiés et formés à ces deux modes de gouvernance par la guerre psychologique et la terreur policière, les dirigeants français ont mis à exécution leur politique d’intimidation, de harcèlement et de répression des jeunes et des musulmans des quartiers populaires.
Sous couvert de lutte contre le trafic de drogue, la première opération de répression des quartiers populaires a été lancée le 19 mars 2024 à Marseille. Cette opération, mobilisant des centaines de policiers et de CRS, a été baptisée «Place nette XXL». Au vrai, éradication, non pas des trafics de drogue, mais de toute velléité de révolte populaire. Car prétendre éradiquer les trafics de drogue sans s’attaquer aux racines sociales de la décomposition de la société capitaliste (chômage, mal-logement, la misère) est fallacieux.
De même qu’il est fallacieux et, surtout, hypocrite de vouloir éradiquer le narcotrafic sans s’attaquer au pays producteur et plaque tournante du trafic de cannabis vers la France et l’Europe, le Maroc. Pour rappel, depuis 2021 le régime monarchique marocain a légalisé la production du cannabis. Cette opération «Place nette XXL» contre le trafic de drogue s’est poursuivie ensuite les 25 et 26 mars, de Roubaix à l’Ile-de-France en passant, notamment, par Strasbourg.
Bilan : en quelques jours, ce sont près de 700 personnes qui ont été interpellées à Marseille, Lille, Dijon, Lyon ou dans plusieurs villes d’Île-de-France. Une intensification des contrôles et de la répression policière salués, à l’époque, par l’ancien ministre de l’Intérieur Darmanin sur X. Une opération d’arrestation et d’incarcération qui s’apparente à une véritable chasse à l’homme dans les quartiers populaires à dominante musulmane.
En tout cas, pendant que le régime macroniste raciste appréhendait et incarcérait à tours de bras des jeunes consommateurs ou petits dealers, son allié marocain, le régime colonial du Makhzen, amnistiait les producteurs de cannabis. En effet, cet été, le 19 août 2024, le roi Mohammed VI a accordé sa grâce à 4 831 fabricants de drogue, c’est-à-dire qu’il les a libérés de prison afin de leur permettre de reprendre leur activité de producteurs de haschisch.
Pour information, le Maroc règne en maître sur le marché mondial de la drogue, notamment le cannabis. Selon les sources de l’ONU, 40% du haschich consommé dans le monde et 80% du haschich consommé en Europe, donc en France, proviennent du Maroc. Donc, les barons de la drogue résident dans les palais du Maroc. Les contrebandiers de France se fournissent auprès de ces barons marocains. Le Maroc compte 140 000 producteurs de cannabis. Selon les données officielles, en 2023 le Maroc a produit 294 tonnes de cannabis légal par le biais de 32 coopératives regroupant 430 producteurs, pour une superficie totale de 277 hectares dans le massif du Rif. Les rendements ont été estimés entre 1 tonne et 2,7 tonnes par hectare.
Au cours des dix premiers mois 2024, les barons gouvernementaux de la drogue, le roi et ses ministres, ont délivré quasiment 3 000 licences d’exploitation des champs du cannabis, contre 700 l’année dernière. Ces autorisations de production ont entraîné une augmentation exponentielle du trafic de drogue à destination de l’Europe, notamment de la France. Voilà l’origine de la flambée de violences liée au trafic de drogue en France : l’inondation du marché hexagonal par la drogue en provenance du Maroc. Et les barons de la drogue marocains sont protégés par la France. Les médias aux ordres décochent leurs récriminations et focalisent leur incrimination uniquement sur les petits dealers français d’origine immigrée.
En tout cas, la production du haschich est devenue un élément essentiel du PIB du Makhzen, la première source d’enrichissement des barons du régime narco-monarchique marocain.
Comme le reconnaissait récemment une source officielle du ministère de l’Intérieur marocain : «Le Maroc a investi massivement dans le trafic de drogue, utilisant ses bénéfices financiers pour corrompre des pays et les amener à infléchir leurs positions en sa faveur, notamment en Europe, en Afrique et en Amérique latine». Cette source (il s’agit d’un haut fonctionnaire marocain) ajoutait que de «hauts responsables du gouvernement marocain mouillent dans le narcotrafic», comme en témoignent des scandales tels que celui de l’«Escobar du Sahara», l’un des plus grands réseaux de trafic de drogue du continent, dirigé par Hadj Ahmed ben Brahim (alias l’«Escobar du Sahara») et par l’ancien député marocain Abdenabi Bioui, dit le «Maltais» – affaire dans laquelle sont poursuivis plusieurs membres de l’élite politique et sportive, des hommes d’affaires, des notaires et des membres de la police marocaine pour avoir acheminé des centaines de tonnes de haschisch du Maroc vers l’Afrique du Nord et le Sahel. Toujours selon ce haut fonctionnaire marocain, en poste dans les territoires occupés du Sahara Occidental, les barons du régime narco-monarchique marocain ont transformé cette colonie en plaque tournante du trafic de drogue.
Pour revenir à la France, aujourd’hui les quartiers populaires sont ostracisés, stigmatisés. Pire, accusés dorénavant d’être des pépinières du terrorisme islamiste. Preuve. Pour alimenter le brasier islamophobe, déjà amplement enflammé par les médias, le ministre de l’Intérieur Darmanin n’avait pas hésité à se livrer à des amalgames entre trafics de drogue et terrorisme islamiste.
Interrogé sur le passage du plan Vigipirate au niveau «Urgence attentat» après l’attentat de Moscou, Darmanin avait établi un parallèle avec «l’argent sale du trafic de stupéfiants» qui «finance souvent le terrorisme». Evoquant même une «menace endogène». Manière implicite de justifier les opérations «Place nette» par la désignation d’une lutte contre un ennemi intérieur (les jeunes ? Les musulmans ?).
Le gouvernement Macron proclame mener sa lutte contre le trafic de drogues au «nom de la santé publique». Comment peut-on croire à cet argument quand on sait que les deux drogues les plus consommées, le tabac et l’alcool, sont légales, bien qu’elles occasionnent des milliers de morts par an. 74 000 décès par an provoqués par le tabac et 42 000 par l’alcool. En comparaison, les drogues déclarées illicites provoquent moins de 1 200 morts par an. Les deux drogues légales tuent ainsi 116 000 personnes par an, 1 160 000 personnes en dix ans.
Si l’enjeu était vraiment médical, le pouvoir interdirait immédiatement et le tabac et l’alcool. Or le gouvernement Macron n’est pas près d’interdire ces deux drogues. Et pour cause. Car les taxes générées par ces deux drogues rapportent des dizaines de milliards d’euros à l’Etat. Ainsi, les intérêts financiers passent devant les questions sanitaires.
Qui plus est, la problématique sanitaire induite par l’addiction aux drogues, tout comme la souffrance psychologique qu’elle génère, et le trafic qu’elle implique, ne peut se traiter qu’avec la mobilisation des professionnels de la santé (médecins, infirmiers, psychiatres) et la participation active de la population des quartiers concernés. Et non par l’intervention musclée des forces de police. Par la répression.
Il faut rappeler sans relâche que l’addiction est une maladie, aux déterminants sociaux avant d’être physiques. La toxicomanie, tout comme l’alcoolisme et la dépendance aux psychotropes, s’alimentent à la source de la détresse sociale, de la dégradation des conditions de travail induite par la société capitaliste, de l’angoisse d’absence de perspective professionnelle, du délitement des liens familiaux et sociaux.
Ces jours-ci, l’opération «Place nette XXL» contre le trafic de drogue, interrompue à la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale, vient d’être relancée par le nouveau gouvernement de droite. Aussitôt intronisé place Beauvau, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a répété sa volonté de faire de la lutte contre le narcotrafic sa priorité, «une grande cause nationale».
Avec une rhétorique guerrière employée d’ordinaire contre la prétendue lutte anti-islamiste, le nouveau ministre de l’Intérieur a déclaré : «Les narcoracailles sont partout. Il va falloir les combattre avec une détermination implacable.» Qui sont-ils ? «Ce sont des individus, des trafiquants qui utilisent les moyens les plus féroces, les plus violents pour satisfaire leur appât du gain», explique-t-il. «Le choix que nous avons aujourd’hui est celui d’une mobilisation générale ou alors la mexicanisation du pays».
A titre indicatif, «islamisation» et «mexicanisation» constituent les deux codes pour désigner le déclenchement de la politique de répression des jeunes musulmans et des immigrés. Après l’islamisation de la France, la classe dominante française, pour justifier et légitimer l’encadrement policier des quartiers populaires et la répression des populations d’origine immigrées, vient d’inaugurer le concept de mexicanisation.
Ainsi, dans cette période de marche forcée vers la guerre généralisée, de militarisation de la société, de résurgence du fascisme, mais également d’exacerbation de la lutte des classes, la bourgeoisie française, par le biais de son Etat, mène une guerre préventive de neutralisation des populations jugées remuantes et dangereuses, accusées par ailleurs de manquer d’engagement patriotique : les jeunes et les musulmans.
Refusant de «concéder son humanité» aux jeunes prolétaires et aux populations de confession musulmane, la bourgeoisie française, pour qui les révoltes de l’été 2023 lui laissent encore un arrière-goût de peur panique au fond de son palais buccal empestant la haine de classe, a décidé, sous couvert de lutte antidrogue, de désamorcer cette bombe à retardement, incarnée par les indomptables et rebelles jeunes et les fières et indociles populations paupérisées d’origine immigrée, majoritairement de confession musulmane.
Cependant, les manœuvres manipulatoires de la bourgeoisie française sont vaines. Car, en dépit de son «opération narcotique» visant à se procurer à bon compte un assoupissement des tensions sociales et des agitations populaires, la bombe sociale lui explosera infailliblement à sa hideuse figure vérolée de racisme anti-Arabe et de bellicisme.
La France est devenue une prison à ciel ouvert pour des millions de personnes dont «le seul tort» et la seule infraction est d’être jeune prolétaire ou musulman.
K. M.
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