Albert Camus l’Algérien n’est pas français
Une contribution de Saadeddine Kouidri – On nous a presque dépossédés d’Albert Camus comme on veut nous déposséder de Kamel Daoud. Il s’agit donc de continuer à dénoncer les dérives pour affirmer que l’expression dans notre pays doit s’enrichir et non s’appauvrir à cause des guerres que nous subissons dans tous les domaines pour n’en perdre aucune. Apprendre de ses erreurs tout en dénonçant juste le mensonge et non les opinions. Il s’avère que dans le domaine de l’histoire, le pouvoir a fait une concession inadmissible qui est cette Commission algéro-française alors qu’il fallait juste récupérer les archives et les ouvrir au public.
On reproche à Daoud, à juste titre, beaucoup d’écarts et surtout le jugement qu’il porte sur l’Armée. Ce romancier n’est pas un politique loin s’en faut. Si le politique a droit à l’erreur, pourquoi pas le romancier ? Quant à l’Armée qu’il sous-estime n’était-elle pas aux ordres de Bouteflika et l’Algérienne ne subit-elle pas l’injustice ne serait-ce que lors de l’héritage et du mariage ?
Je rappelle un ancien article sur Camus où je commence par poser la question : «Peut-on revendiquer une nationalité naturelle à titre posthume ? La même politique qui tentait de dénaturaliser Camus est remise sur le tapis pour discréditer Kamel Daoud et son prix Goncourt 2024. A travers ces deux romanciers, l’objectif principal de la néocolonisation et ses valets est de discréditer leur pays natal. Contrairement à Camus, Daoud ne peut aucunement perdre sa nationalité algérienne, alors que les Accords d’Evian du 19 mars 1962 avaient fixé un délai de trois ans à la communauté «pied-noir» pour choisir entre cette nationalité ou de demeurer français.
L’auteur de L’Etranger n’avait pas ce choix, il est mort en janvier 1960. «Il a eu le malheur de mourir avant le 11 Décembre 1960, cela ne doit pas nous faire oublier qu’il est né en Algérie, que la majorité de ses écrits parlent de son pays natal.
Qu’est-ce qui fait de lui un Français, comme le prétendent ces intellectuels qui ne se posent pas les questions élémentaires d’identité, comme : où est-il né ? Quelle est sa première adresse, quelle est sa deuxième adresse ? Nous savons que ce n’est pas le fait d’écrire en français. Est-ce le fait de n’avoir pas épousé les thèses du FLN ou celles de ne pas répondre aux conditions du code de la nationalité ? Encore une ambiguïté entretenue, entre le FLN d’avant 1962 et le FLN d’après. Le changement dans le code de la nationalité devrait nous inciter à revendiquer la nationalité algérienne d’Albert Camus à titre posthume.
La mort accidentelle de l’écrivain, cette mort prématurée, ne lui a pas permis de vivre Décembre, il est mort en janvier 1960. Le fait d’être mort avant décembre 1960, de n’avoir pas vécu cette manifestation qui a prouvé au monde et particulièrement au GPRA (je rappelle que c’est le président du gouvernement provisoire qui a exigé l’arrêt des manifs) et à la France coloniale que les Novembristes ont passé le flambeau, et que ce n’est aucune autre autorité que celle du peuple qui s’est manifestée ces jours de décembre. En tant qu’intellectuel, il ne pouvait que désapprouver toute autorité, y compris celle du FLN mais il ne pouvait désavouer tout le peuple de décembre.
Pour ceux qui dénaturent l’histoire en nommant notre Guerre de libération «Guerre d’Algérie», Camus est un étranger. Il est plus juste de dire que c’est un Algérien qui n’était pas un révolutionnaire. A ce titre, beaucoup d’Algériens ne l’étaient pas. Il était loin d’être un harki et même les harkis restent algériens. Il y a une confusion entre ceux qui veulent le dénaturaliser et ceux qui lui reprochent à juste titre (historiquement parlant) son attitude ambiguë envers la Révolution. On ne sortira pas du faux débat sur Camus que certains «nostalgérie» instrumentalisent et utilisent contre la juste décision des Novembristes pour refaire l’histoire.
Je rappelle que le premier à avoir suggéré la désalgérianisation d’Albert Camus a été Ahmed Taleb Brahimi, lors d’une conférence tenue dans une salle de cinéma à Alger, quelques années après l’indépendance. L’islamisme ravageur a des racines qui ne trompent pas. Le 18.8.12.»
S. K.
Ndlr : Les opinions exprimées dans cette tribune ouverte aux lecteurs visent à susciter un débat. Elles n’engagent que l’auteur et ne correspondent pas nécessairement à la ligne éditoriale d’Algeriepatriotique.
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