Voyeurisme

voyeurisme Daoud
Kamel Daoud. D. R.

Par Mohamed El-Maadi – Contemplons l’apothéose de notre Kamel Daoud, ce virtuose du reniement identitaire, qui vient de décrocher son Graal littéraire – un Goncourt aussi mérité qu’un prix d’éthique décerné à un paparazzi !

Voici l’homme qui a élevé le voyeurisme thérapeutique au rang des beaux-arts, transformant des confessions intimes en prose marketable avec l’élégance d’un pickpocket en smoking. Notre illusionniste des lettres a réussi l’impensable : faire d’un dossier médical bien vivant – et de sa propriétaire tout aussi vivante, détail apparemment négligeable – un chef-d’œuvre littéraire. Enfin, «chef-d’œuvre» selon les critères d’une intelligentsia parisienne qui confond encore indiscrétion et investigation.

Le génie de Daoud réside dans cette capacité presque surnaturelle à transformer une personne réelle, respirante, pensante – et probablement souffrante de voir son intimité étalée en place publique – en personnage de roman. Tel un Rastignac moderne version Maghreb discount, il a compris que le succès littéraire parisien se mesure à l’audace du viol de la vie privée. Plus vous exposez les plaies d’autrui, plus on vous couronne de lauriers.

Son dernier opus est un festival d’indélicatesse où la vie d’une personne – rappelons-le, toujours de ce monde et capable de lire ce qu’on écrit sur elle – devient un fonds de commerce littéraire. Quelle maestria dans l’art de transformer des séances de thérapie en divertissement mondain ! La victime ? Oh, juste un être humain dont l’intimité est servie en amuse-bouche dans les cocktails littéraires, pendant qu’elle continue sa vie, quelque part, spectatrice forcée de sa propre dissection publique.

Les atteintes à la vie privée s’y empilent comme des petits fours sur un plateau, mais qu’importe ! Notre Kamel national a parfaitement assimilé la recette du succès : piller suffisamment d’intimité pour satisfaire les voyeurs distingués, tout en gardant ce vernis de «sauveur des âmes perdues» qui fait si bien dans les salons.

Ce Goncourt 2024 restera comme le triomphe de l’indiscrétion sur le consentement, de l’exploitation sur l’éthique. Notre lauréat, ce funambule de la transgression, jongle magistralement entre «devoir de témoignage» et violation caractérisée du secret médical, pendant que sa «muse involontaire» observe, impuissante, son trauma devenir un produit de consommation culturelle.

La boucle est bouclée : voici donc consacré celui qui a fait du viol de l’intimité un art et de l’exploitation des vivants une esthétique. Un talent certain pour transformer les confidences d’une thérapie en tirage commercial, pendant que le sujet principal de cette mascarade littéraire continue d’exister, de respirer et probablement de souffrir de cette seconde victimisation, cette fois-ci par la plume.

Le plus grotesque dans cette farce éditoriale ? C’est cette façon de se draper dans la vertu du «témoignage nécessaire» alors qu’on brade l’intimité d’une personne bien vivante sur l’autel du succès commercial. Mais notre époque a les prédateurs qu’elle mérite, et Daoud en est l’incarnation parfaite : un vampire littéraire qui se gave de vies privées sous les applaudissements d’une industrie culturelle qui confond encore indiscrétion et investigation.

Finalement, ce prix consacre moins un talent littéraire qu’une certaine conception de la littérature où l’éthique est une notion aussi désuète que le respect de la vie privée. Bravo l’artiste ! Le spectacle continue pendant que, quelque part, une personne réelle contemple, médusée, sa vie intime devenue feuilleton pour lecteurs avides de sensations fortes.

M. E.-M.

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