L’effondrement

L’effondrement Gaza
Que reste-t-il de Gaza ? D. R.

Par Khaled Boulaziz – «Le cri d’une mère, le regard silencieux d’un enfant, le cœur brisé d’un médecin… Voilà le son de l’effondrement de l’humanité.» Ces mots du médecin Tania Hassan, pédiatre à Gaza, reflètent les horreurs indicibles subies par une population assiégée. Au 5 novembre 2024, plus de 43 391 Palestiniens ont été tués dans la guerre entre Israël et le Hamas, parmi eux 146 journalistes, 120 universitaires et plus de 224 travailleurs humanitaires, dont 179 employés de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA). Les hôpitaux sont réduits à l’état de ruines, les enfants affamés fouillent les décombres de leurs maisons, et des familles entières disparaissent sous les frappes aériennes.

Ce n’est pas seulement une tragédie régionale ; c’est l’effondrement moral de l’humanité. Les atrocités commises à Gaza révèlent une cruauté systémique, une apathie collective et la complicité des élites de la communauté internationale face à un génocide. Gaza est le reflet des pires tendances de l’humanité : la violence systémique, l’indifférence face à l’injustice et l’effondrement des responsabilités morales globales.

Depuis des décennies, l’humanité a tenté de se distancer des horreurs de son passé. Les massacres en Algérie du 8 Mai 45, génocide au Rwanda et les nettoyages ethniques en Bosnie ont suscité des promesses de «plus jamais ça». Des institutions comme les Nations unies, guidées par les Conventions de Genève et d’autres traités sur les droits humains, ont été créées pour protéger les civils et prévenir les atrocités.

Pourtant, Gaza réduit cette promesse en miettes. Le ciblage incessant des civils, la destruction des infrastructures essentielles et l’anéantissement calculé de tout espoir révèlent la fragilité de ces aspirations. Les paroles du médecin Hassan, «quand un docteur pleure, ce n’est pas seulement pour les vies perdues, mais pour l’âme perdue du monde», nous obligent à affronter une vérité inconfortable : le progrès de l’humanité est superficiel lorsqu’il ne réussit ni à prévenir ni à combattre de tels actes de cruauté.

Le génocide à Gaza n’est pas simplement une catastrophe régionale. Il illustre le pire de ce dont l’humanité est capable : la violence systémique, l’apathie morale et l’effondrement de la responsabilité internationale. Ces horreurs ne sont pas des conséquences inévitables du conflit, mais des choix délibérés rendus possibles par le silence et l’inaction.

Les chiffres de Gaza racontent une histoire glaçante. Plus de 43 000 vies ont été fauchées, dont des milliers d’enfants, qui auraient dû incarner l’avenir de la région. Des universitaires, des journalistes et des travailleurs humanitaires – des individus essentiels pour préserver la vérité, l’éducation et l’espoir – figurent parmi les morts. Les hôpitaux, autrefois sanctuaires de soins, sont devenus des tombes, réduits à néant sous les bombes. Cette violence n’est ni accidentelle ni collatérale ; elle est systématique.

Le concept de Hannah Arendt sur la banalité du mal éclaire l’efficacité glaçante de ces destructions. Les systèmes bureaucratiques, exécutés par des individus qui se détachent de leur responsabilité morale, perpétuent la violence avec une précision dévastatrice. Le ciblage délibéré des infrastructures médicales et des institutions essentielles souligne le caractère calculé de ces actes. Gaza n’est pas un simple champ de bataille ; c’est un laboratoire pour l’effacement d’un peuple.

Alors que les bombes tombent et que le bilan des morts s’alourdit, la communauté internationale reste tragiquement silencieuse. Plus de 224 travailleurs humanitaires, dont 179 employés de l’UNRWA, ont été tués alors qu’ils tentaient de sauver des vies, mais les puissances mondiales refusent d’agir de manière décisive. L’appel de la docteure Hassan – «Où est votre humanité ?» – capture cet échec collectif à intervenir contre des atrocités aussi flagrantes.

Le concept de mauvaise foi de Jean-Paul Sartre offre une perspective sur cette complicité. En niant leur responsabilité ou en rationalisant leur inaction, les individus et les nations renoncent à leurs obligations morales tout en perpétuant les conditions du génocide. Le silence n’est pas neutre ; c’est un choix actif qui renforce les auteurs des crimes. L’échec à s’opposer au génocide à Gaza reflète l’incapacité – ou le refus – de la communauté internationale à vivre selon ses valeurs proclamées de justice et de dignité humaine.

Les morts de plus de 43 000 Palestiniens, l’anéantissement des familles, et la destruction des institutions essentielles ne sont pas seulement des tragédies physiques ; elles symbolisent l’effondrement de la conscience morale de l’humanité. L’observation du médecin Hassan – «Chaque mort d’enfant est une blessure au cœur de l’humanité» – exprime les implications plus larges de cette souffrance.

La critique par Friedrich Nietzsche de la morale grégaire est particulièrement pertinente. Il a soutenu que les sociétés privilégient souvent la commodité et l’auto-préservation au détriment de la justice et de la vérité. L’indifférence mondiale face à la souffrance de Gaza illustre cette tendance : il est plus facile d’ignorer une atrocité que de confronter les systèmes de pouvoir qui la perpétuent. L’échec de l’humanité à Gaza n’est pas un échec de connaissance – c’est un échec de volonté, un effondrement de la conscience collective qui permet au génocide de persister.

Certains affirment que la violence à Gaza reflète une agression mutuelle entre deux parties. Cette narration s’effondre face à la réalité. Le déséquilibre de pouvoir entre les capacités militaires avancées d’Israël et la population assiégée de Gaza est flagrant. Les civils sont les principales victimes, avec des quartiers entiers détruits par des frappes aériennes. La résistance de Gaza, bien que désespérée, n’équivaut pas au ciblage systématique des enfants, des journalistes et des hôpitaux.

D’autres prétendent que l’attention portée à Gaza détourne l’attention d’autres crises pressantes. Bien que d’autres tragédies méritent également une attention, Gaza est un microcosme de la manière dont la violence systémique et l’apathie mondiale permettent des atrocités. Mettre en lumière Gaza n’exclut pas d’autres injustices, mais offre un cas d’étude sur l’échec moral global de la communauté internationale.

Le génocide à Gaza est une condamnation sévère de l’effondrement moral de l’humanité. Le ciblage systématique des civils, le silence des puissances mondiales, et l’apathie des institutions internationales révèlent un échec profond à défendre la justice et la dignité humaine. Le chagrin du médecin Hassan – ses larmes pour les morts et pour la conscience perdue de l’humanité – nous oblige à affronter cet échec.

Pourtant, un chemin vers la rédemption existe encore. En brisant le silence, en amplifiant les voix des opprimés et en exigeant des comptes, nous pouvons commencer à réparer les fractures dans notre conscience collective. Le moment d’agir, c’est maintenant. Comme le rappellent les paroles du médecin Hassan : «Assez de silence. Assez de complicité.» Le monde ne peut pas laisser Gaza devenir un monument de son échec, mais doit plutôt en faire un cri de ralliement pour la justice, l’humanité et l’espoir.

K. B.

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