Le roi républicain ou comment Macron transforme la France en monarchie
Une contribution du Dr A. Boumezrag – «L’Etat, c’est moi, le peuple c’est vous.» Cette phrase, que l’on pourrait attribuer à Louis XIV, semble aujourd’hui résonner comme une triste réalité dans le discours et la pratique d’Emmanuel Macron. Si l’on remplace «le roi» par «le Président», le parallèle avec l’absolutisme monarchique semble frappant. Dans un contexte politique où la fracture entre l’Exécutif et le législatif s’élargit, Emmanuel Macron semble tout à fait décidé à réinventer la monarchie sous couverture de République.
La République ou la domination sans partage ?
L’élection législative anticipée du 7 juillet 2024 a mis en lumière une nouvelle donne politique en France : une opposition parlementaire plus hostile que jamais et un pouvoir Exécutif de plus en plus isolé. Pourtant, au lieu de dialoguer, de rechercher un compromis ou de modérer ses réformes, Macron a choisi une trajectoire d’autorité renforcée. Sa stratégie ? Imposer sa vision, coûte que coûte. Car, à la fin, qui a réellement le pouvoir quand un Président décide seul de l’orientation politique du pays, malgré une Assemblée nationale de plus en plus insubordonnée ?
La motion de censure du 4 décembre 2024, votée à la majorité absolue, a été le sommet de cette crise politique. Le gouvernement Barnier, fragilisé dès son installation, a cédé sous la pression d’un Parlement qui, déçu par l’incapacité de l’Exécutif à gouverner, a pris la décision radicale de mettre fin à son mandat. Mais Macron, plutôt que de reconnaître l’échec et d’entamer une remise en question, a choisi de se maintenir dans sa logique de pouvoir vertical. Il n’a pas réfléchi. Son message est clair : les réformes continuent, que le peuple le veuille ou non.
Une monarchie républicaine ?
Quand l’Exécutif devient aussi dominant, que reste-t-il de la séparation des pouvoirs et de la démocratie ? Macron, à travers ses décisions unilatérales, semble incarner une version moderne du roi. Sans l’ombre d’un doute, il mène le pays avec la certitude qu’il détient la vérité absolue. Le Parlement ? Un instrument simple, une formalité qui peut bien exprimer des désaccords, mais qui n’a ni poids ni influence. L’opposition, quant à elle, semble condamnée à une marginalisation systématique, comme dans les cours royales d’antan.
Les ministres eux-mêmes, souvent relégués à de simples exécutants des ordres présidentiels, n’ont guère plus d’indépendance qu’un conseiller royal. La République, censée être un régime fondé sur des principes de représentation et de gouvernance partagée, se transforme sous Macron en un pouvoir à la fois concentré et absolu. Une République, certes, mais une République où le monarque est de plus en plus seul, où les contre-pouvoirs sont annihilés, où l’opposition parlementaire est vue comme une nuisance à l’idéologie présidentielle.
Le peuple, ce spectateur passif
Le peuple, lui, n’est plus qu’un spectateur. Ses préoccupations, ses demandes, ses désirs de changement sont balayés d’un revers de main. Le Président, comme un souverain, continue à gouverner selon ses propres désirs, convaincu que ses réformes sont d’intérêt général, agissant des voix qui s’élèvent contre lui. Les débats parlementaires, qui devraient être le lieu d’un véritable échange d’idées, sont réduits à un théâtre d’ombres où les décisions sont déjà prises à l’avance.
Le président Macron semble se considérer comme le seul à pouvoir incarner la volonté générale, et ce sans l’accord explicite des institutions censées le contester. La motion de censure, pourtant un moyen fondamental d’expression démocratique, est ignorée comme un simple obstacle temporaire qu’il convient de contourner.
Le paradoxe de la démocratie
Ce qui frappe, dans cette dérive vers une «monarchie républicaine», c’est l’illusion de démocratie qu’elle cache. Macron, tout en prônant les vertus républicaines, multiplie les actions qui transgressent les principes de représentation, de dialogue et de compromis. En agissant ainsi, il ne fait pas que fragiliser les institutions ; il érode aussi la confiance du peuple dans la capacité de la République à réellement les représenter.
Le paradoxe est flagrant : un Président, élu démocratiquement, qui applique une vision autoritaire en se drapant dans les habitudes de la République. Cette «monarchie républicaine» qu’il semble instaurer risque de transformer le citoyen en simple spectateur passif, qui devra s’accommoder des décisions imposées sans qu’il ait son mot à dire. Mais attention : la patience populaire, aussi grande soit-elle, a ses limites. L’histoire de la France est pleine d’exemples de monarchies qui, croyant être intouchables, ont été renversées par un peuple qui en avait assez.
Macron semble vouloir imposer sa vision à tout prix, mais à quel prix pour la démocratie ? Sa tentative de réinventer la monarchie sous couvert de République pourrait bien le mener là où il ne s’y attend pas : dans une crise institutionnelle majeure, où la démocratie ne sera plus qu’un leurre et où le peuple, fatigué de ne plus être écouté, pourrait réclamer bien plus que des réformes. Peut-être alors que la République, telle qu’il l’entend, finira par imploser sous le poids de son propre absolutisme.
«La République, c’est l’art de partager le pouvoir ; la monarchie, c’est l’art de le concentrer.» (Alexis de Tocqueville.)
A. B.
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