La matrice de la Révolution algérienne est nationaliste et non islamique

moudjahidine Révolution
Les moudjahidine portaient des tenues militaires. D. R.

Une contribution de Khider Mesloub – A la suite de la publication de mon article «La lâcheté des islamistes : promoteurs du combat sacrificiel vicariant», certains commentaires ont tenté de transformer la grandiose Révolution nationaliste algérienne, conduite contre le colonialisme français, en insurrection djihadiste menée contre les «mécréants» français. Assimiler le FLN au Hamas.

Si la Révolution algérienne avait revêtu quelque dimension religieuse islamique, endossé la tunique de l’islamisme, emprunté la voie du djihad, comme l’affirment certains commentaires, elle n’aurait jamais pu acquérir l’adhésion et le soutien de millions de personnes du monde entier, notamment des continents européen et américain.

Encore moins entraîné le ralliement massif du peuple algérien. Et, à plus forte raison, celui de mon père, de ses frères, neveux et cousins, qui se sont jetés corps et âme dans la lutte révolutionnaire de la libération de l’Algérie au nom des principes universels anticolonialistes, du recouvrement de la dignité nationale, et non au nom de l’islam. Du reste, aucun membre de ma famille de moudjahid ne parlait l’arabe, ni ne faisait la prière. Tout comme c’était le cas de la majorité des Algériens de la Kabylie. Pourtant, tous les Algériens d’expression kabyle se sont sacrifiés pour l’Algérie.

Pour rappel, les Oulémas musulmans algériens prônaient l’assimilation politique, voulaient transformer l’Algérie en une province arabo-musulmane sous l’égide de la France. Ils ne revendiquaient pas l’indépendance. C’étaient des partisans de l’Algérie française. Après le déclenchement du mouvement armé pour la libération de l’Algérie, en 1954, les Oulémas gardent une position attentiste. L’emploi de la lutte armée est officiellement condamné par les Oulémas. Ils condamnent et la radicalité politique et l’usage de la violence employés par le FLN.

Par ailleurs, lors de la guerre de Libération, tous les révolutionnaires algériens étaient habillés en tenue militaire de combat ou en tenue civile, mais jamais en djellaba, qamis. Certes les combattants et dirigeants nationalistes de l’ALN-FLN se considéraient, à titre personnel, comme musulmans. Mais, à titre collectif, ils se considéraient comme des nationalistes algériens.

Donc, de grâce, ne falsifiez pas l’histoire de la Révolution algérienne. Elle n’a jamais revêtu une «dimension» religieuse, perspective islamique. La matrice de la Révolution algérienne est nationaliste, et non islamique. Le nationalisme, et non l’islam, a été le ciment qui aura permis de sceller l’union du peuple algérien, bâtir par la lutte armée l’Etat-nation algérien. La Révolution algérienne n’a pas été menée par les confréries religieuses islamiques. Mais par la «fraternité nationaliste algérienne».

La preuve. Le mouvement de Messali Hadj qui, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, s’est posé en bras séculier de la foi islamique, matérialisée par le renforcement des interdits et l’ordre moral, a, le moment fatidique de l’insurrection révolutionnaire, déserté le combat de la libération nationale.

Aussi la mobilisation pour la libération de l’Algérie n’a-t-elle eu aucun contenu religieux islamique, mais politique nationaliste. Et si l’islam aura joué un rôle un tant soit peu mobilisateur, c’est en tant que ferment culturel et non en tant que marqueur cultuel. L’imprégnation de la religiosité islamique dans le combat libérateur était cantonnée au monde rural.

La Révolution algérienne aura été l’œuvre d’un mouvement populiste, cornaqué par une élite plébéienne issue de la classe ouvrière, de la petite bourgeoisie et du petit peuple des villes et des campagnes. Au reste, dans les communiqués des combattants, c’est le «peuple algérien» qui est interpellé, les «Algériens libres», et non pas les «musulmans algériens». Une chose est sûre, la Révolution algérienne n’avait aucune «dimension religieuse». La preuve par l’hymne national Qassaman, qui ne contient aucune référence religieuse islamique, aucune rhétorique musulmane.

Qassaman. Par les foudres qui anéantissent, par les flots de sang pur et sains, par les drapeaux flottants au vent, sur les hauts djebels orgueilleux et fiers, nous jurons nous être révoltés pour vivre ou pour mourir, et nous avons juré de mourir pour que vive l’Algérie !

Témoignez ! Témoignez ! Témoignez !

Nous sommes des soldats pour la justice, et pour notre indépendance nous avons commencé le combat. Nous n’avons obéi à nulle injonction en nous soulevant. Le bruit des tirs a été notre mesure, et le crépitement des mitrailleuses notre chant favori. Et nous avons juré de mourir pour que vive l’Algérie !

Témoignez ! Témoignez ! Témoignez ! Sur nos héros nous bâtirons la gloire, et sur nos corps nous monterons à l’immortalité, sur nos âmes, nous construirons une armée, et de notre espoir nous lèverons l’étendard.

Front de la Libération, nous t’avons prêté serment et nous avons juré de mourir pour que vive l’Algérie ! Témoignez ! Témoignez ! Témoignez !

Le cri de la patrie monte des champs de bataille. Ecoutez-le et répondez à l’appel. Ecrivez-le dans le sang des martyrs, et dictez-le aux générations futures. Nous t’avons donné la main, ô gloire, et nous avons juré de mourir pour que vive l’Algérie !

Témoignez ! Témoignez ! Témoignez !

Au lendemain de l’indépendance, en 1963, à la faveur d’un contexte historique marqué par le triomphe de l’arabo-islamisme, certes, par complaisance ou opportunisme, l’islam est devenu religion officielle, mais l’Algérie ne s’est jamais définie comme une République islamique. Comme le résume Henri Sanson, auteur de Laïcité islamique en Algérie, «l’islam règne théocratiquement (je dirai culturellement NDA), les laïcs gouvernent démocratiquement. L’islam fournit à l’Etat son cadre de référence (culturel NDA) ; l’Etat gouverne, de façon autonome à l’intérieur de ce cadre». La preuve. Lorsque les islamistes ont voulu s’emparer du pouvoir en 1991, l’Etat algérien, au nom des idéaux nationalistes issus de la Révolution de 1954, les a militairement combattus.

K. M.

 

Comment (5)

    Aninyme
    11 décembre 2024 - 8 h 12 min

    Pour préciser, nous retraçons ci-après, les grandes lignes de notre programme politique :

    BUT : L’Indépendance nationale par :

    1) La restauration de l’Etat algérien souverain, démocratique et social dans le cadre des principes islamiques.

    2) Le respect de toutes les libertés fondamentales sans distinction de races et de confessions.

    OBJECTIFS INTÉRIEURS:

    1) Assainissement politique par la remise du mouvement national révolutionnaire dans sa véritable voie et par l’anéantissement de tous les vestiges de corruption et de réformisme, cause de notre régression actuelle.

    2) Rassemblement et organisation de toutes les énergies saines du peuple algérien pour la liquidation du système colonial.

    OBJECTIFS EXTÉRIEURS:

    – Internationalisation du problème algérien.

    – Réalisation de l’Unité nord-africaine dans le cadre naturel arabo-musulman.

    – Dans le cadre de la charte des Nations Unies, affirmation de notre sympathie à l’égard de toutes nations qui appuieraient notre action libératrice.

    Abou Stroff
    11 décembre 2024 - 7 h 02 min

    « La matrice de la Révolution algérienne est nationaliste et non islamique » titre K. M.

    en effet, je pense que la guerre d’indépendance* s’inscrit dans un mouvement de décolonisation mondiale dont les idéologues du Grand Capital ont perçu l’inéluctabilité (d’où la métamorphose de la colonisation en impérialisme, pour aboutir, au moment présent à la mondialisation dite néo-libérale).
    par conséquent, l’Algérie était nécessairement amenée à recouvrer son « indépendance » comme la recouvrèrent quasiment tous les pays colonisés**.

    ceci étant dit, le slogan « Allah Akbar » servait à galvaniser les combattants, à leur donner plus de courage et à affronter vaillamment leurs ennemis, sans que ceux qui l’utilisaient aient en tête la construction d’une ………………………dawla islamia.
    d’ailleurs, chacun sait que l’association des oulémas algériens n’a rejoint le FLN historique, en 1956 qu’après avoir senti le couteau sous ou sur la gorge***.

    moralité de l’histoire: il n’y en a aucune, à part que la vermine islamiste essaie de falsifier l’histoire pour dissimuler son non-participation effective à la guerre d’indépendance et à s’acheter une virginité en s »appropriant un pan de notre histoire.****

    * remarquez que je parle de « guerre d’indépendance » et non de « révolution algérienne », car, je pense (admirez ma modestie légendaire) que l’indigence idéologique du FLN ne pouvait,en aucune manière, aboutir à une révolution, au sens de transformation radicale d’une réalité.
    ** je pense que la guerre d’indépendance en Algérie qui était une colonie de peuplement (par opposition à un « protectorat ») fut, dans les faits, imposée par la lobby des colons qui ne voulaient pas perdre leurs privilèges de colons. en termes crus sans le lobby des colons, l’Algérie aurait obtenu son « indépendance sans recours à la guerre.
    *** durant le règne de el ibrahimi au poste de ministre de l’éducation, les livres d’histoire falsifiait l’histoire en présentant cette association assimilationniste comme l’inspirateur et le déclencheur de la guerre d’indépendance.
    **** on peut remarquer que beaucoup d’ex-harkis ont intégré la mouvance islamiste pour s’acheter une nouvelle virginité.

    nordine jazayri
    11 décembre 2024 - 5 h 49 min

    jai pas fini de lire l’article et les premieres lignes mont obligés de corriger l’information de l’auteur sur l’islam et la pratique des kabyles pendant la révolution. en effet le colonel amirouche parmi ses instructions a ses djounouds est de prier tahar ait aljet l’avait bien rappelé mais la question est la suivante que cherchez-vous l’unité du peuple Algérien est en danger l’Algérie avant tout

    Nuances
    11 décembre 2024 - 1 h 48 min

    A mon avis
    Oui la position des Oulémas sur le déclenchement de la Révolution a été “ambiguë” …
    Oui La Révolution Algérienne a toujours tenue a être Inclusive et n’a pas mis en Avant de Caractère Religieux
    .
    En juillet 1954
    Le Journal le Patriote affirmait que la nationalité algérienne reposerait uniquement sur la détermination à combattre le système colonial :
    « Les Algériens seront tous ceux qui viendront grossir les rangs des patriotes qui se sont donnés pour tâche nationale la liquidation de ce régime colonialiste avec son administration rétrograde et raciste, les forces répressives et les privilèges énormes des gros possédants.
    Voilà le seul critère véritable, la condition essentielle qu’il faudra remplir et cela sans distinction de race ni de religion aucune pour se réclamer des Algériens ».

    Cependant
    “Le discours nationaliste révolutionnaire du CRUA faisait appel aux sentiments patriotiques et religieux des cadres du PPA-MTLD afin de les convaincre de rallier leurs positions activistes et combattre un discours Assimilassioniste contre les repères identitaires que pouvaient constituer l’islam et la langue arabe ”.
    .
    Les contextes changent
    Il est difficile de faire des Analogies.
    Même si on peut bien sur trouver des Similitudes avec d’autres Mouvements passés ou présents de Libération.
    La Révolution ALGÉRIENNE reste UNIQUE au 20e Siècle.

    .

      DZ
      11 décembre 2024 - 8 h 16 min

      tout a fait la revolution algerienne c est faite dans un contexte de decolonisation mondiale a l instart de l indochine rien a voir avec l islam d ailleurs les oulemas proche d un systeme d autonomie avec la france plutot que l independance le fis recevait ses directives en france l islam a fait beaucoup de tort a l algerie malheureusement

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