Corruption : comment neutraliser cet ennemi public numéro un

corruption Etat
Il est possible de réduire la corruption à un minimum qui met hors de danger une nation. D. R.

Une contribution de Kaddour Naïmi – Les analyses des événements en Syrie évoquent la corruption comme l’une des causes de la chute du système politique précédent ; ces analyses semblent, à mon avis, ne pas accorder à la corruption son importance stratégique comme motif explicatif.

Importance de la corruption

Dans un panier, un fruit pourri gâche les autres ; sur un arbre, des vers pourrissent un fruit jusqu’à sa chute par terre. Pour dominer un peuple, la première méthode consiste à corrompre ses élites dirigeantes. Ensuite, la corruption s’étend aux différentes couches de la société, des plus influentes (économique, militaire) à celle qui façonne l’opinion citoyenne (la culture). La corruption peut commencer par le bas de la pyramide sociale : le peuple, soumis à une existence matérielle trop difficile, recourt aux moyens les plus illicites pour survivre, dont la corruption. La corruption peut naître par la courroie de transmission entre les dirigeants étatiques et le peuple, pour une amélioration des conditions matérielles, par exemple juge, policier, douanier, soldat, employé, enseignant, jusqu’au simple portier d’un immeuble. La corruption peut commencer par le haut de la pyramide sociale. Les dirigeants du pays succombent au désir d’enrichissement pour jouir de villas, de véhicules, de compte bancaire à l’intérieur ou/et à l’étranger. Dès lors, la nation, dans ses divers domaines, dévorée par la corruption, devient une proie facile à ses ennemis internes ou/et externes.

Quelques rappels historiques

De l’antiquité à aujourd’hui, le problème est identique : pour dominer un peuple et sa nation, par des agents autochtones (dictature) ou/et étrangers (impérialisme), il faut corrompre. Un étranger, venu dans l’antique Sparte et ne voyant pas de muraille, s’inquiéta auprès du chef de la cité. Ce dernier lui montra les paysans au travail dans les champs : «Voici notre muraille». Les citoyens étaient tous dotés d’une formation militaire adéquate et d’une idéologie conséquente.

Vous étonnerez-vous, par exemple, de voir les manifestations de liesse de Syriens après la chute du système politique des Assad ?  Les dirigeants de cette nation n’ont pas voulu constituer leur peuple en muraille capable de résister aux agressions, interne ou/et externe. Je dis «voulu», car un peuple-muraille signifie lui donner la capacité culturelle de savoir défendre sa patrie contre deux dangers : 1) une dictature interne, 2) une agression étrangère. La Muraille de Chine fut construite pour protéger le pays des invasions. Informations données par Chat-GPT : «Corruption et trahisons

L’idée que des gardiens de la Muraille de Chine aient été corrompus par les Mongols fait référence à des événements spécifiques où des officiers ou des fonctionnaires locaux, ou même des membres de l’élite, ont trahi leurs propres dirigeants pour s’allier avec les envahisseurs. Par exemple, dans le cadre de la dynastie Jin, certains officiers ou seigneurs locaux ont ouvert les portes ou facilité l’accès des Mongols en raison de leurs alliances secrètes, de leur insatisfaction envers leur propre gouvernement ou, dans certains cas, de pots-de-vin. Les Mongols, en tant que conquérants, étaient également très habiles à exploiter les divisions internes entre les peuples qu’ils attaquaient. Ils ont souvent promis des récompenses, des postes de pouvoir ou des terres à ceux qui se ralliaient à leur cause. Cela a conduit à plusieurs trahisons, y compris parmi les gardiens des fortifications de la Muraille de Chine, bien que les sources historiques sur cet aspect soient parfois floues.

Ce qui est certain, c’est que la stratégie des Mongols a été aussi psychologique que militaire, exploitant à la fois la corruption, la division interne et les faiblesses des dynasties chinoises pour parvenir à leurs fins.»

Comment l’Empire romain a conquis d’autres nations ? Par la corruption de leurs dirigeants. Durant la guerre contre l’impérialisme romain menée par Jugurtha, quel aspect inquiéta le plus l’oligarchie romaine ? Non pas les victoires militaires du chef numide, mais un autre fait : il utilisait la même arme que les Romains, à savoir corrompre par l’argent des représentants de l’oligarchie romaine. Quel motif déterminant explique la chute du système «soviétique» ? Si l’on prend la peine de connaître l’histoire réelle, et non pas la propagande, on découvre ce motif dans les toutes premières années de l’installation de ce système : «Il avait rudement raison, ce paysan qui déclara au VIIIe Congrès des Soviets : Tout va très bien… Seulement, si la terre est à nous, le pain est à vous ; l’eau est à nous, mais le poisson est à vous ; les forêts sont à nous, mais le bois est à vous… A part ça, le travailleur ne doit pas s’en faire.» (1) Autrement dit, après la Révolution d’Octobre, très vite, une caste privilégiée se constitua et imposa sa domination, camouflée en «dictature du prolétariat». Le pourrissement de la «pomme» se concrétisa en soixante-dix ans : 1921-1991 (2).

Durant l’agression militaire états-unienne contre l’Irak, Scott Ritter, analyste en géostratégie, déclara : «90 généraux de l’armée irakienne, complices de l’armée américaine, furent emmenés aux Etats-Unis.»

En 2024, l’Aipac, organisme états-unien lobby sioniste, affirma avoir acheté environ 65% des représentants du Congrès américains. Face à eux, que peut faire le Président élu du pays, Trump ? A propos de la chute de la Syrie, que sont devenus les dirigeants de l’armée ?

Comment opèrent les agences, clandestines ou déclarées type ONG, d’une oligarchie impérialiste actuelle pour recruter des représentants des élites d’une nation, puis changer le système politique en faveur des intérêts de cette oligarchie étrangère ? Par des pots-de-vin, l’octroi de bourses, la formation de «Young Leaders», le financement plus ou moins occulte d’activités dans tous les domaines, notamment culturel (centres, instituts, etc.), la publication des «œuvres» et la diffusion des déclarations largement médiatisées d’«influenceurs». L’argent, utilisé pour enrichir les éléments corrompus d’une nation, est le moyen de soumission. Tous les autres domaines suivent : économie, militaire, culturel.

Agent corrupteur et agent corrompu

A l’intérieur d’une nation, l’oligarchie dictatoriale crée une caste opportuniste, assoiffée d’enrichissement pour encadrer le peuple et vivre à son détriment. A l’échelle internationale, l’oligarchie impérialiste crée une oligarchie autochtone à son service : les deux vivent de l’exploitation des richesses naturelles de la nation vassale. Si l’argent se révèle insuffisant comme moyen de soumission, il est complété par l’exercice de la violence. Elle s’exerce par la dictature autochtone ou/et par l’agression militaire étrangère. Cette violence est d’autant plus efficace que le degré de corruption dans la société est grave. L’argent permet de constituer des armées mercenaires, capables de renverser des régimes politiques corrompus ; et le manque d’argent fragilise les armées jusqu’à les rendre inefficaces face à une agression militaire interne ou/et externe (3). L’argent est le nerf de la guerre, et de la force ou de la faiblesse d’une nation.

Solution

Une nation indépendante, un peuple souverain doivent, en premier lieu, éliminer toute forme de corruption parmi leurs représentants, dans tous les domaines.Pour qu’une nation soit victorieusement résistante à une agression étrangère, il faut que cette nation le soit à ses contradictions internes. Pour l’être, il faut que son peuple soit informé et conscient des enjeux. Pour qu’il le soit, il faut un rapport non de peur, de méfiance et d’hostilité, mais de confiance et de coopération entre dirigeants et dirigés, dans tous les secteurs de l’activité sociale. Cette excellence de situation d’une nation n’est pas facile à réaliser : les corrompus existent dans toute société. Plus grave encore : ils pratiquent l’art de se présenter comme les meilleurs défenseurs de la nation et du peuple, d’où la difficulté de repérer leurs méfaits.

Comment découvrir ces derniers pour les neutraliser ?

Tout représentant ou défenseur de la nation et du peuple, qui agit dans le domaine social, doit rendre public son compte bancaire et ses biens matériels. Ces informations doivent être connues avant l’entrée en fonction et à la fin de celle-ci : cela permet de vérifier si, durant l’activité publique, la personne n’en a pas profité pour s’enrichir illégalement.

Un organisme national de contrôle, constitué en réseau dans tout le pays, vérifie la conformité des déclarations de ces représentants. Cet organisme fonctionne correctement à une condition : que les dirigeants étatiques le permettent et, pour qu’il en soit ainsi, elles doivent défendre réellement les intérêts de leur peuple. Est-ce là une proposition utopique ? Des indices de perception de la corruption dans les diverses nations existent. Ils servent d’indicateurs aux investisseurs et aux… corrupteurs. Il est donc possible de réduire la corruption à un minimum qui met hors de danger une nation, aussi bien dans son fonctionnement intérieur que du risque d’agression étrangère.

Accuser les corrupteurs d’asservir des corrompus, c’est reprocher à un serpent d’émettre son poison, à un virus d’envahir le corps : stupide et inutile. L’attitude correcte est de veiller à ce que le serpent n’utilise pas son venin, que le virus n’envahisse pas le corps. Le venin ou le virus, dans une société, sont les individus dépourvus de dignité humaine, à chaque niveau social : ils se vendent au plus offrant et accomplissent ses ordres les plus abominables, en se présentant comme les personnes les plus bienfaitrices de l’humanité. Prévenir vaut mieux que guérir.

K. N.

1) Voline : La Révolution inconnue Russie 1917-1921.

2) Si on considère non pas 1917, date du renversement du régime tsariste, mais 1921 : date de l’écrasement militaire, par les Bolcheviks, du Soviet de Kronstadt et des Soviets d’Ukraine.

3) On a dit que, juste avant l’attaque victorieuse contre le gouvernement Assad, le soldat syrien recevait une solde mensuelle de 15 dollars, alors que pour nourrir sa famille il devrait disposer d’au moins 200 dollars.

Comment (6)

    lhadi
    18 décembre 2024 - 12 h 58 min

    L’individualisme a desséché notre société en même temps qu’il l’a destructuré créant le vide que remplit désormais les clameurs d’une idéologie d’un autre âge. Il n’y a plus de « nous » mais une somme de « je » juxtaposés, ou un « je » tout-puissant dominant les autres.

    Ce chemin est la route de l’asservissement : c’est parce que l’homme se voit comme un dieu capable de posséder la vérité qu’il devient loup pour l’homme, comme dira Feuerbach en paraphant Hobbes.

    Par conséquent, les faiblesses des hommes ne sont pas des éléments donnés avec lesquels l’homme politiques compose, mais des erreurs à gommer par la lumière de son savoir. Les contradictions ne doivent pas être surmontées, mais résolues. Si bien que celui qui persiste dans son désaccord n’est pas un simple adversaire politique, mais un ignorant dans l’erreur.

    L’excellente plume de notre contributeur, toujours dans la mesure et à juste titre, se garde bien de lever le voile du silence sur la responsabilité du système algérien d’un autre temps qui a permis l’émergence d’une république de copains et de copains, d’oligarchies devenus riches sans travailler : conséquences de décennies de morgue. Il ne désigne pas le néo-patrimonialisme, mode de gouvernance d’un autre âge, qui marque de toute son empreinte la vie politique, économique et sociale de la jeune nation algérienne.

    Notre défi est donc le suivant : enraciner les citoyens algériens et les ouvrir à l’autre-que-soi par la médiation d’une appartenance commune, puisée dans l’éducation à une culture partagée. Seule cette dernière permet un appel à l’affection qu’une vieille demeure aménagée par le long fil des siècles peut engendrer dans le coeur d’individus pour lesquels la tentation de l’égoïsme n’est jamais aussi forte – il faut le croire – que celle qui aspire à l’héroïsme, au service concret de ceux avec qui ils se sentent liés et d’une communauté politique qui nous donne, à nous mortels, une part d’éternité dans l’histoire des hommes.

    Fraternellement lhadi
    ([email protected])

      lhadi
      18 décembre 2024 - 19 h 46 min

      Bien lire …une république de copains et de coquins, une oligarchie devenue riche sans travailler ..

      Merci

      Fraternellement lhadi
      ([email protected])

    Macaronia
    18 décembre 2024 - 11 h 18 min

    En quelques années, le troisième armateur mondial, dont le siège est installé dans la ville de Marseille, a mis sa patte sur de nombreux projets marseillais emblématiques. Dirigé par le milliardaire Rodolphe Saadé, un proche d’Emmanuel Macron, il s’impose comme un acteur économique, mais aussi politique, de premier plan. Tout en conservant sa très avantageuse niche fiscale. Dormez braves gens tout est sous controle

    Amilcar Barca
    17 décembre 2024 - 20 h 34 min

    Il y a trois fleaux qu il faut aneantir :la corruption,la drogue et la fraude fiscale sans oublier la degradation des moeurs..Ce sont des armes a destruction massive…aux mains des puissances etrangeres qu ils manipulent pour soumettre des Etats et les mettre a genoux ….etc.Le petit Etat de Singapour en a souffert au debut de sa creation/Independance.puis le pouvoir en place a fait de Singapour une democratie autoritaire avec une tolerance ZERO de la corruption et de la drogue…Singapour reste l’un des rares pays au monde à continuer d’exécuter des personnes pour des délits liés à la drogue,a la corruption et au detournement de fond d Etat..Avec 5,3 millions d’habitants, Singapour a l’un des taux d’exécution capitale par habitant le plus élevé au monde avec environ quatre cent vingt détenus pendus entre 1991 et 2004, selon Amnesty International. Depuis le 30 mars 2022, date à laquelle les exécutions ont repris après une interruption de deux ans, Singapour a ôté la vie à 15 personnes pour des infractions à la législation sur les stupéfiants.La Chine aussi ne lesine pas pour combattre par la peine capitale les trafiquants de drogue et de corruption…L Algerie doit suivre ces exemples car la corruption continue a ronger les institution de l Etat,et la drogue continue a envahir le pays ..

    Ferid Racim Chikhi
    17 décembre 2024 - 18 h 32 min

    La première corruption….

    Je me souviens avoir lu au milieu des années  »60 » un ouvrage sous le titre  »Mind control » d’Andrew Parry, acheté à la librairie 55, sur la rue Ben Mhidi à Alger… C’était une découverte à l’ère du Parti Unique … Un monde oü chaque pensée, décision, croyance pour ne pas dire conviction peut être influencée sans que vous ne puissiez le réaliser. Cela existe depuis quele monde est monde, un phénomène qui a façonné l’histoire de l’humanité et continu de le faire encore de nos jours souvent sans que nous n’en soyons conscient. Les instruments e tles outils des propagande ont été tellement développés que le control des esprits est encore plus pervers. Et, que pouvons nous faire pour y faire face ? Cet ouvrage est un appel à la prise de conscience contr ela manipulation qui devient de plus en plus sophostiquée …

    Le reste à découvrir si le réveil est réel et non fictif !

    Luca
    16 décembre 2024 - 22 h 55 min

    Avec dieu , comme l’a toujours fait la grande Algérie

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