Un dilemme fondamental que tout leader doit affronter tôt ou tard : avancer ou stagner ?

Le soulèvement des Gilets jaunes était dû au refus des dirigeants de procéder aux réformes exigées. D. R.

Une contribution du Dr A. Boumezrag – La question est simple en apparence, mais elle porte en elle une réflexion profonde sur le leadership et sur le rôle que chaque dirigeant doit assumer dans un monde en perpétuelle évolution : avancer ou stagner ? Derrière cette dualité se cache une réalité complexe, un dilemme fondamental que tout leader doit affronter tôt ou tard.

Avancer, c’est prendre des risques, se projeter dans l’avenir avec audace et conviction. C’est oser le changement, affronter les incertitudes et se libérer des carcans du passé. Stagner, c’est l’inverse. C’est se satisfaire du confort du présent, rester dans la zone de confort, ignorer les défis qui s’annoncent et se contenter de solutions temporaires et superficielles. A court terme, cela peut sembler plus rassurant mais, à long terme, cela peut entraîner des conséquences bien plus graves.

Le dilemme du leader se pose dans un contexte où la stagnation menace les sociétés modernes. Trop de dirigeants, paralysés par la peur du changement ou l’illusion de la stabilité préfèrent stagner qu’avancer. Le pré semble vert, l’herbe est douce et la tentation de rester figé dans la routine est grande. Mais à force de stagner, on oublie que l’herbe se raréfie, que le pré est limité et que l’on finit par s’enliser dans une stagnation dangereuse. Lorsque l’herbe cesse de croître, lorsque les ressources se font rares, c’est la révolte qui émerge. Les réformes non entreprises prennent alors la forme de soulèvements populaires, de crises économiques ou de bouleversements politiques.

Le confort des petites victoires, des solutions à court terme, fini par aveugle rendre à l’évolution du monde qui nous entoure. Dans un contexte de crises économiques, de défis environnementaux, de tensions géopolitiques, il devient insoutenable de se contenter de gérer les urgences sans proposer de solutions durables. Et c’est là que le leadership prend toute sa signification. Gouverner, c’est savoir choisir, c’est savoir où l’on veut aller, pourquoi on avance et comment on y parvient. Mais dans un environnement où les intérêts partisans dominent, où la politique des petits compromis et de clientélisme prend le dessus, il est souvent plus facile de stagner que d’avancer. Pourquoi prendre des risques alors que tout semble bien aller à court terme, à condition de fermer les yeux sur les dysfonctionnements ?

Mais ce qui commence par une paix sociale fragile finit souvent en crise. Si l’on se contente de solutions superficielles et de gestion des symptômes, on oublie les causes profondes, on néglige les réformes nécessaires et, un jour, le système s’effondre. Ce n’est pas l’absence de problèmes, mais l’absence de réformes structurelles qui ont déclenché les révoltes. Nous pouvons observer les révolutions modernes, politiques ou économiques, qui ne surgissent pas en un jour. Elles sont le fruit d’une immobilité prolongée, d’une incapacité à anticiper les besoins du peuple, d’un refus d’avancer quand il aurait fallu se réformer. Ces crises sont souvent le résultat d’une vision à court terme, d’un confort trompeur dans lequel le leader se perd, paralysé par la peur du changement.

La stagnation est un poison prêté. Elle ronge les sociétés, les systèmes et les individus. L’histoire nous montre que lorsque les dirigeants se contentent de stagner, de maintenir une fausse stabilité, c’est toute la structure qui se fragilise. Et quand le moment de l’explosion arrive, il est souvent trop tard pour changer de direction. C’est alors que la révolte se déploie, et que les réformes, tant repoussées, se manifestent sous des formes moins conciliantes : par le mécontentement populaire, par des soulèvements, ou par des crises économiques qui secouent l’ordre établi. Le peuple, à un moment donné, cesse d’être un spectateur et devient acteur de sa propre transformation. Mais cette transformation peut être violente car, comme l’histoire nous le rappelle, le changement qui n’a pas été anticipé prend des formes bien plus brutales.

Le leadership qui choisit d’avancer n’est pas un leadership aveugle, ni celui qui court dans toutes les directions sans mais. Non, stagner c’est prendre des décisions, même quand elles semblent risquées. C’est avoir la vision de l’avenir, c’est oser le changement, même face à l’incertitude. Car, au final, c’est bien la capacité à innover, à se réinventer, qui permet aux sociétés de perdurer face aux défis mondiaux. Celui qui avance, c’est celui qui, au lieu de fuir la crise, se prépare à l’affronter de manière proactive. C’est celui qui engage des réformes nécessaires et courageuses, même si ces réformes sont difficiles à mettre en place et impopulaires. L’essentiel est de préparer le terrain pour l’avenir, plutôt que d’attendre que l’urgence du moment impose des décisions précipitées.

Bien sûr, avancer comporte des risques. Cela signifie prendre des décisions difficiles, remuer les structures en place, bousculer le statu quo. Cela implique des compromis, des ajustements, mais aussi la capacité à apprendre de ses erreurs, à avancer même sous la pression, à ne pas se laisser dissuader par les obstacles. Mais c’est en prenant ce risque, en mettant en œuvre des réformes audacieuses qu’un leader peut réellement façonner l’avenir. C’est cette capacité à assumer l’incertitude, à se projeter dans un avenir incertain avec confiance et détermination, qui caractérise les vrais dirigeants.

D’autre part, ceux qui choisissent de stagner, de se contenter de l’ordre établi, de se satisfaire des petites victoires à court terme risquent de se retrouver dépassées par l’histoire. L’immobilisme finit toujours par céder la place à la révolution. Les sociétés ne se laissent pas facilement endormir par des discours rassurants et des promesses non tenues. Elles finissent par se réveiller dans un élan collectif de changement. Et à ce moment-là, il est trop tard pour se relever. Celui qui n’a pas avancé, qui n’a pas anticipé le besoin de réformes, se trouve pris au piège d’un système qui explose sous la pression accumulée.

C’est là qu’intervient l’essence du leadership : savoir reconnaître le moment où il faut avancer. C’est ne pas attendre la crise, mais anticiper le besoin de transformation, même si cela implique de sortir de sa zone de confort, de risquer des échecs et des résistances. C’est avoir cette vision du long terme qui permet de bâtir des fondations solides pour l’avenir.

Avancer, ce n’est pas fuir la difficulté mais, au contraire, y faire face avec courage. Cela exige un engagement constant, une capacité à se remettre en question, à réinventer constamment les modèles de gouvernance, à investir dans l’innovation, la justice sociale et le bien-être collectif. Ce n’est pas une course effrénée et irréfléchie, mais un mouvement réfléchi, un choix de direction audacieuse. Le galop n’est pas un simple acte de vitesse, mais une trajectoire choisie, une conviction qui guide les pas du leader.

Les dirigeants qui choisissent d’avancer deviennent des acteurs du changement. Ils prennent les rêves de l’histoire, prennent des décisions qui façonnent un avenir qu’ils ne connaissent pas encore, mais qu’ils ont la capacité de créer. Ils ne se laissent pas intimider par les turbulences, mais ils les affrontent avec la conviction que, pour éviter la révolte et la régression, il faut courir vers l’inconnu. Ceux qui avancent, même si le chemin est semé d’embûches, trouvent dans l’effort et l’audace la clé de leur succès. Parce qu’avancer, c’est prendre le risque de changer et, à long terme, c’est celui qui ose qui mène le monde.

Alors, chers dirigeants, le moment est venu de se poser la question essentielle : avancer ou stagner ? Car l’histoire n’attend pas ceux qui restent figés dans la peur du changement. Elle appartient à ceux qui osent. Le monde attend que vous vous leviez, que vous choisissiez de vous tourner vers l’avenir, car c’est là que réside le véritable leadership.

A. B.

Comment (5)

    lhadi
    25 décembre 2024 - 15 h 05 min

    En scrutant tous les maux avec lesquels notre jeune nation se débat depuis des années, le citoyen algérien a sans cesse décrypter en quelques traits incisifs les travers de notre héritage révolutionnaire et mis son encre là où ça fait mal : les dérives d’un système d’un autre temps qui préfère tout détruire au nom d’une légitimité révolutionnaire.

    La lecture de ses argumentations est toujours indispensable pour mieux connaitre non seulement les secrets de la culture politique algérienne, mais aussi, bien au-delà, les profondeurs cachées de la complexité politique.

    Au citoyen conscient, le système algérien laisse à désirer : il demeure comme enterré dans le monde ancien alors que le nouveau monde se mue, avance, bouge… Il nous reste une sorte d’avertissement, que nous ferions bien de méditer au lieu de nous faire l’éloge d’un système dont l’environnement morale est contaminée : corruption, privilèges et propagation mensongère délibérée.

    Le peuple exprime son souhait de voir une république indépendante, libre et démocratique. Il souhaite l’édification d’une république qui prospère sur le plan économique et qui est juste sur le plan social. En un mot, une république bienveillante au service de l’individu et convaincue qu’en retour l’individu la servira. Le peuple rêve d’une république dans laquelle les hommes vivent en harmonie car, sans cela, il est impossible de résoudre les problèmes et ce, qu’ils soient humains, économiques, écologiques, sociaux ou politiques.

    Le peuple algérien a fait du chef de l’Etat un instrument pour réaliser ses souhaits. Au président d’être toujours à leur écoute et d’agir en conséquence pour que ses rêves deviennent réalité.

    Fraternellement lhadi
    ([email protected])

    Laptop
    25 décembre 2024 - 10 h 10 min

    Selon moi, mais pas que, Macron n’est pas un leader.
    Il fait de la politique politicienne pure et il est habile
    dans ce domaine. Il place ses intérêts et ses ambitions
    personnelles (et de son parti) avant les objectifs politiques
    qu’il défend devant leurs mandants et au détriment des
    enjeux du moment et de l’intérêt général de la population.

    Dans le cas actuel de la France où les deux extrêmes droite
    et gauche dominent mais elles seront sanctionnées,
    zemmour & Co des guignols du show bizz..du vent..
    années 80 >> années 2024 sans avoir suivi les mêmes guignols
    und Schwulen,
    du vote « utile » comme en 2022 au prochaine élection
    présidentielle en 2027, tout simplement, Macron et son parti
    en sont déjà là, 2027 sans avoir vraiment suivi, trop ennuyeux
    et du « déjà vu »..
    La France est un pays où les réformes sont très difficiles,
    d’après ce que je connais de la France, zum Beispiel:
    l’éducation nationale, école toute la journée pour
    moins de diplômés universitaires ou autres par rapport aux pays
    anglo-saxons, comme l’Allemagne ou Usa,.. etc, moins de cours
    dans journée, après-midi plus de sports, art, ..etc selon les choix
    de chacun(e) et plus de diplomés au final.
    Ses ambitions de diriger l’Europe, toz, même pas en rêve !

    Erreur
    25 décembre 2024 - 10 h 09 min

    La vraie Question est une Question de RÉSILIENCE et de PÉRENNITÉ des INSTITUTIONS dont la Solidité Autorise la prise de “risque”.

    GHEDIA
    25 décembre 2024 - 9 h 48 min

    Effectivement, « qui n’avance pas recule », selon un adage populaire bien connu. Rester dans une position figée, même si elle par ailleurs douillette, n’est pas de nature à avancer les choses. De par sa nature, l’homme aime bien avancer, se déplacer, découvrir d’aitres horizons et d’autres régions où l’herbe est plus verte, plus grasse, où les condition pour la vie sont meilleures, etc. Il en est de même pour une collectivité, une société humaine, un pays, une nation. Tenez, tant qu’on y et, il me vient à l’esprit une autre maxime de notre terroir, très en vogue dans le milieu populaire : « bougi, takool rougi », bougez et vous mangerez du rouget, oui, pas moins que ça. Et je me rappelle aussi de ce qu’avait dit Macron aux jeunes français qui se plaignaient de la mal-vie et du chômage; vous n’avez qu’à traverser la rue pour trouver du travail, leur avait-il dit, en substance. Cela pour dire que le mouvement, en tant que tel, est déjà une dynamique susceptible de changer les choses. Oui, notre pays doit faire en sorte d’avancer, il ne peut pas rester immobile, figé, faisant du surplace, il doit inciter les gens à avancer, à progresser, chacun dans son domaine respectif et l’ensemble de cette dynamique sera, à n’en pas douter, couronner d’une belle réussite, d’un essor socio économique certain. Et, de mon point de vue, il faut surtout éviter la fameuse réplique de l’acteur principal (dont j’ai oublié le nom) dans le film « Le guépard » : il faut que ça change pour que rien ne change.

    Anonyme
    25 décembre 2024 - 5 h 58 min

    les chiens aboient la caravane passe! devise plus qu’existentielle, elle permet d’avancer vers le but.

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