Normalisation avec Israël : Mangoush tente de se justifier et enfonce Dbeibah
Par Abdelkader S. – La ministre libyenne des Affaires étrangères est revenue, chez Al-Jazeera, à partir de son exil londonien, sur l’affaire de sa rencontre avec son homologue israélien à Rome, qui lui a valu de fuir le pays sur ordre du chef du gouvernement de Tripoli. Najla Mangoush, qui a affirmé être théoriquement toujours en poste, a rejeté toute la responsabilité sur Abdelhamid Dbeibah qui l’aurait missionnée pour échanger avec Eli Cohen dans la capitale italienne, sans que cela soit, a-t-elle assuré, un premier pas vers la normalisation.
L’ex-cheffe de la diplomatie libyenne a indiqué que sa rencontre avec la partie israélienne avait pour but de soulever un certain nombre de questions stratégiques, sans plus. «Il faut discuter avec l’ennemi», a-t-elle estimé, dans sa tentative de justifier cette démarche qui avait suscité une vague d’indignation dans toute la Libye, jusqu’à provoquer des émeutes. La maison de la concernée avait été encerclée et cette dernière avait dû être exfiltrée vers la Grande-Bretagne où résident ses filles.
Najla Mangoush dément ainsi les propos d’un lobbyiste juif libyen qui avait fait savoir que sa rencontre avec le ministre israélien des Affaires étrangères avait été préparée six ans auparavant. S’exprimant dans les colonnes du Times of Israel, Raphaël Luzon avait précisé que s’il n’a pas été lié à ce rebondissement diplomatique, il a toutefois décrit les premiers contacts qu’il avait pu faciliter entre les responsables israéliens et les officiels libyens, il y a environ six ans». «Cette préparation, a soutenu le président de l’Union des juifs libyens, a ouvert la voie à la rencontre» qui avait eu lieu en août 2023.
«Au mois de juin 2017, Luzon avait arrangé une réunion sur l’île grecque de Rhodes, qui avait rassemblé des délégations des deux pays», soulignait le média israélien, selon lequel «Israël avait été représenté par Gila Gamliel, ministre de l’Egalité sociale, dont la mère est originaire de Libye, et par l’ancien ministre des Communications, Ayoub Kara, ainsi que par l’ancien vice-président de la Knesset, Yehiel Bar, et par le général à la retraite Yom Tov Samia, lui aussi d’origine libyenne».
«La délégation libyenne à Rhodes avait été chapeautée par l’ancien ministre des Médias, de la Culture et des Antiquités, Omar Al-Gawairi [qui] était alors membre du gouvernement de l’Est du pays, dirigé par Abdurrahim El-Keib, tandis que Khalifa Al-Ghweil, leader du gouvernement rival, installé dans l’Ouest, avait, semble-t-il, transmis ses meilleurs vœux aux deux délégations par le biais d’un fax», poursuivait The Times of Israel. Lors de la conférence qui avait duré trois jours au Rodos Palace Hotel, le délégué libyen «avait évoqué le droit au retour des juifs originaires du pays et leur droit à une indemnisation pour ce qu’ils avaient perdu en quittant le territoire», avait-on révélé.
Raphaël Luzon, dont la famille originaire de Benghazi s’est installée à Rome en 1967 mais qui vit actuellement à Londres – étrange coïncidence –, avait précisé que la rencontre de Rhodes avait été suivie, les années suivantes, par d’autres réunions entre les responsables israéliens et libyens en Italie, en Tunisie et en Grèce. Des réunions dont il était à l’origine, précisait-il, en indiquant qu’il avait dû «transmettre le flambeau aux diplomates» quand «c’est devenu trop sensible». «L’entretien qui s’est déroulé entre les deux ministres des Affaires étrangères est le point d’orgue de six années de travail, cela aurait pu arriver beaucoup plus tôt mais l’instabilité qui règne en Libye ne l’a pas permis», avait-il dit.
Contredisant Najla Mangoush, Luzon avait fait constater que l’idée d’un rapprochement entre la Libye et l’Etat hébreu «est initialement apparue au moment de la conclusion des accords d’Abraham». «Mais contrairement aux pays du Golfe – comme les Emirats arabes unis et Bahreïn – qui ont un ennemi commun avec Israël [l’Iran] –, la Libye ne doit faire face à aucune menace extérieure significative, son problème le plus grave est celui de son instabilité intérieure», avait-il noté, en révélant que «certaines technologies israéliennes» sont d’ores et déjà «officieusement» déployées en Libye, «grâce à sa propre intervention, même s’il refuse de donner des détails», rapportait le journal israélien.
C’est donc bel et bien de normalisation – question «trop sensible» – qu’il était question à Rome.
A. S.
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