Daoud : Grosse Bertha pour canonner l’Arabe, le musulman, le Palestinien
Par Jacques-Marie Bourget – Je dois une fière chandelle à Antoine Gallimard ; et même tout un chandelier. Il vient de me révéler l’essence de mon existence : «Depuis la publication de son roman, Kamel Daoud fait l’objet de violentes campagnes diffamatoires orchestrées par certains médias proches d’un régime dont nul n’ignore la nature.» Puisque la haine des arabophobes, islamophobes, palestinophobes me pousse à écrire des vérités qui ternissent Daoud, le diamant de papier des éditions Gallimard, me voilà donc placé par Antoine, le saint des causes perdues, sous la baguette du chef d’orchestre du «régime» algérien.
Et j’avoue entretenir des relations avec lui. Je lui ai même écrit afin de connaître des détails de la disparition d’un proche admirable. Et obtenu une réponse qui est celle-ci : «Moussabel de la première heure, votre beau-père Tahar Merackchi a participé activement à la lutte de libération nationale. En 1956, devant la menace de la destruction de son village et la menace de représailles, il s’est constitué prisonnier. Après torture, il a été fusillé au poste militaire d’El-Maida.»
Massu, Bigeard, Aussaresses, nous voilà. Si cela n’est pas collaborer avec un «régime dont nul n’ignore la nature»… Que commettre de pire ? Gallimard a raison, les critiques de Daoud sont des valets attardés de Staline, alors qu’un intime de Macron ne saurait être qu’un homme sans toutes les qualités.
J’ai jadis croisé Antoine Gallimard. Il m’a semblé joyeux, ouvert, très cultivé et aimable. Pourquoi la promotion de ses deux auteurs flingueurs d’Arabes, Daoud et Sansal, le rend-elle différent, un peu sot, un peu Retailleau dans la rédaction de ce communiqué ? Gallimard a-t-il l’obligation de filer avec l’air du temps qui vire au brun ? La menace de l’ogre Bolloré l’oblige-t-il, après avoir réédité Mein Kampf, a se bâtir un secteur «littéraire» d’idéologie CNews, avec ses vomisseurs d’Arabes qui ont l’excuse absolutoire d’être magrébins ? Le poids du Napoléon le petit, celui qui habite à l’Elysée, est-il si fort, sur l’amour obligé qu’il faut porter à Daoud, que l’industriel Gallimard ne peut résister ? Capital, capital.
Enfin, un conseil, Antoine Gallimard, évitez d’employer le terme «régime». Julien Gracq, l’as du boomerang, savait par expérience que les mots comme les choses peuvent vous revenir en pleine gueule. Sachez enfin que, depuis 1943, le mot «régime» est interdit rue Sébastien Bottin.
Enfin, une affirmation est imprudente, parlant de Daoud : «C’est au tour de son épouse, qui n’a aucunement sourcé l’écriture de Houris, d’être atteinte dans son intégrité professionnelle.» Que connaissez-vous de cela ? Vous avec reçu un manuscrit, vous l’avez édité. Mais que savez-vous de ses secrets de fabrication ?
Puisque nous évoquons Aïcha Daoud, soulevons quelques autres mystères de cette dame poursuivie par la chance, celle d’être la femme d’un intime de Macron. Qui, le temps d’un tour de pédalo à Brégançon, lui a accordé, de façon régalienne, la nationalité française en 2020, tout comme Kamel. Autre bonne fortune, savoir surmonter l’obstacle du concours A, celui qui, après examen, peut accorder à un médecin étranger (hors Europe), le droit d’exercer en France. Aucune Aïcha Daoud dans le concours A. Mais on la retrouve dans l’étroit panel de candidats tamponnés B. Pour accéder à ce domaine réservé, il faut être «réfugié politique, apatride ou rapatrié sur le territoire français à la demande du gouvernement». Par déduction, on suppose que Mme Daoud a été «rapatriée sur le territoire français à la demande du gouvernement». Ce n’est que justice.
Finissons cette besogne d’agent du «régime» algérien par l’évocation du héros Daoud. Cocteau nous a laissé un Thomas l’imposteur ; ici, nous avons Kamel le menteur, celui qui a bâti sa renommée en exploitant l’affaire des faux viols de Cologne montée par l’extrême-droite. A qui, pourtant, on promet une séance au Collège de France, le multiples entretiens chics et sans «fact-checking», sûrement l’Académie et Nobel en rêve. Dans sa dernière intervention «en défense», il évoque, enfin, le fait qu’il a frappé son ex-femme et a été condamné. Mais sa mémoire flanche un peu, il ne sait plus très bien. Au tribunal d’Oran, «le dossier a été perdu», dit-il. Mais il est dans mon tiroir et ceux aussi de nombreux agents du «régime». Pour avoir giflé sa femme, Adrien Quatennens, député du Nord, a été effacé du monde politique. Pour avoir cogné la sienne, Daoud dort à l’Elysée : le combat féministe est étrange.
Daoud, en soi, n’est rien, comme une rage de dent oubliée grâce au Doliprane. Ce qui est important est ce qu’il signifie. Son utilisation comme Grosse Bertha pour canonner l’Arabe, le musulman, le Palestinien. L’incroyable protection et bienveillance que sa haine suscite sont les signes d’un monde qui s’en va vers des heures très sombres. Nous sommes sur le Titanic et l’orchestre continue de jouer pour endormir la vigilance.
P.-S. : On notera que lors de la traditionnelle revente sur Internet des cadeaux de Noël non désirés, Houris, le roman de Daoud est arrivé dans le peloton de tête des cadeaux rejetés.
C’est la première fois que l’on observe un Prix Goncourt aussi fortement bradé.
J.-M. B.
In Afrique Asie
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