La France en voie de «libanisation» face à ses démons : anatomie d’un déclin systémique
Par Mohamed El-Maadi – Les déclarations belliqueuses de Bruno Retailleau concernant l’Algérie témoignent d’une arrogance déconnectée des réalités contemporaines, révélatrice d’un establishment français qui refuse d’accepter son déclin structurel. Analysons méthodiquement cette déliquescence multidimensionnelle.
Déclin militaire
L’armée française, jadis puissance majeure, présente aujourd’hui un tableau peu reluisant. Les chiffres sont éloquents : seulement 203 chars Leclerc opérationnels, dont la moitié en réserve. La marine française ne dispose que d’un unique porte-avions, le Charles de Gaulle, régulièrement en maintenance, quand la Chine en possède trois modernes. L’armée de l’air peine à maintenir une flotte vieillissante : sur 220 Rafale théoriques, à peine 130 sont réellement opérationnels.
Le budget militaire français, environ 50 milliards d’euros, paraît dérisoire face aux 800 milliards américains ou aux 293 milliards chinois. Plus inquiétant encore, ce budget sert principalement à maintenir l’existant plutôt qu’à moderniser les équipements. Les opérations extérieures, comme au Sahel, ont révélé des lacunes criantes en matière de logistique et de projection de force.
Effondrement démographique
La démographie française présente des signes qui ne trompent pas. Le taux de fécondité est tombé à 1,68 enfant par femme en 2023, bien en dessous du seuil de renouvellement des générations (2,1). Le vieillissement de la population s’accélère : plus de 20% des Français ont plus de 65 ans, proportion qui atteindra 27% en 2035. Cette pyramide des âges inversée menace directement le système de retraites et la productivité en France.
Délitement économique
L’économie française accumule les signaux négatifs :
– Une dette publique qui explose, dépassant 3 300 milliards d’euros (113% du PIB).
– Un déficit commercial chronique atteignant des records (-164 milliards d’euros en 2022).
– Une désindustrialisation massive : la part de l’industrie dans le PIB est passée de 24% en 1980 à moins de 13% aujourd’hui.
– Un taux de prélèvements obligatoires parmi les plus élevés d’Europe (45,2% du PIB) qui étouffe l’initiative privée.
– Une perte constante de compétitivité : la France est passée du 5e au 7e rang mondial en termes de PIB.
Face à ces réalités, les menaces voilées de Retailleau envers l’Algérie apparaissent comme particulièrement grotesques. L’Algérie, elle, connaît une dynamique inverse :
– Des réserves de change importantes et qui vont en augmentant.
– Une dette publique maîtrisée (moins de 60% du PIB).
– Des ressources énergétiques stratégiques.
– Une population jeune et dynamique.
– Une modernisation militaire continue avec des partenaires diversifiés (Russie, Chine, etc.)
La posture néocoloniale française devient d’autant plus absurde que l’Algérie diversifie ses partenariats internationaux. Les contrats majeurs sont désormais signés avec la Chine, la Turquie ou la Russie, reléguant la France au rang de partenaire secondaire. Les investissements chinois dans le cadre des nouvelles routes de la soie dépassent largement les engagements français.
Cette campagne anti-algérienne orchestrée par les lobbies sionistes et marocains révèle une stratégie désespérée de diversion. Israël, empêtré dans ses propres contradictions à Gaza, et le Maroc, confronté à une crise économique et sociale majeure, tentent de détourner l’attention de leurs problèmes internes.
La menace d’une «libanisation» de la France n’est pas à prendre à la légère. Les fractures sociales, territoriales et communautaires sont déjà présentes. Les Gilets jaunes ont démontré la fragilité du tissu social français. La ligne de démarcation de 1940 pourrait effectivement servir de modèle à un découpage territorial en cas de crise majeure.
La France ferait mieux de se concentrer sur ses défis internes plutôt que de proférer des menaces creuses. Son modèle social s’essouffle, son influence internationale décline et sa capacité à projeter de la puissance s’érode. Les déclarations martiales de Retailleau ne sont que le chant du cygne d’une puissance en déclin qui refuse d’accepter sa nouvelle place dans un monde multipolaire.
La sagesse commanderait de privilégier le dialogue et la coopération, particulièrement avec des pays comme l’Algérie qui disposent de leviers significatifs (énergie, démographie, position géostratégique). Au lieu de cela, certains responsables politiques français persistent dans une posture néocoloniale anachronique qui ne fait qu’accélérer l’isolement diplomatique de la France.
M. E.-M.
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