Pourquoi Trump se convertit à la cryptomonnaie et menace les BRICS ?
Une contribution d’Ali Akika – Le soudain intérêt de Trump pour la cryptomonnaie est «suspect», sachant qu’il avait affiché auparavant son opposition à cette monnaie numérique. En revanche, ses menaces franches, publiques et répétées contre les BRICS ne souffrent d’aucune ambiguïté, mais témoignent plutôt d’une volonté de faire la guerre à ces BRICS. Cryptomonnaie et BRICS sont apparemment des obstacles pour un président qui veut défendre le dollar pour que l’Amérique renoue avec la grandeur d’antan. «Nous allons rendre à nouveau la grandeur à l’Amérique» (we will make America geat again) fut son slogan fétiche qui a certainement joué un rôle dans sa victoire électorale à la présidence. Voyons pourquoi Trump manifeste de l’intérêt pour la cryptomonnaie et pourquoi il engage un bras de fer avec les BRICS.
A l’évidence, les atouts nombreux et solides de la puissante américaine ne suffisent pas à Trump. Il a besoin d’occuper les espaces de la cryptomonnaie devenus des rendez-vous d’hommes d’affaires et d’épargnants qui veulent échapper au yoyo du dollar. Ce monde des affaires a reçu le «renfort» des BRICS, des pays qui veulent commercer entre eux avec leur cryptomonnaie adossée à leur monnaie nationale, elle-même adossée à leurs richesses, dont leurs réserves d’or. Ce monde des affaires et des pays des BRICS, c’est du lourd, une muraille que Trump ne va pas facilement escalader pour faire la guerre aux opposants du dollar. Pour rendre la grandeur aux Etats-Unis, le projet de Trump consiste à maintenir le dollar comme monnaie internationale pour dominer les circuits financiers et bancaires. Ensuite, conquérir la suprématie dans le domaine de l’Intelligence artificielle (IA) en lançant d’énormes investissements équivalents à 500 milliards de dollars. L’IA promise à devenir l’épine dorsale de l’économie de demain aussi bien dans la production industrielle (robots) que dans l’économie des services de toutes natures, y compris scientifiques et artistiques.
Mais avant de s’attaquer à la cryptomonnaie, aux BRICS et avant que les 500 milliards consacrés à l’IA rattrapent l’avance prise par la Chine, Trump se doit de répondre aux besoins de son électorat et son pays doit cesser de creuser l’abyssale trou de la dette publique. Il a ainsi recours à la règle du protectionnisme de l’économie, un crime de lèse-majesté pour l’économie libérale, un crime que pratiquent, selon les analphabètes de l’économie, les régimes «archaïques». Après les violations du droit international, rien d’étonnant qu’on viole les saintes règles du capitalisme.
Ainsi, Trump va imposer des taxes douanières à des voisins proches et amis, le Mexique et le Canada, et demain l’Europe, en attendant de débroussailler les maquis politiques et juridiques de l’Union européenne. Lesdites taxes vont servir à faire baisser les impôts des classes moyennes, son électorat, et à inciter les investisseurs étrangers à délocaliser des usines aux Etats-Unis pourvoyeuses d’emplois. Ainsi, avec la magie des taxes, Trump «apaiserait» l’atmosphère du pays en évitant de creuser la dette nationale. Sauf que transférer les taxes de la douane pour faire des «cadeaux» à des contribuables par des écritures comptables ne va pas créer la baisse de tension sociale espérée. Tout simplement parce que l’économie n’est pas régie par de la comptabilité, mais par un réseau complexe de facteurs contradictoires politiques et économiques.
Les agents économiques qui s’affrontent agissent sous les contraintes d’un rapport de forces à la fois interne et international. En un mot, cette histoire de taxe va se traduire par une augmentation des prix et de l’inflation qui va pénaliser les consommateurs américains. Quant aux pays étrangers, ils vont réagir en instaurant à leur tour des taxes, ou bien leurs entreprises iront ailleurs, si elles ont les moyens de conquérir de nouveaux marchés. A l’heure où j’écris ces lignes, la Chine a réagi aux diktats de Trump : elle a relevé les taxes de douane sans trembler. Les perroquets journaleux nous ont soulés avec le «secret» de Trump qui soumet ses adversaires par une simple menace. Ces perroquets jubilaient devant la «victoire» de Trump face à la Colombie, mais ferment leur clapet quand leur «héros» du jour affronte Kim Jong Un le nord-coréen, ou bien le président Poutine et aujourd’hui Xi Ping, le président chinois.
Si les Etats-Unis ont les moyens de jouer au plus fort dans le domaine des taxes avec leurs alliés et amis plus ou moins vassalisés, la partie qui se joue sur l’Intelligence artificielle et la dédollarisation pratiquée par les BRICS, c’est une autre paire de manche. Car les pays des BRICS connaissent d’ores et déjà des succès dans le domaine économique et les technologies nouvelles et se dotent de monnaie-devise pour leur commerce et de monnaie numérique. Une menace contre le dollar aura comme réponse, dit Trump, 100% des taxes à payer par les BRICS. A l’appui de ces succès des BRICS, le hasard a donné rendez-vous au monde de l’arrogance. Ainsi, alors que Trump venait d’annoncer son programme d’investissement de 500 milliards de dollars dans l’Intelligence artificielle, la Chine annonça avoir mis sur le marché américain un logiciel de l’Intelligence artificielle fabriqué pour la modique somme de quelque millions de dollars.
Ledit logiciel a immédiatement détrôné des logiciels utilisés dans les entreprises américaines. Le logiciel chinois portant le nom de Deepseek a fait chuter en Bourse les actions des entreprises en question de la coquette somme de 1 000 milliards de dollars. La Chine n’est pas à son premier succès dans les technologies nouvelles. Elle est la seule puissance à avoir photographié la face cachée de la planète Mars, un pas de géant dans la conquête de Mars qui a médusé le monde scientifique. Trump ambitionne de conquérir aussi Mars, telle est en tout cas l’annonce qu’il a faite lors de son investiture à la Maison-Blanche.
A côté de ses exploits scientifiques, la Chine pourtant communiste, semble mieux maîtriser les failles de l’économie capitalise (1). Une information négligée par la «grande» presse confirme la maîtrise par les Chinois des secrets de la monnaie de l’économie de marché. Voici un fait réel qui confirme le talent de ses économistes. La Chine achète des pétrodollars de l’Arabie Saoudite qu’elle transforme en obligations intitulées en dollars qu’elle met sur le marché financier international avec un taux d’intérêt payé aussi en dollars. Ainsi, la Chine attire des clients qui préfèrent encaisser des intérêts de la Banque centrale de la Chine supérieur à ceux proposés par le Trésor américain. Ce dernier, non seulement perd des clients investisseurs, mais voit aussi sa politique anti-inflation menacée par son taux d’intérêt moins attrayant que celui des banques chinoises.
A ce danger des monnaies nationales qui acquièrent le statut de devise, s’ajoutent des monnaies numériques dites «cryptomonnaies», crées par des Etats membres ou partenaires des BRICS. A ces menaces contre la suprématie politique et économique des Etats-Unis, la réponse de Trump avec ses taxes paraît bien faible, parce que de nature technique et juridique. Cette vision technique et comptable de Trump n’embrasse évidemment pas l’immense complexité de l’économie capitaliste et mondialisée. Et s’il poursuit dans cette voie, il risque uniquement de créer le chaos dans le commerce mondial.
Conclusion : en décembre 2017, j’avais écrit dans un article sur l’arrivée au pouvoir de Trump et Macron, que cet événement était le signe du triomphe de la primauté du capitalisme financier sur le capitalisme industriel. Cette arrivée au sommet de l’Etat de ces deux présidents était la traduction des transformations de l’économie et la société de leurs pays respectifs. Depuis 2017, beaucoup d’eau a coulé dans le fleuve de l’histoire et de la mondialisation et ses maîtres de la Finance internationale connaissent des ratés. Ils ont en face la Chine qui ne courbe pas l’échine, alors Trump se rabat sur ses voisins, le Mexique et le Canada, et menace le Vieux Continent. Avec l’émergence de la cryptomonnaie et de l’Intelligence artificielle, à travers Trump, le capitalisme financier veut garder le pouvoir, en intégrant la monnaie numérique dans le commerce.
Garder le contrôle du secteur financier dans lequel circulerait la cryptomonnaie éviterait de faire appel à la planche à billets qui alimente l’abyssale dette américaine. Une manière d’éviter l’ébranlement du système de Bretton Wood, mis en place et imposé par l’Oncle Sam au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Quant à l’utilisation de l’Intelligence artificielle, rien de nouveau à l’Ouest, car la science a toujours été un secours pour augmenter la productivité. Les patrons préfèrent utiliser les machines (robots) pour faire face à la compétition. Outre les gains de productivité, les robots ne font pas grève. Quelle aubaine pour le capital ! La chance, qui a souri depuis quelque siècle à ce capital qui a su combiner dollar et techniques de toutes les sciences, n’est plus un privilège réservé au seul Occident. Les deux exemples de la Chine cités plus haut, la fabrication d’un logiciel de l’Intelligence artificielle et le lancement par la Chine d’obligations en dollars sur le marché financier en utilisant les pétrodollars saoudiens, sont des opérations de haute voltige.
Ce que nous raconte cette histoire de taxes de Trump, c’est simplement du déjà vu entre pays capitalistes qui ont connu deux effroyables guerres mondiales. On a cru que les contradictions pouvaient entrer dans le rang, être neutralisées par le commerce et les «valeurs» du monde «civilisé». Et ce n’est pas le slogan creux de la «paix par la force» de Trump, expression du mépris et du déni des peuples, qui va ramener la paix. On le voit en Palestine par la colonisation des terres et la déportation des populations. Les affidés de la société du spectacle en Europe, après avoir fermé les yeux sur «le voyage au bout de la nuit», la boucherie de Gaza, va-t-elle se réveiller maintenant que Trump va leur vider les poches ? Quand vont-ils se débarrasser de leurs œillères pour voir le monde comme il est, c’est-à-dire une histoire de lutte et non un conte de fée à dormir debout ?
A. A.
1) Lors des sanctions de l’Occident, au lendemain de la guerre en Ukraine, les économistes russes ont mis à contribution leur maîtrise de l’économie capitaliste pour contourner l’interdiction de paiement en dollar. La Banque centrale russe obligeait les acheteurs à se procurer des roubles contre du dollar à la Banque centrale russe. Le matelas de dollars ainsi constitué et déposé à la Banque centrale a permis au rouble de ne pas s’effondrer.