Feuille de vigne

démocratie
Les élections sont partout, la démocratie n'est nulle part. D. R.

Par Khider Mesloub – La démocratie, ce mode de gouvernance fondée sur la représentation politique, c’est-à-dire la délégation des pouvoirs pour éviter l’affrontement direct entre les différentes classes sociales antagoniques, n’a pu naître que dans une société marchande et urbaine, la Grèce, animée par un esprit prédateur et belliqueux, par ailleurs déchirée par des contradictions de classe générées par les brutales inégalités sociales et iniquités juridictionnelles.

La démocratie est un compromis politique établi entre les différentes factions des classes possédantes, «auto-pacifiées» pour mieux se liguer et se coordonner administrativement contre leurs ennemis communs, les classes dominées, c’est-à-dire le peuple-esclave, privé du pouvoir économique et de l’autorité étatique.

Ainsi, dès ses origines, la démocratie n’est pas l’œuvre d’une société équitable et pacifique, mais le palliatif institutionnel d’une société déchirée par les inégalités sociales, minée par des conflits de classe. C’est un compromis établi entre les différentes factions des classes possédantes pour assurer la pérennité de leur domination exercée contre le peuple.

Et les normes instituées dans la société civile s’inspirent directement des règlements militaires. Au-delà d’être hiérarchiques et autoritaires, ils sont coercitifs et répressifs. Dans une société de classe, le droit n’est que la volonté générale de la classe dominante érigée en loi.

Contrairement à la propagande répandue par la bourgeoisie, le terme démocratie, formé des mots «dème» et «kratos» (pouvoir), ne signifie pas pouvoir du peuple. Car la notion de «peuple» n’avait aucune réalité sociologique ou nationale à cette époque antique, du fait la division de l’archipel grec en plusieurs cités quasi tribales et foncièrement rivales.

Le terme démocratie avait une signification purement administrative, un sens territorial. Le dèmos est une circonscription territoriale et administrative, le «dème». Le dème désignait le corps civique de telle cité grecque, c’est-à-dire les citoyens, hommes libres appartenant aux classes dominantes, réunis en assemblée pour prendre une décision dans l’intérêt de l’ensemble des cités. Par déviation du sens originel territorial ou mystification politique, le terme dème est devenu un étymon qui signifie «peuple». Avec le nouveau concept dème, illégitimement associé au peuple, on a fabriqué la notion «démocratie», définie comme le «pouvoir» (kratos) du «peuple» (démos). Or, hier comme aujourd’hui, le peuple n’a jamais eu de pouvoir, apanage des classes possédantes, dominantes.

Fondamentalement, dans sa forme antique comme dans sa version moderne, la démocratie, produit d’une société marquée par la guerre de classes, est le mode de gouvernement élaboré par les classes dominantes pour administrer pacifiquement leurs conflits, gérer politiquement leurs intérêts économiques. A l’époque grecque antique, berceau de son éclosion, la démocratie, qui n’eut qu’une existence éphémère, ne s’appliquait qu’aux hommes libres. Elle était exercée exclusivement par les hommes libres, en l’espèce une portion infime de la population, propriétaire d’esclaves.

En effet, la majorité de la population laborieuse (esclaves, métèques, prolétaires et paysans) était exclue du jeu et des enjeux «démocratiques» des propriétaires d’esclaves. Qui plus est, si la démocratie fut inventée pour les «citoyens» libres afin de s’administrer directement eux-mêmes, l’exercice effectif de cette liberté fut permis par leur affranchissement de l’obligation de travailler : le travail étant assuré par les seuls esclaves. Par conséquent, à l’époque antique grecque, déjà la démocratie était fallacieuse. Ce fut une démocratie d’argent, elle avait une caractéristique «aristocratique» manifeste ; autrement dit, un caractère de classe. Les classes laborieuses étaient exclues du pouvoir «législatif», à plus forte raison bannies du pouvoir exécutif, apanage des classes possédantes.

Plus tard, avec les révolutions bourgeoises anglaise, américaine et française, à la faveur de l’éclosion du capitalisme, la remise sur la scène historique de la démocratie comme mode de désignation des saltimbanques politiques préposés à l’administration des intérêts économiques des riches ne fut pas le fruit du hasard, un accident de parcours de l’histoire. La démocratie bourgeoise s’imposa d’emblée comme la forme de domination politique la plus efficiente et la plus durable, en ce qu’elle permet d’associer l’esclave-salarié, baptisé par euphémisme citoyen, au choix politiques de ses maîtres. Cette forme d’organisation politique de gouvernance est la plus idoine pour protéger les intérêts économiques de la bourgeoisie, défendus par des mercenaires politiciens fabriqués par les puissances financières.

La sphère économique est, sans surprise, exclue du scrutin démocratique. Voit-on un banquier, un patron de conglomérat industriel élu au vote universel ? L’économie – le capital et sa reproduction élargie –, propriété exclusive de la minoritaire classe capitaliste, ces négriers des temps modernes, ne fait l’objet d’aucune forme de gouvernance démocratique. Les dirigeants d’entreprise, ces propriétaires d’esclaves-salariés de notre époque civilisée, ne sont jamais élus démocratiquement par les travailleurs, mais désignés discrétionnairement par les détenteurs de capital. L’entreprise, lieu de production des richesses et matrice de la reproduction de la vie, n’est pas soumise à une gestion coopérative démocratique, mais à un management dictatorial patronal exercé contre les salariés, à qui il n’est pas permis de s’immiscer dans les affaires de l’entreprise à capital privé ou public

Incontestablement, la démocratie est la forme idoine de domination politique de la classe bourgeoise. Elle ne permet jamais au peuple d’accéder au pouvoir, totalement concentré entre les mains des classes possédantes.

La démocratie est la feuille de vigne derrière laquelle se dissimule la dictature du capital. Dans les sociétés prétendument démocratiques, les élections sont partout, mais la démocratie populaire et sociale n’est nulle part.

Historiquement, en Europe, dès le début de l’accession de la bourgeoisie aux rênes du pouvoir, dans sa phase embryonnaire de domination formelle, par crainte de livrer l’Etat à son ennemi, le peuple, la bourgeoisie instaure le suffrage censitaire pour maintenir le peuple à distance.

Dès l’époque de son éclosion, la démocratie marchande est ainsi restrictive : son exercice verrouillé par la classe dominante, son action politique corsetée par l’argent, sa souveraineté despotique assurée par son armée et sa police.

A la fin du XIXe siècle, après avoir consolidé sa domination sur la totalité de la société, pour mieux mystifier le peuple, en particulier dans les pays développés en proie à l’âpreté de la lutte des classes, la bourgeoisie eut l’ingénieuse idée d’associer électoralement le peuple à son système régalien de gouvernance. Non politiquement ni économiquement, la différence est importante, comme l’exemple de la France l’illustre en ce moment : les Français ont participé massivement aux dernières élections, pourtant ni leurs choix politiques ni leurs exigences économiques n’ont été respectés. Mais à une condition fondamentale : à aucun moment ce «privilège électoral», formellement concédé par les représentants du capital, ne doit servir de tremplin aux classes populaires pour remettre en cause la hiérarchie des pouvoirs de la société de classe, ni le mode de production capitaliste, ni la propriété privée, ni le salariat. Autrement dit, le suffrage universel constitue, depuis sa création, une mascarade électorale, permettant d’associer les prolétaires à la reproduction sociale de leur exploitation et aliénation.

Aujourd’hui, du fait de la crise économique systémique, la démocratie, cette dictature éclairée, est en crise. La classe dominante transforme, lentement mais sûrement, sa dictature éclairée, la démocratie, en dictature déclarée.

La démocratie, c’est la dictature à visage humain appliquée avec splendeur en temps de prospérité et de paix sociale. La dictature, c’est la démocratie bourgeoise avec son vrai visage barbare, exercée dans toute sa laideur en temps de crise. La démocratie est une dictature qui avance masquée. La dictature est la démocratie bourgeoise qui s’affiche casquée.

Démocratie et dictature constituent l’avers et le revers de la même domination du capital.

K. M.

Comment (3)

    Luca
    19 février 2025 - 22 h 29 min

    C’est un pays hyper raciste la france,… il y en a marre, surtout que ces pervers de français nient pour la plupart d’entre eux cet état de fait, ce qui le confirme, car les français sont une population hypocrite. C’est dommage c’est vraiment une perte très lourde pour l’intelligence humaine et les beaux paysages de ce pays européen

    Zenaty
    19 février 2025 - 11 h 22 min

    Je Pense Que le President Macron c est Rapprocher des Thèses du Mazhken et des Sionistes Pour Avoir les Faveurs de Du Président Donald TRUMP. EN JOUANT AU PLUS PRÈS DES ACCORDS D ABRAHAME… MAIS TRUMP… EST IMPREVISIBLE ET IL EST LE NOUVEAU SHÉRIF EN EUROPE….. OU LES EUROPÉENS ONT PEUR DE LA RÉACTION DE L ONCLE SAM…. CAR LE MONDEVAS CHANGER… LES ETATS UNIS VONT S ALLIER AUX BRICS….

    Abou Stroff
    19 février 2025 - 9 h 32 min

    « Aujourd’hui, du fait de la crise économique systémique, la démocratie, cette dictature éclairée, est en crise. La classe dominante transforme, lentement mais sûrement, sa dictature éclairée, la démocratie, en dictature déclarée. » déclare K. M..

    je pense que depuis, au moins, K. Marx, nous savons que la « démocratie …………….. bourgeoise » est synonyme de « dictature ………………. bourgeoise » et l’histoire montre que, lorsque la bourgeoisie (la classe capitaliste) observe que le capitalisme, en tant que système est en crise et que sa « démocratie » ne permet plus une reproduction, sans accroc, du capital en tant que rapport social (i. e. en tant que rapport d’exploitation) et ne peut plus endiguer des mouvements sociaux remettant en cause son hégémonie, elle (la bourgeoisie) favorise l’émergence et la montée en puissance de mouvements autoritaires, pour ne pas dire fascistes*, et leur offre le pouvoir politique pour réprimer les mouvements sociaux anti-capitalistes.
    En outre cette répression devient la norme, en attendant que la crise soit dépassé via un processus de destruction-reconstruction* du capital en tant que partie intégrante du mode de reproduction du capitalisme, en tant que système.

    * la montée en puissance de mouvements d’extrême-droite dans la majorité des formations sociales où le capitalisme a atteint sa plénitude, montre clairement que ce dernier est en crise et que les capitalistes tablent sur l’extrême-droite pour endiguer les mouvements sociaux anti-capitalistes qui remettent en cause la domination de la bourgeoisie en tant que classe.

    ** la guerre est l’aspect le plus flagrant du processus de destruction-reconstruction du capital, processus inhérent au mode de fonctionnement du capitalisme.
    en termes crus, sans la guerre, le capitalisme, en tant que système n’est guère viable.

    wa el fahem yefhem.

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