Le bâtonnier d’Alger dévoile le contenu de son échange avec l’avocat de Sansal
Par Houari A. – Maître Mohamed Baghdadi, bâtonnier d’Alger, a affirmé avoir été sollicité par François Zimeray, l’avocat français de Boualem Sansal, pour lui «proposer un collectif d’avocats qui pourrait éventuellement l’assister en Algérie», en précisant que «c’est lui-même» qui lui en a fait la demande. «Il s’est présenté comme avocat de M. Sansal. Je n’avais même pas besoin de savoir s’il était constitué. Dès lors que c’est lui-même qui le dit, cela me suffit. Je le crois sur parole. Je lui ai donc proposé trois confrères, choisis selon leur profil, des pénalistes, parmi eux le doyen, c’est-à-dire le plus ancien en exercice. J’ai mis ces derniers en contact avec lui, et ils ont commencé avec lui, sans qu’il y ait un quelconque incident au niveau de la conduite de la défense», a souligné Maître Mohamed Baghdadi, dans un entretien au quotidien El-Watan.
Me Baghdadi a expliqué que lorsqu’un avocat domicilié en dehors du territoire algérien est constitué pour défendre un justiciable en Algérie, il est obligé d’être présent régulièrement. «Il s’agit, a-t-il fait savoir, d’une procédure pénale». «L’assistance se fait en présentiel. L’avocat doit être présent lors des auditions, de la procédure pénale devant le juge d’instruction et, par la suite, devant la juridiction de renvoi. La présence est un élément fondamental», a-t-il appuyé.
Le bâtonnier d’Alger a, en outre, expliqué que la question du déplacement de Zimeray en Algérie «est subordonnée à l’obtention d’un visa qu’il n’a pu se faire délivrer pour des raisons que j’ignore». «Cela relève d’attributions d’autres autorités. En ce qui me concerne, je ne vois aucun inconvénient, puisque la procédure exige que pour la constitution d’un avocat qui vient plaider pour la première fois, que le bâtonnier lui délivre une autorisation», a-t-il renchéri. «Je ne vois aucune objection à ce que Me Zimeray puisse assister son client. Le problème de l’empêchement temporaire de Me Zimeray ne peut pas préjudicier aux droits de son client. La défense était assurée. Je supervisais personnellement la bonne conduite du déroulement de cette procédure au niveau de l’instruction et du travail quotidien fourni par mes confrères désignés. Ces derniers, faut-il le préciser, rendaient compte de leur travail à Me Zimeray et à moi», a-t-il insisté.
Maître Baghdadi a qualifié les propos de son confrère français, qui a allégué qu’une personne se serait présentée à Sansal pour lui demander de déconstituer l’«avocat juif» et d’en désigner un autre, de «surprenants». «Je n’ai pas connaissance d’une quelconque protestation de M. Sansal, sinon, mes confrères désignés m’auraient directement informé», a-t-il assuré. Tout en faisant part de son étonnement, le bâtonnier a fait savoir que le prévenu a adressé un courrier au juge d’instruction, «dont l’objet est la déconstitution de l’ensemble de ses avocats, y compris Me Zimeray». «Dans ce courrier, M. Sansal a écrit qu’il voulait se défendre seul», a-t-il ajouté, en se disant surpris d’apprendre que François Zimeray «continue de dire qu’il est toujours son avocat, alors qu’officiellement, il y a cette lettre de déconstitution datant d’une semaine».
Interrogé sur l’information selon laquelle Boualem Sansal aurait observé une grève de la faim, Maître Baghdadi a répondu que ce dernier avait «effectivement fait allusion à la possibilité» de recourir à cette action. «Mais, étant sous traitement, ce serait préjudiciable pour sa santé. Je sais qu’il ne l’a pas fait», a-t-il poursuivi.
Le bâtonnier affirme avoir «reproché» à son confrère français «l’hypermédiatisation de cette affaire». «Un avocat n’a pas à médiatiser les dossiers qu’il prend en change. Je lui ai même fait part de cette possibilité de lui faire constituer tout avocat que Sansal ou sa famille choisira. A ce moment-là, s’il y a un quelconque dépassement, nous serons les premiers à le dénoncer », a-t-il dit. Estimant que la procédure «devrait être un peu plus rapide», Maître Baghdadi pense que «plus vite on saura ce qu’il y a dans le dossier, mieux ce sera».
Il a assuré que Boualem Sansal «reçoit sa famille régulièrement», en précisant s’être lui-même enquis des conditions de détention de ce dernier et s’être informé sur d’éventuelles interdictions auxquelles il serait soumis. Il a indiqué qu’il s’est abstenu de rencontrer l’accusé, «pour qu’il n’y ait pas d’interprétation malveillante».
H. A.