Driencourt met en garde Bayrou : «Attention, l’Algérie ne bluffe jamais !»
Par Karim B. – Xavier Driencourt semble n’avoir pas pensé que les choses iraient aussi loin dans la dégradation des relations calamiteuses entre l’Algérie et la France. Dans un nouvel entretien à la chaîne YouTube du Figaro, l’ancien ambassadeur-agent de la DGSE à Alger a tourné autour du pot pour dire, in fine, que le Premier ministre, François Bayrou, a eu tort de poser un ultimatum à l’Algérie sur les accords de 1968. Son argument : il aurait dû s’y prendre avant. Pourquoi ? Difficile de cerner la réponse du conseilleur acharné qui a fini par être écouté «au mauvais moment».
En somme, Xavier Driencourt craint, maintenant que le vin est tiré, que l’Algérie mette à exécution ses menaces de rupture totale et de dénonciation de l’ensemble des accords qui la lient à la France. Il a expliqué à demi-mot que les Algériens ne bluffaient pas et que leur ego a été égratigné par le ton condescendant du très maladroit pensionnaire de Matignon. Si maladroit, d’ailleurs, que le président de la République lui-même a dû sortir de son silence, à partir du Portugal, pour sermonner son Premier ministre, auquel il a rappelé que le gouvernement français ne pouvait pas dénoncer les accords de 1968 de façon unilatérale. Sa colère étouffée est telle qu’il n’a pas pu se retenir d’ajouter : «Ça n’a aucun sens !»
Le diplomate bavard a, évidemment, ressassé le cas Boualem Sansal, estimant que la France aurait dû agir de manière ferme dès son arrestation, allant jusqu’à accuser le bâtonnier d’Alger, Maître Mohamed Baghdadi, de mentir sur la situation de l’avocat français François Zimeray, auquel le visa a été refusé à cause de sa «confession juive», a-t-il manipulé. En osant une telle allégation fallacieuse, Xavier Driencourt insulte l’intelligence de ses concitoyens, dont deux personnalités renommées du spectacle – Guy Bedos et Patrick Bruel – sont chaleureusement accueillies dans leur pays de naissance, tandis qu’une troisième, Roger Hanin, a eu droit, à Alger, à des funérailles à la hauteur de l’amour sincère qu’il a toujours porté pour l’Algérie de son vivant. Un amour que les Algériens lui ont rendu avec l’authenticité qui est la leur.
Pour Driencourt, qui semble avoir mis de l’eau dans son vin après avoir jeté de l’huile sur le feu, de peur que la situation ne s’envenime davantage, trahit, en insistant sur l’affaire Sansal, la mauvaise foi de l’officier traitant qui a quelque chose à cacher et qui a peur qu’elle se sache. Ce n’est pas tant l’état de santé de l’agent franco-israélien – au demeurant soigné dans un hôpital algérois – qui inquiète ceux qui s’échinent à exiger sa libération, mais les renseignements compromettants qu’il détient et qui, s’ils étaient ventilés, achèveraient de dévoiler au grand jour les magouilles des services secrets français en Algérie.
Les dirigeants français, otages du Rassemblement national, devraient, pour une fois, écouter ce personnage intrigant lorsqu’il leur conseille de tempérer leurs ardeurs et de tourner leur langue sept fois avant de dire quoi que ce soit sur l’Algérie à partir de maintenant, car la rupture définitive des relations diplomatiques est à un jet de… mot de travers. Xavier Driencourt connaît, pour avoir passé près de huit ans en Algérie, la fameuse devise tout algérienne «e’nif we lekhssara». Traduction : défendre la dignité quitte à tout perdre. Ou, comme aime à le répéter son président, «quoi qu’il en coûte».
K. B.
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