Le signe d’une égalité avec le courageux journaliste Jean-Michel Aphatie
Une contribution de Kouidri Saadeddine – D’égal à égal, répète le communiqué de la présidence ! Il l’aurait été s’il avait repris le nom de Jean-Michel Aphatie et non celui du martyr Larbi Ben M’hidi. L’Elysée impose le nom de ce dernier pour maintenir la commission dans la litanie de son récit colonial. Il nomme deux de nos illustres héros pour les rabaisser à de simples victimes de la France pour mieux dissimuler les millions de nos martyrs dans le but d’ensevelir à jamais la Révolution algérienne du 1er Novembre 1954. Leur FIS n’a pas pu ou su le faire. Alors Macron reprend le bâton de pèlerin que tenait Mitterrand et d’autres avant lui pour poursuivre l’objectif du vaincu qui ne veut pas admettre sa défaite.
Désolé de dire que ce communiqué qui fait suite à l’entretien téléphonique des deux présidents est en faveur de la France coloniale et non postcoloniale. Le communiqué demeure étranger à l’anticoloniale puisqu’il patauge sur les corps des victimes et ne veut pas s’élever à la hauteur de nos héros. Au contraire, il tente de les rabaisser à sa République laïque lestée par les crimes coloniaux, qui accouche forcément de Le Pen, de Retailleau et ses sbires.
La commission, au langage éculé, élaborée par la France qui dénie son crime contre l’humanité en Algérie, entretient le piège que nous tend Macron. Il faut peut-être se rappeler que son interlocuteur s’est rétracté sur sa déclaration qualifiant la colonisation de crime contre l’humanité, lorsqu’il était candidat lors de son premier mandat.
Tous les médias et l’écrasante majorité des intellectuels français et pas que, sont sous l’influence du récit officiel qui fait de la colonisation un facteur de civilisation. Dans Les damnés de la terre, Frantz Fanon nous prévenait : «La colonisation est une négation systématisée de l’autre, une décision forcenée de refuser à l’autre tout attribut d’humanité.»
Pour paraître le plus algérophobe aux yeux des électeurs pour les présidentielles de 2027, Retailleau affirmait n’avoir «aucun interlocuteur institutionnel en Algérie».
Dans son genre, on peut citer quelques-uns, dont le philosophe Finkielkraut, très présent sur les plateaux TV, qui, comme beaucoup de bourgeois en France, reprennent les idées de Martin Heidegger qui est hitlérien. C’est à se demander s’ils ne comprennent pas son antisémitisme ou alors ils sont tout simplement des eugénistes pour qui hier la solution finale au XVe siècle était destinée aux Amérindiens, aux XIXe aux Algériens, au XXe aux juifs avec le nazisme et aux Palestiniens avec le sionisme et perpétuellement avec le racisme pour les plus démunis.
C’est l’eugénisme qui a fait dire que le chemin de l’enfer est jonché de bonnes intentions. Oui, puisque c’est en se souciant de l’avenir de l’humanité que Francis Galton préconisa la poursuite sans entrave de la sélection naturelle. Il était contre les soins envers les malades ou l’aide aux pauvres. Pour ce savant, la terre ne pouvait pas avec le taux de natalité d’alors subvenir à tout le monde. En un mot, la sélection naturelle ne devait être contrariée par aucune solidarité. Quand elle s’avère inefficace pour élaguer l’autre, ce «déchet humain», le génocide devait être préconisé comme sélection artificielle pour préserver le monde des nantis.
Ce qui est à l’opposé de la civilisation qui naît de l’aide et de la sympathie envers autrui et particulièrement envers les malades et les plus démunis. Galton, le père de l’eugénisme, ne l’entend pas de cette oreille.
L’apport de ce scientifique dans la statistique et la biologie complète le récit français de la colonisation «civilisatrice», influence négativement les intellectuels, y compris celles et ceux qui ont la double nationalité comme Sophie Bessis. Je m’étonne que cette historienne et journaliste, qui vient de mettre à nu l’idéologie enrobée sous l’expression du «judéo-chrétien», arrive à confondre l’antisionisme de l’Etat algérien avec l’antisémitisme.
Dans ce cas, il est utile de rappeler que les accords d’Evian signés par le gouvernement français et le gouvernement provisoire de la République algérienne en mars 1962 donnaient un délai de trois ans pour le choix de la nationalité française ou algérienne. Il se trouve que moins de deux ans après l’indépendance, plus exactement le 10 septembre 1963, la première Constitution inscrit dans son préambule l’affirmation suivante : «La République garantit à chacun le respect de ses opinions, de ses croyances et le libre exercice des cultes.»
L’histoire vraie qui s’écrira demain dira que le racisme des colons et la peur de la violence de l’Organisation de l’armée secrète n’ont pas permis le bon choix de la majorité des pieds-noirs et des juifs d’Algérie. On sait que les déserteurs après l’indépendance de leur pays natal, confirment s’il le fallait le décret Crémieux. J’ajoute que des agents du Mossad israéliens étaient dans les rangs de l’OAS, formée de fils de colons et leurs obligés.
Je poursuis. Le journaliste B. Lakhdar qui, dans Le Monde Diplomatique de ce mois-ci, affirme que les torts de l’Algérie et de la France sont partagés. La confusion.
Dans une société où le mensonge domine, la voix de Jean-Michel Aphatie a raisonné, juste le temps de dire une pincée de vérité. Ce courageux journaliste qui a été félicité par notre président, sans suite de la part de ses conseillers malgré la sanction de sa hiérarchie. Le comble. Ils n’ont pas saisi l’opportunité qui s’est présentée à eux avec le communiqué commun entre l’Algérie et la France du 31 mars dernier. Le conseiller et le ministre du secteur conseillaient récemment aux médias la vigilance. Apparemment, le seul vigilant chez nous, c’est l’armée des frontières.
La presse nationale nous informe que le dossier de l’histoire et la mémoire a été au centre de l’entretien téléphonique entre le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, et son homologue français, Emmanuel Macron, où on apprend avec surprise que les deux saluent l’œuvre déjà accomplie par la commission mixte des historiens. La question évidente est que, dans ce cas, comment se fait-il que quelques paroles de vérité élémentaires dites par Jean-Michel Aphatie à ce sujet ébranlent tout un média et son environnement ?
Dans le communiqué, l’Elysée dépose une cerise sur le gâteau : «Le président Macron a fait part au président Tebboune de l’appui de la France à la révision de l’Accord d’association entre l’Union européenne et l’Algérie.» C’est à se demander pour quel intérêt cet appui et à qui ? Au patronat français ou aux patrons algériens ? Sachant que ces derniers sont loin de satisfaire aux besoins de la consommation nationale.
Le communiqué verbal de Jean-Noël Barrot, le ministre des Affaires étrangères français, à la sortie de la présidence, ce 6 du mois courant, égrène tous les actes d’une normalisation. Ce listing apparemment n’était pas utile, sauf s’il suggère un message, qui semble sous-entendre l’objet de sa véritable mission, celle de libérer l’agent Sansal. «Comme l’a fait le président Macron, j’appelle de mes vœux un geste d’humanité», dit-il, comme si lui et son président en étaient pourvus pour oser le quémander à l’Algérie. Le sort de nos frères palestiniens et sahraouis, à leurs yeux, prouve que non.
K. S.
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