Voici pourquoi le président Tebboune devrait couper les liens avec Macron (II)
Une contribution de Hocine Nasser Bouabsa – Les Algériens, à travers les réseaux sociaux en tant que plateformes qui reflètent leurs véritables opinions, sont presque unanimes pour réclamer au gouvernement algérien de mettre par tous les moyens un terme aux agissements belliqueux et néocolonialistes français vis-à-vis de l’Algérie. Certains des griefs contre le régime Macron ont été publiés dans la première partie de mon analyse-réquisitoire. Ci-après, suivent d’autres.
Escalade orchestrée par l’oligarchie et les pro-Israéliens…
Historiens, analystes, journalistes et observateurs sont unanimes : les relations algéro-françaises sont, depuis juillet 2024, dans une impasse et un état tellement lamentable que certains des spécialistes sont allés jusqu’à pronostiquer une rupture diplomatique entre les deux pays.
Fait inédit dans l’escalade orchestrée par l’establishment français dominé, depuis au moins trois décennies, par l’oligarchie capitaliste et les relais sionistes français, fervents soutiens de la politique génocidaire d’Israël depuis octobre 2023 contre les Palestiniens : jamais, depuis l’indépendance du pays nord-africain, les deux gouvernements n’ont expulsé autant d’agents diplomatiques – au total douze de chaque côté – en un seul coup.
Cette évolution hautement négative est aux antipodes des attentes que nourrissent plusieurs millions de citoyens des deux rives de la Méditerranée et des promesses faites par Emmanuel Macron lui-même, lors de sa première visite en Algérie, dans le cadre de sa campagne électorale en 2017. Contradiction piquante et échec flagrant : c’est pendant le mandat de ce chef d’Etat qui plaçait le déminage de ces relations complexes dans le top de ses priorités que la détérioration sans précédent dans ces relations est actée.
… et exécutée par Macron
Bien qu’en retrait tactique apparent, Macron est en réalité une pièce maitresse de cette escalade. Pire encore, il en est le fidèle et fervent exécutant. Il ne se prononce souvent que pour verser de l’huile sur les flammes qui déjà menacent de ravager les dernières écuries communes, entretenues par les femmes et les hommes liés émotionnellement aux deux pays et qui s’opposent farouchement à ce que ceux qui planifient de vider la France de tout ce qui est algérien y arrivent. Certes, le locataire de l’Elysée donne l’impression, après chaque attaque contre l’Algérie, de vouloir se rattraper en usant d’un langage mielleux – généralement en appelant Tebboune –, mais jamais en faisant un véritable et sincère mea culpa. En vrai pyromane, il met le feu et se place après en première ligne, faisant semblant d’aider les pompiers à l’éteindre. Une attitude paradoxale qui fait partie de sa fourbe stratégie de communication et de sa nature exocentrique.
De l’avis de beaucoup de politiciens, académiciens et journalistes français eux-mêmes, Macron-Jupiter n’est pas seulement narcissique, mais il est surtout un mythomane perfide qui n’éprouve aucune gêne à dire le matin une chose et le soir son contraire, à tel point que croire sa parole, c’est comme croire celle d’un pécheur qui promet de déplacer avec son seul filet toute l’eau de l’Amazone au Sahara. Avec son arrogance calculée vis-à-vis de ses interlocuteurs, il ne fait de concessions que lorsqu’il est véritablement acculé, comme ce fut le cas lors de sa visite à Moscou en février 2022. Ce jour-là, humilié par Poutine, il rentra chez lui meurtri dans son âme mégalomane et avec une rancune qui détermine jusqu’à aujourd’hui sa politique belliciste envers la Russie.
Aux déclarations succèdent les actes
J’ai évoqué dans la première partie de mon article publié dans ces mêmes colonnes, le 19 avril 2025 (1), la série de ses déclarations malveillantes et condescendantes, dont une avait déjà provoqué, en octobre 2021, le rappel pour consultations de l’ambassadeur d’Algérie à Paris.
Comme dans la majorité des hostilités entre Etats, aux déclarations succèdent les actes. En effet, la première semaine de février 2023 fut le théâtre d’un jalon majeur dans les relations algéro-françaises. Il s’agit de l’exfiltration à travers la Tunisie, par les services secrets français, de l’agent de la DGSE, la Franco-Algérienne Amira Bouraoui, poursuivie par la justice algérienne et soumise à une ISTN [interdiction de sortie du territoire national].
A ma connaissance, ce fut la première opération hostile de ce genre dans l’histoire moderne des relations bilatérales entre les deux pays. Elle faisait suite, avais-je fait remarquer, à des sollicitations spécifiques françaises auxquelles l’Algérie tardait à répondre. Le régime français considéra alors qu’il fallait muscler son attitude pour faire pression sur l’Algérie.
La stratégie du rapport de force rabâché par Retailleau depuis plusieurs semaines, n’est donc pas nouvelle, mais fait partie de l’arsenal programmé par la France depuis au moins depuis 2019, année de la chute de la îssâba (clan) de Bouteflika, connu pour sa servilité aux intérêts de la France en Algérie. Jadis, le régime français savait pertinemment que la révolution pacifique du Hirak authentique allait chambouler les leviers du pourvoir en Algérie et mettre fin à l’ingérence française dans les affaires internes de l’Algérie (2), ou du moins la réduire sensiblement.
Le rapport de force est appliqué depuis longtemps
Le casus belli caractérisé par l’exfiltration de l’agent Bouraoui provoqua une grande exaspération des dirigeants algériens, surtout au sein des organes de l’ANP, et chez les responsables de la sécurité et du contre-espionnage. En l’écart de dix-huit mois, l’ambassadeur d’Algérie à Paris sera rappelé une seconde fois. Le communiqué de la présidence algérienne annonçant la décision, le 7 février 2023, ne s’embarrasse pas de circonlocutions : «Dans le prolongement de la note officielle par laquelle l’Algérie a protesté fermement contre l’exfiltration clandestine et illégale d’une ressortissante algérienne dont la présence physique sur le territoire national est prescrite par la justice algérienne, le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, a ordonné le rappel en consultations de l’ambassadeur d’Algérie en France, Saïd Moussi, avec effet immédiat.»
Pour des raisons ou des impératifs que l’opinion publique algérienne ignore, la colère des dirigeants algériens fut de courte durée. Puisque l’ambassadeur algérien regagna Paris le 29 mars de la même année, soit 50 jours à peine après son rappel pour consultations. Ce retour fut acté lors d’un appel téléphonique entre Tebboune et Macron, lesquels, selon l’Elysée, «ont fait un point sur la relation bilatérale et sur la mise en œuvre de la Déclaration d’Alger signée à l’occasion de la visite du président de la République [française] en Algérie, en août dernier. Ils ont souligné la nécessité de renforcer la coopération entre les deux pays dans tous les domaines, dans la perspective de la visite d’Etat en France du président Abdelmadjid Tebboune».
Bien qu’on ne puisse pas douter de la pertinence des impératifs qui ont conduit les décideurs algériens à passer l’éponge sur une agression aussi grave (l’exfiltration de Bouraoui), il aurait été néanmoins judicieux dans le cadre du renforcement de la confiance entre les gouvernés et les gouvernants, et de la fortification du front interne, que le gouvernement communique sur ce sujet qui est pour le peuple algérien d’une sensibilité extrême.
Globalement, on peut constater que la confiance des Algériens est entamée. Particulièrement lorsqu’il s’agit de la France et, surtout, de Macron.
Le président le plus maléfique
En effet, la guerre larvée que livrent les dirigeants de l’ancienne puissance coloniale, avec plus ou moins d’intensité, contre l’Algérie, depuis 1962 jusqu’à ce jour, n’est pas une vue d’esprit, mais une réalité palpable. Or, de par l’hostilité continue qu’il pratique, il s’avère que le régime dirigé par l’actuel locataire de l’Elysée est de loin le plus maléfique. Pour comparaison, en 1971, lorsque Boumediene – Dieu ait son âme – décida de nationaliser le secteur des hydrocarbures, jadis dominé par les Primus français du secteur, Total et Elf, les résidus de l’OAS dans le sud de la France assassinèrent de nombreux Algériens, mais les hostilités du gouvernement français sous l’autorité du président George Pompidou et du Premier ministre Chaban-Delmas furent relativement modérées.
Les présidents français qui se sont succédé, bien qu’en réalité intrinsèquement hostiles à notre pays, prenaient néanmoins la peine de maquiller leur hostilité. Même un Sarkozy, pourtant connu par son algérophobie notoire, ne dérogea pas à cette ligne de conduite. Il a fallu que l’ancien employé des Rothschild accède en 2017 à la magistrature suprême de l’Hexagone pour que les murs protocolaires, érigés par ses prédécesseurs pour sauver les apparences, commencent à s’effriter, en dépit de ses déclarations à Alger pendant sa première campagne électorale de 2017, qui insinuaient le contraire. Mais, hélas, après huit ans de pouvoir macronien, l’effritement de ces murs protocolaires s’est transformé en rasage. Et Macron ne le cache plus. Il s’oublie, laissant place au défoulement brutal de l’aigreur qu’il a cru longtemps devoir contenir pour dépouiller encore davantage l’Algérie, comme si les vingt années de Bouteflika – marquées par le vol et la dilapidation de 1 200 milliards de dollars, dont une grande partie a trouvé refuge dans l’économie, les banques, le circuit financier et l’immobilier français – ne suffisaient pas.
H.-N. B.
(Suivra)
2) Suite aux ordres du gouvernement Macron, l’ambassade de France à Alger a essayé de torpiller le Hirak grâce à ses bouffons locaux, avec la ferme intention de placer ces derniers à l’avant-garde de ce mouvement de contestation populaire, afin de préserver le statu quo et continuer son hold-up sur l’Algérie.
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