Par Houari A. – Près de dix ans après le déclenchement de l’affaire Elecnor, la justice espagnole franchit une étape majeure. Le juge d’instruction numéro 5 de l’Audience nationale, Santiago Pedraz, a ordonné l’ouverture d’un procès oral à l’encontre des anciens députés du Parti Populaire (PP) Pedro Gomez de la Serna et Gustavo de Aristegui, ainsi que 21 autres prévenus, dans le cadre d’une affaire de corruption impliquant le groupe basque Elecnor et des paiements de pots-de-vin en Algérie, rapporte le journal espagnol Publico.
Cette procédure concerne des commissions illégales versées via un cabinet de conseil créé par De la Serna et Aristegui en 2009, appelé Voltar Lassen. Ce cabinet conseillait des entreprises espagnoles dans leur expansion internationale, en échange d’honoraires fixes et de commissions dites «de succès» liées à l’obtention de contrats publics à l’étranger, poursuit le journal espagnol.
Au total, 23 personnes, dont des intermédiaires, des cadres de plusieurs sociétés, ainsi que 5 gestionnaires suisses et hollandais poursuivis pour blanchiment d’argent, sont désormais renvoyées devant la justice. Le procès intervient alors que les délais de prescription des faits présumés approchaient, ajoute Publico.
Pour Pedro Gomez de la Serna et Gustavo de Aristegui, le procureur requiert une peine de 18 ans de prison chacun, assortie de sanctions financières atteignant 720 000 euros, ainsi que la confiscation de 2,64 millions d’euros sur deux sociétés créées par les deux hommes, Scardovi et Karistia. Ces sociétés servaient à encaisser les commissions des entreprises clientes, apprend-on encore.
Les peines les plus sévères sont requises contre deux cadres d’Elecnor, German Junquera Palomares et Ramon Lopez Lax, avec 21 ans de prison chacun. En plus des accusations de corruption, faux et usage de faux et organisation illicite, ils sont poursuivis pour corruption active.
Cinq sociétés sont poursuivies pour leur responsabilité pénale : Elecnor et sa filiale Internacional de Desarrollo Energético SA, Rover Alcisa, Assignia Infraestructuras, et AS Auditoria & Consulting Navarra SL. Cette dernière a notamment servi à canaliser les commissions. Rover Alcisa et Assignia avaient formé une union temporaire d’entreprises (UTE) avec Elecnor pour construire le tramway d’Ouargla, un marché de 230 millions d’euros obtenu après le versement de 850 000 euros au directeur du projet, Smaine Koriche. Ces pots-de-vin ont transité par des sociétés domiciliées à Dubaï, bénéficiant notamment à un homme d’affaires algérien, Mohamed Moulay, précise le média espagnol, qui se réfère à des sources judiciaires.
Pour dissimuler les versements, la structure utilisait des sociétés écrans basées en Irlande, aux Pays-Bas, en Suisse, ainsi que dans les îles Vierges britanniques et au Royaume-Uni. Plusieurs gestionnaires suisses et hollandais sont également poursuivis, dont Vicente Ferro et Walter Carl Gustav Stresemann, pour lesquels le procureur espagnol a requis cinq ans de prison pour blanchiment et faux.
H. A.