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Adieu l’ami de Nadim : une élégie poignante pour un chat  


Par Fatiha S. – Les liens que nous tissons depuis notre enfance à l’âge adulte forment notre personne et notre personnalité. Construisent notre affect, notre sensibilité. Il est donc important de comprendre qu’après une rupture (conjugale, amicale, amoureuse…), notre psyché, parfois, peut provoquer en nous un «séisme émotionnel».

Une séparation de quelque ordre qu’elle soit peut nous entraîner dans un labyrinthe duquel nous ne pourrons sortir si elle n’est pas convenablement prise en charge et peut entraîner des conséquences parfois dramatiques. Comment alors trouver la lumière au bout de ce long tunnel sombre ? Comment se relever après cette chute si brutale, surtout si elle n’est pas programmée – comme dans la plupart des cas – ? Comment reprendre goût à la vie après un trauma – parce que c’en est un – ? Les psychologues et psychiatres s’accordent à dire que faire le deuil est le seul et unique processus émotionnel et psychologique qui va aider la personne à aller à travers cette douleur, la traverser pour la dépasser enfin. Chaque personne devra alors trouver ce mécanisme qui l’aidera à faire son deuil pour que la vie soit autre. Pour que la paix intérieure soit enfin rétablie et l’équilibre cerveau-âme-corps enfin retrouvé…

A chaque personne donc son mécanisme pour trouver la clé pour faire son deuil. L’auteur Nadim, à travers son livre Adieu l’ami a trouvé son propre mécanisme, à travers des mots pour panser ses maux. L’écriture, au-delà de rassembler des mots, a été pour l’auteur cette thérapie du deuil.

Des mots au-delà de la simplicité, au-delà de la sincérité viennent creuser dans la plaie et rappeler combien la séparation – la mort surtout – est destructrice si l’on n’accorde pas à cette douleur l’attention nécessaire pour la guérir et la dépasser.

L’auteur dans Adieu l’ami, qui met ses émotions à nu avec une honnêteté déconcertante, nous pousse à nous demander : fait-il réellement le deuil de son chat ou à travers ce dernier d’une personne aimée ?

Le lecteur s’en rendra compte aisément à travers son évolution dans la lecture. Les mots de Nadim sont si chargés émotionnellement qu’ils ne peuvent laisser indifférent, nous poussent même à nous poser des questions et à nous laisser aller à nos propres émotions, à aller au fond de nous-mêmes.  

Et ces émotions sont si promptes à remonter à la surface si elles n’ont pas été prises en charge comme il se doit. Elles sont là à rappeler que le mal est toujours aussi profond, aussi présent, aussi vivace. A chaque mot lu, l’œil le fixe, le cerveau l’enregistre et le cœur s’emballe. Toutes les émotions ressurgissent et l’on se rend compte que rien n’est mort et que tout, au contraire, est encore là. La douleur, comme au premier jour de la séparation, sort de son coma. Les mots de l’auteur sont si puissants qu’ils réveillent en nous tout ce que l’on a pu refouler et que l’on a cru disparu avec le… temps.

De Benguitoun à Nadim

Au XIXe siècle, Mohamed Benguitoun, sur demande insistante de Saïd, le mari de Hiziya – dont l’union dura à peine un mois, et finit par le décès subit de celle-ci –, immortalise Hiziya dans un poème qui sera chanté des années plus tard, génération après génération. La douleur de la perte de la bien-aimée sera exorcisée à travers des vers d’une intensité sans égale. Il y est, entre autres, clamé au fossoyeur de prendre soin de la dépouille de Hiziya et de poser la terre sur son corps doucement pour ne pas lui faire mal.

Ô fossoyeur ménage l’antilope du désert !

Sur Hiziya ne laisse point tomber de pierres !

Je t’en conjure par le Livre et les lettres du Donateur !

Ne fait point tomber de terre sur la dame au miroir !

Un siècle plus tard, Nadim enterre son chat et par ses mots nous transmet toute la douleur de la séparation. Mettre sous terre, c’est abdiquer devant l’inéluctable. C’est voir une dernière fois l’«objet» de notre passion et de notre souffrance partir pour ne plus revenir. «Je suis assis près de ta demeure, le visage dans les mains, l’âme au poing, solitaire, à l’ombre de l’arbre qui veille sur toi, et je dois consoler celui à la peine déroulée et qui est triste en moi, car j’ai l’impression d’avoir aimé une ombre qui excelle dans l’art de l’hypnose, qui avait planté tout autour de moi les germes du bonheur, et m’avait ensorcelé, puis un jour, sans avertir, sans crier gare, s’en est allé, comme s’en va la houle de blé, qui plie, serpente, enchante, puis disparaît après le silence du vent.»

Mais avant la mise en terre, Nadim supplie son ami de rester, et de prime abord, la plume (le curseur) de Nadim conjure son ami : «Reste. Et je t’offrirai une île mouvante, changeante, qui boira l’écume des mers et mettra les vagues en déroute. Et je t’inventerai mille caresses, qui renferment toutes les douceurs du monde, plus douces que l’effleurement d’un moineau, qu’une aile de phalène sur la face de l’eau, et une route qui n’ira jamais jusqu’à l’abandon…» «Reste. Tu es trop épuisé, trop fatigué pour mourir, et cette nuit aux sillages vallonnés n’est pas faite pour voyager, ni pour accompagner ces caravanes qui partent aux plus extrêmes des confins du monde. Tu vois bien qu’aucun astre ne clignote au sud, qu’aucune étoile ne brille…» Reste…

Mais l’abandon ou la séparation, c’est selon, est inévitable. Plus loin, la même intensité en émotions et comme si l’auteur devant la réalité finit par abdiquer : «Compagnon des solitudes, ami de tout instant, le silence te déposera à l’abri du vent, à l’ombre d’un figuier, d’un olivier ou d’un vieux chêne et, avec les anges, tu seras frère, par le chant…» Et l’on finit toujours par accepter le départ…

Adieu l’ami est un hymne à l’amour, à la fidélité, à la sincérité… Cet amour, qu’il soit pour un être humain ou un animal, n’a pas de différence dans le sens où toutes les créatures divines ont droit à cet amour, à ce respect. Et Nadim a su aimer et élever son chat au-delà de tout ce que l’on pourrait imaginer. Et cet hommage qu’il lui a rendu en est la meilleure des preuves. 

Adieu l’ami est à lire à relire et, surtout, à méditer le sens de l’amour, de la générosité, de l’altruisme…

– Nadim vit entre Paris et Alger et porte le même intérêt à la poésie et la musique qu’à la cause animale.

– Adieu l’ami est édité par Apic. Prévu au prochain Salon du livre d’Alger, à partir du 28 octobre 2025.

– Le récit de Nadim est une réelle thérapie du deuil. Il a déjà été traduit vers l’arabe, l’allemand, l’espagnol, le bulgare, l’anglais et le japonais. 

– Hiziya traduction de Lazhari Labter

F. S.

1 Commentaires

  1. La compassion envers les animaux fait partie de la nature humaine. C’est même un devoir pour toute personne se réclamant de l’islam. Qui n’a pas de bonté envers ces créatures a tout simplement un problème.
    Par exemple, durant leur enfance les tueurs en série pratiquent toujours des actes de cruauté envers les animaux. Ce n’est pas un hasard si ces monstres agissent ainsi. Une humanité qui fait défaut à ce qu’il convient de qualifier de démons à forme humaine …

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