Par Nabil D. – Le prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salmane, a entamé ce mardi une visite officielle aux Etats-Unis à l’invitation du président américain Donald Trump. Une visite à forte portée politique, qui intervient dans un contexte régional sous tension et alors que Washington cherche à redéfinir son architecture sécuritaire au Moyen-Orient.
Derrière les gestes protocolaires annoncés par les médias officiels saoudiens se cache un enjeu stratégique majeur. La possibilité que Washington pousse Riyad vers une normalisation avec Israël, en échange d’un accès à des équipements militaires de pointe, notamment des avions furtifs. Trump usera-t-il du chasseur de cinquième génération F-35 pour forcer ou accélérer un rapprochement saoudo-israélien ?
Depuis la signature des accords d’Abraham en 2020, les Etats-Unis cherchent à élargir le cercle des pays arabes ayant normalisé leurs relations avec l’entité sioniste. Une des pièces maîtresses de cette stratégie demeure l’Arabie Saoudite, acteur incontournable du monde arabe et puissance régionale majeure, estime-t-on à Washington.
Or Riyad maintient depuis des décennies que toute normalisation passe par une solution juste à la question palestinienne et par la création d’un Etat palestinien indépendant. Une position officiellement inchangée. Mais Washington estime que Mohammed Ben Salmane pourrait être ouvert à des arrangements progressifs, en échange de garanties sécuritaires solides et d’un renforcement massif de ses capacités militaires.
Parmi ces garanties figure un dossier particulièrement sensible. L’accès au F-35, fleuron de l’aviation américaine. Israël disposant déjà de cet appareil, Washington a toujours veillé à préserver l’avantage militaire qualitatif israélien, freinant ainsi toute livraison à d’autres pays du Moyen-Orient, ou dégradant les armements similaires destinés aux pays arabes qui veulent en faire l’acquisition.
L’idée d’un échange implicite – normalisation contre F-35 – agite donc analystes et chancelleries. Pour Trump, qui cherche un succès diplomatique spectaculaire, un accord avec Riyad constituerait un triomphe stratégique.
Mohammed Ben Salmane, de son côté, avance sur une ligne de crête. Il sait que toute normalisation précipitée pourrait provoquer des remous internes et exacerber les tensions avec certains partenaires régionaux. Par ailleurs, l’opinion publique saoudienne demeure sensible à la question palestinienne.
Cependant, le prince héritier ambitionne de positionner son pays comme une puissance moderne, tournée vers l’innovation et la défense avancée. Accéder à des systèmes d’armes de nouvelle génération, intégrer des partenariats stratégiques technologiques et obtenir des garanties américaines contre les menaces régionales supposées, notamment iraniennes, correspond à sa vision de long terme.
Aucun communiqué officiel ne mentionne la question du F-35 ou de la normalisation. Mais les discussions en coulisses seront intenses. En effet, la visite de Mohammed Ben Salmane aux Etats-Unis – la seconde après celle de 2018 – dépasse largement les enjeux protocolaire et économique. Elle pourrait ouvrir un nouveau chapitre diplomatique, où sécurité, influence et reconfiguration régionale s’entremêlent.
L’administration Trump ira jusqu’à mettre les F-35 dans la balance ? Riyad acceptera-t-il d’en payer le prix politique ? Nous le saurons bientôt.
N. D.


