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Benjamin Stora dénonce un déferlement de propos et d’actes hostiles à l’Algérie en France

Par Houari A. – L’historien français Benjamin Stora est revenu sur la libération de Boualem Sansal et sur les tensions politiques qui ont entouré cette affaire. Pour Stora, ce geste de libération, bien que finalement accompli, était attendu depuis longtemps et aurait dû intervenir plus tôt.

«Tout le monde attendait ce geste», explique-t-il, dans une interview accordée à la chaîne de télévision algérienne One TV. Selon l’historien, la libération de Sansal a été retardée à plusieurs reprises, alors que des tentatives avaient été envisagées au cours de l’année. «A chaque fois, cela a avorté», confie-t-il. Des «péripéties» politiques et médiatiques, allant jusqu’à des discours incendiaires en France, ont contribué à retarder ce geste humanitaire. Stora cite notamment l’appel lancé par le fils de Nicolas Sarkozy à brûler l’ambassade d’Algérie à Paris ou des commentaires extrêmes de certains journalistes français, qui, déplore-t-il, ont pris des proportions «absolument incroyables».

L’historien souligne également que la libération de Sansal intervient dans un contexte de politisation accrue. «Bruno Retailleau représente un courant politique qui est malheureusement très important dans la société française d’aujourd’hui», observe-t-il. Pour Stora, cet ancien ministre de l’Intérieur illustre une classe politique française qui s’est «droitisée» depuis plusieurs décennies. Il rappelle que ce phénomène n’est pas nouveau. En 2002, Jean-Marie Le Pen avait atteint le second tour de l’élection présidentielle française avec 18% des voix, éliminant le candidat de gauche Lionel Jospin. Aujourd’hui, ce courant représente environ 35% des voix au premier tour, selon lui.

Selon Stora, cette évolution politique a eu des conséquences directes sur la manière dont les débats sur l’Algérie et sur l’histoire coloniale sont conduits en France. L’historien raconte avoir été lui-même attaqué pour des propos historiques qu’il juge simples et factuels : «Je voulais simplement dire que Tlemcen était la ville de Messali El-Hadj, l’un des fondateurs du Mouvement national algérien, ou que Mascara était la capitale de l’Emir Abdelkader, qui avait résisté à la pénétration coloniale française. Ce n’est pas le Maroc.» Pour ses détracteurs, ces remarques ont été interprétées comme provocatrices, et Stora pointe l’absence de discussion raisonnée sur l’histoire.

L’historien met également en lumière le climat général de l’année écoulée, qu’il qualifie de «déferlement de propos et d’actes» hostiles à l’Algérie, sans que des voix politiques françaises n’interviennent de manière significative pour calmer le jeu. Il cite en revanche Jean-Noël Barreau, ministre des Affaires étrangères, et Dominique de Villepin, comme rares exemples de responsables politiques ayant tenté de rétablir un dialogue plus équilibré. Selon Stora, ces interventions sont trop rares face à des discours parfois extrêmes qui n’ont pas été corrigés par ceux qui détiennent le pouvoir.

Pour Benjamin Stora, le geste de libération de Boualem Sansal, bien qu’important, arrive après une série de retards et de tensions qui reflètent à la fois une politisation extrême et une incapacité de certains acteurs politiques à assumer un dialogue responsable. Il souligne que l’enjeu dépasse le cadre d’un simple geste humanitaire. «Il s’agit, a-t-il soutenu, de relancer des rapports normaux entre la France et l’Algérie, et de permettre un débat historique et politique apaisé.»

En conclusion, l’historien appelle à une approche plus équilibrée et rationnelle dans les relations franco-algériennes, où les débats sur l’histoire et la politique peuvent se tenir sans être pollués par l’extrême droitisation ou les excès médiatiques.

H. A.

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