Par Farida O. – Dans la pénombre feutrée d’une chambre de l’hôpital de Beni Messous, à Alger, où les regards se chargeaient d’une tendresse inquiète, Biyouna a vécu ses ultimes instants avec une dignité bouleversante. L’actrice, figure aimée de toutes les générations d’Algériens, s’est éteinte telle qu’elle a vécu, avec courage, lucidité et un sourire obstiné, presque insolent face à la mort. Son amie la plus proche, témoin privilégiée de ces heures décisives, livre un récit poignant.
«Elle a gardé le sourire jusqu’au dernier soupir», a-t-elle confié, la voix vacillante, à la chaîne Ennahar TV. Jusqu’aux frontières de l’inéluctable, Biyouna cherchait à rassurer, à alléger la peine des siens. Dans un geste tendre, elle avait serré la main de son amie : «Ne me laisse pas seule», lui avait-elle soufflé, comme un ultime appel à la présence, à l’amour, à cette chaleur humaine qu’elle a toujours su inspirer.
Profondément attachée à sa terre natale, elle avait exprimé, avec une détermination sans appel, sa volonté de mourir en Algérie. «Je ne veux pas qu’on me transfère loin de mon pays», répétait-elle. A la ministre de la Culture, elle avait déclaré qu’elle ne souhaitait pas quitter le territoire, affirmant sa confiance totale envers les médecins algériens. «A l’étranger, ils m’auraient peut-être soignée, mais ils auraient fait le buzz sur mon dos. Ici, les enfants de mon pays me soignent avec le cœur parce qu’ils m’aiment», a rapporté son amie.
Et ces médecins, justement, n’ont pas ménagé leurs efforts. «Ils se sont tellement bien occupés d’elle qu’ils lui achetaient même ce dont elle avait besoin», raconte-t-elle avec gratitude. Jusqu’à la dernière minute, les équipes médicales sont restées à ses côtés, déployant l’impossible dans l’espoir de la préserver encore un peu. La ministre de la Culture, elle aussi, veillait : «Elle suivait son cas depuis son admission, prenait de ses nouvelles matin et soir. Pas un jour ne passait sans que l’on nous demande si nous manquions de quelque chose.»
Dans cette atmosphère de recueillement et de sollicitude, Biyouna s’abandonnait de plus en plus à la spiritualité. Elle écoutait longuement le Coran, prononçait constamment la chahada [profession de foi, ndlr], parfaitement consciente de la fin qui approchait. La veille de son décès, elle tenait toujours la main de son amie, oscillant entre la peur humaine et une force intérieure presque lumineuse. «Elle avait peur, mais elle gardait le sourire», se souvient-elle. Lorsqu’elle lui demanda pourquoi elle souriait encore, Biyouna répondit dans un souffle teinté d’ironie, de lucidité et d’une douceur désarmante : «Tu veux que je t’explique ça aussi ? Tu n’as pas compris que ma dernière heure a sonné ?»
Ainsi s’est éteinte Biyouna, dans le calme d’une nuit algéroise, au milieu des siens, portée par l’affection d’un peuple qu’elle n’a jamais cessé d’aimer. Une étoile de la scène et de l’écran qui laisse derrière elle un vide immense, mais aussi l’éclat inoubliable d’un sourire qui, jusqu’au bout, n’aura jamais tremblé.
F. O.


