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Exclusif – Le porte-parole de l’opposition malienne se confie à Algeriepatriotique

Algeriepatriotique : Quelle analyse faites-vous de la situation actuelle au Mali ?

Etienne Fakaba Sissoko : Le Mali connaît aujourd’hui une crise multidimensionnelle – sécuritaire, institutionnelle, économique et sociale – d’une profondeur inédite. Le pays ne dispose plus de perspectives politiques claires, l’Etat ne parvient plus à assurer la sécurité des populations, et l’espace public est verrouillé au point que la parole citoyenne a quasiment disparu.

Nous ne sommes plus dans une simple difficulté de gouvernance, mais dans une dynamique d’effondrement. Pour sortir de cette impasse, il faut rouvrir un horizon politique, créer un cadre crédible où le dialogue peut reprendre et où la paix peut redevenir une possibilité réelle.

Quels sont les objectifs de la Coalition des forces pour la République (CFR) ?

La CFR a été créée pour répondre à un besoin vital, celui de ramener la paix, faire taire les armes et rendre au dialogue la place qu’il n’aurait jamais dû perdre. Nos objectifs sont parfaitement identifiés. Mettre fin à l’effondrement actuel, en ouvrant une transition civile, inclusive et strictement républicaine. Installer un dialogue national intégral, incluant tous les acteurs maliens capables de contribuer à la paix, sur une base claire : unité du pays, fin des violences, rejet de toute partition. Réconcilier le Mali avec lui-même, c’est-à-dire reconstruire la confiance entre les régions, entre les communautés, entre les institutions et les citoyens. Réconcilier le Mali avec ses partenaires, remettre le pays dans une trajectoire diplomatique constructive, sortir de l’isolement et rétablir des alliances utiles.

La CFR n’est pas un slogan, c’est une architecture politique pensée pour permettre au Mali de respirer à nouveau.

Quel poids détient la CFR à l’intérieur du Mali ?

Notre poids se mesure non pas par le nombre de visages exposés, mais par la profondeur de l’adhésion que nous observons et par la solidité des réseaux engagés autour de nous.

Depuis l’annonce de la coalition, nous constatons une mobilisation spontanée dans toutes les régions et au sein de la diaspora. Des relais locaux se structurent, des acteurs communautaires nous contactent, et de nombreux citoyens nous rejoignent.

La vraie question n’est pas «combien êtes-vous ?», mais votre projet politique est-il nécessaire, crédible et attendu ? La réponse est oui.

Le peuple malien ne demande qu’une chose : un cadre pour la paix, une stratégie réaliste, un horizon collectif. C’est cela que nous apportons.

Pourquoi la majorité des membres de la CFR requière-t-elle l’anonymat ?

Il faut ici être très clair, ce n’est pas du mystère, c’est de la responsabilité politique. Dans un pays où des opposants sont arrêtés, des journalistes sont intimidés, des militants disparaissent, des responsables politiques sont surveillés, il serait irresponsable d’exposer tous nos membres à des représailles ciblées.

Mais au-delà de cette dimension sécuritaire, notre choix répond à une nécessité stratégique. Nous voulons éviter toute compétition de leadership. Nous voulons éviter toute suspicion d’ambition personnelle. Nous voulons empêcher le discours habituel sur «l’agenda caché» de tel ou tel politicien.

Si nous avions mis des figures politiques en avant, la junte aurait immédiatement instrumentalisé cela pour décrédibiliser la démarche et la réduire à un calcul électoral.

En choisissant de mettre uniquement en avant le porte-parole, Etienne Fakaba Sissoko, le référent républicain, l’imam Mahmoud Dicko, nous envoyons un message clair : ce n’est pas une compétition de visages, mais une coalition structurée autour d’un projet politique, celui de ramener la paix au Mali.

L’important n’est pas «qui» parle. L’important est ce que nous portons, à savoir un plan pour faire cesser l’effusion de sang, rouvrir la voie du dialogue et reconstruire le pays.

Votre avis sur les accusations visant les pays de l’AES dans la tentative de coup d’Etat au Bénin ?

Nous refusons les conclusions hâtives et les lectures complotistes. La stabilité régionale est trop fragile pour être instrumentalisée. Ce qui est certain, c’est que la posture actuelle de confrontation adoptée par les pays de l’AES a contribué à accroître les tensions régionales, multiplier les incompréhensions diplomatiques et isoler davantage le Mali.

La CFR défend une autre ligne, celle de la coopération, du dialogue, du respect de la souveraineté des Etats voisins et de la recherche de solutions politiques plutôt que des postures idéologiques.

Nous voulons sortir le Mali de l’isolement, pas l’y enfoncer davantage.

Comment évaluez-vous vos chances de succès face à une junte qui a réduit au silence l’espace politique ?

L’espace politique peut être muselé, mais un peuple ne l’est jamais durablement. La force de la CFR ne vient pas de la liberté médiatique, elle vient de sa méthode, de son architecture résiliente, de son programme clair, de ses relais sur le terrain, de son leadership moral et, surtout, de l’aspiration profonde du pays à sortir de l’impasse.

La junte peut imposer le silence dans les radios, pas dans les consciences. Elle peut arrêter des militants, mais elle ne peut pas arrêter la réalité. Et la réalité est évidente : le Mali ne peut plus continuer sur cette trajectoire.

Nos chances de succès reposent sur un fait que nous portons ce que le pays attend, c’est-à-dire la paix, le dialogue, la réconciliation, la République.

La CFR n’est pas un regroupement de personnes, mais une vision. Ce n’est pas une compétition de leadership, mais une architecture pour ramener la paix. Nous voulons faire taire les armes, offrir une chance au dialogue, réconcilier les Maliens entre eux et réconcilier le Mali avec ses partenaires. C’est cela notre mandat. Et c’est cela que nous allons accomplir.

Interview réalisée par Kahina Bencheikh El-Hocine

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