Suprême hypocrisie
Par Sadek Sahraoui – L’ambassadrice des Etats-Unis à l’ONU, Nikki Haley, s’est attaquée mardi soir avec une rare violence aux pays musulmans auxquels elle a notamment reproché de ne pas aider suffisamment les Palestiniens et de mettre des bâtons dans les roues du processus de paix israélo-palestinien. Le reproche fait par la diplomate américaine aux Arabes, et plus généralement aux musulmans, n’est pas tout à fait faux. C’est le cas, du moins, pour ce qui concerne le premier grief.
Il n’est pas nécessaire d’être un grand spécialiste du conflit israélo-palestinien pour savoir que la cause palestinienne est devenue le cadet des soucis des nombreux membres de la Ligue arabe. Pire encore, certains acteurs importants au Proche-Orient comme l’Arabie Saoudite poussent même depuis quelque temps les Palestiniens à accepter une sorte de paix au rabais avec les Israéliens qui les contraindrait à abandonner l’idée de faire d’El Qods, soit Jérusalem-Est, la capitale de leur futur Etat.
Tout dans l’attitude de ces pays confirme effectivement l’idée qu’ils ont renié la cause palestinienne, cela à supposer qu’ils y aient cru un jour. En réalité, le gros des troupes de la Ligue arabe s’est souvent servi de la question palestinienne comme d’une carte de pression ou un moyen d’exister au plan régional ou international. Cela à l’exception de l’Algérie dont le soutien à l’OLP a de tout temps été désintéressé. En citant l’Algérie, Nikki Haley a d’ailleurs choisi le plus mauvais exemple. Les autorités algériennes n’ont jamais été prises à défaut sur la question de la Palestine. Tout cela, les Arabes le savent. Et depuis longtemps.
Que les attaques viennent, donc, de la rue arabe, c’est à la limite chose normale tant elle est attachée viscéralement à la cause palestinienne. Ce qui n’est pas admissible, en revanche, c’est que ces critiques émanent d’une responsable américaine dont le pays pousse depuis les années soixante les nations arabes et musulmanes à renier leurs idéaux, encourage le gouvernement israélien à exterminer le peuple palestinien et à le spolier de ses terres et fait obstacle à la paix au Proche-Orient. Là c’est le comble de l’hypocrisie et du cynisme.
Quelqu’un a-t-il entendu Mme Haley, qui parle de paix, condamner le massacre, en live, de Palestiniens ? Quelqu’un a-t-il entendu cette dame condamner la dérive du gouvernement de Benyamin Netanyahu qui vient de faire passer une loi à la Knesset instaurant en Israël un régime d’apartheid ? Non. Personne ne l’a entendue le faire. En revanche, tout le monde a perçu clairement sa sortie comme une tentative des Etats-Unis de faire diversion et, surtout, de faire porter le chapeau du chaos qu’ils ont provoqué au Proche-Orient aux autres. Et pour tout le monde, Washington n’a jamais été aussi pitoyable.
S. S.
Comment (9)