Otage d’une politique
Par Akram Chorfi – Comment faire transiter l’Algérie d’un système qui concentre tous ses ressorts sur le fait social, aux dépens d’autres domaines plus prioritaires du point de vue stratégique ? Cela d’autant que ces domaines sont, en définitive, au service de la société et du social.
L’Algérie est un Etat social depuis 1962. Si elle a subi son entrée de plain-pied dans l’économie de marché, elle n’en est pas moins demeurée une république qui garantit des équilibres sociaux fragiles, empêchant la constitution de classes trop clivées, qui compromettraient les principes du 1er Novembre 1954.
Avec une surface sociale constituée majoritairement de la classe – certains diraient pauvre- moyenne, mais fort modestement moyenne, l’Algérie n’a pas ou ne se reconnaît pas d’autres classes sociales, si ce n’est celle des déclassés que l’Etat arrive à renflouer à coups de milliards de dollars, via une politique très volontariste fiscalement presque aveugle, qui dispense logements sociaux et aides publiques substantielles, dont le système très lourdement coûteux des subventions.
C’est cette dépendance populaire des deniers de l’Etat, autrement dit de la rente des hydrocarbures, qui rend très difficilement envisageable une transition, aussi subtile soit-elle et aussi progressive qu’elle puisse être, alors que le rendez-vous avec une autre réalité très contraignante n’est plus si lointain, à savoir le moment où ce système ne pourra plus être pérennisé sans recourir à des choix contraires à la volonté de souveraineté qui guide la vision de l’Etat algérien libre et indépendant.
Certains optimistes têtus continuent de croire que l’Algérie, par une espèce de grâce divine, n’arrivera jamais à ce cap de la contrainte financière, mais leurs arguments n’en sont pas, car accrochés à la providence et à des concepts qui échappent au bon sens et à la logique, tout juste bons à être des slogans creux de campagne électorale.
La réalité, elle, elle se décline en dollars et en euros, et en besoins annuels en importations d’équipements, d’intrants et de produits de première nécessité subventionnés. Elle se décline en millions de nouveau-nés algériens vivants qui ont besoin de soins, de scolarité, de logements. Elle se décline en termes de développement économique qui tarde à voir se poser ses bases dynamiques et en termes de développement scientifique qui ne peut se concrétiser avec la dilution des efforts publics dans la prise en charge d’aspects que chaque citoyen devrait pouvoir prendre en charge pour et par lui-même.
A vrai dire, l’avenir de l’Algérie est otage d’une politique que personne n’ose encore disqualifier de crainte pour la stabilité du pays, alors qu’à terme, c’est cette politique qui risque de le déstabiliser.
A. C.
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