Y a-t-il encore la loi ?
Par Akram Chorfi – Il suffit d’aller en profondeur dans les maquis agricoles pour se rendre compte de visu des pratiques criminelles de certains maraîchers qui tirent des tuyaux d’irrigation à partir de ruisseaux d’eaux usées qu’ils ont pratiquement aménagés et structurés pour ce faire.
Il suffit d’aller au square Port-Saïd pour voir violer la loi sur le change avec des dizaines de jeunes exhibant des liasses de dinars et de devises et commerçant librement dans la rue avec les citoyens par l’action et la vente de l’argent ; une activité digne d’une banque agréée.
Il suffit d’aller dans la bouillonnante rue Ferhat-Boussaâd, en plein cœur d’Alger, pour trouver là une faune de jeunes vendeurs à la sauvette qui concurrencent les vitrines du coin, en proposant à des prix compétitifs les produits mêmes que les commerçants officiels, contribuables contraints, proposent un peu plus chers.
Il suffit d’opérer des contrôles et des perquisitions chez les grossistes pour y trouver ces mêmes produits de l’informel venus d’ailleurs, sans factures et en-deçà de toute norme de qualité, pour se poser la question de savoir comment ces produits sont entrés en Algérie.
Il suffit de simuler une action de location de logement un peu partout en Algérie pour se rendre compte des conditions frauduleuses et prohibitives d’accès au marché locatif, nœud gordien de la crise du logement et un des symptômes de la prise d’otage, par les particuliers, de la politique publique de l’Etat, réduite à une fuite en avant sur les chantiers médiocres de la construction.
Il suffit d’aller dans les marchés des fruits et légumes pour se rendre compte à quel point le consensus – fait très rare – entre cette catégorie d’Algériens s’est fait pour affamer et appauvrir davantage le citoyen.
Il suffit de déambuler un moment dans les rues pour voir des passants, indolents et débonnaires, jeter des ordures dans la rue, l’un un gobelet de café, l’autre un sachet, d’autres des mégots ou carrément des paquets d’immondices.
Il suffit de… Mais il semble bien que les responsables, élus et pouvoirs publics confondus soient de cette catégorie qu’on envoie chercher de l’eau dans la mer et qui reviennent bredouilles, prétextant que l’eau de la mer s’est tarie. Comment expliquer autrement la persistance, dans l’impunité et la complaisance, de ces pratiques que la loi réprouve et condamne ?
Y aurait-il une façade de modernité républicaine déclinée à travers les lois écrites et une réalité parallèle qui permet à la machine sociale et économique de tourner, selon des lois non écrites qui ménagent la gabegie locale ?
Il suffit de savoir que c’est le cas pour ne plus revisiter ce genre de questionnement. Pour cela, il suffit qu’on le dise et que cela soit entendu, entre nous, bien sûr.
A. C.
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