Fables libyennes
Par Sadek Sahraoui − Ainsi donc, le maréchal Khalifa Haftar, chef de l’autoproclamée Armée nationale libyenne (ANL), pense vraiment être en mesure de menacer l’Algérie et, mieux encore, lui déclarer la guerre ! A force d’écouter les flatteries de ses parrains arabes et occidentaux, l’ancien officier félon a visiblement vraiment fini par croire qu’il était un grand chef de guerre et que son armée − composée en grande partie de salafistes qui passent leur temps à commettre des autodafés sur la place publique à Benghazi − était capable de régner sur l’ex-Jamahiriya et de se poser comme le futur leader du Maghreb.
Il n’est pas impossible aussi qu’en contrepartie d’une hypothétique promesse de le faire un jour roi, «ses amis» l’aient poussé à se brouiller avec nous. Il pourrait donc être partie prenante d’un vaste plan de déstabilisation de l’Algérie. Cela ne serait pas étonnant. Tout est possible venant d’un homme qui a déjà trahi une fois son pays.
«Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute», disait Jean de La Fontaine. Dans le cas de Khalifa Haftar, les parrains du gouvernement de Tobrouk s’en donnent vraiment à cœur joie. Faire croire à quelqu’un qui a mis près de deux années à déloger une poignée de terroristes d’un petit quartier de Benghazi qu’il pouvait envahir l’Algérie est une véritable prouesse. Mais en même temps, cette séquence explique a posteriori très bien pourquoi la crise libyenne a du mal à avoir un épilogue heureux. Autant à Benghazi qu’à Tripoli, le pouvoir est en grande partie squatté par des personnes mues par leurs seuls intérêts personnels.
Selon toute vraisemblance, c’est le cas de ce maréchal Haftar qui, pour réaliser son ambition de pouvoir, se montre prêt à aller jusqu’à ouvrir un front avec un pays voisin. L’aventurisme et le cynisme dont il vient de faire preuve montrent en tout cas qu’il ne s’inscrit pas dans une logique de paix et qu’il représente par conséquent un danger pour toute la région. C’est malheureux de le dire mais les Libyens sont encore loin d’être sortis de l’auberge.
S. S.
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