Incohérences
Par Akram Chorfi – La France n’arrive pas à se défaire, dans sa relation à l’Afrique, de sa peau néocolonialiste, son armée comme ses opérateurs économiques évoluant toujours comme en terrain conquis dans les pays d’Afrique, dont l’immunité économique, sociale et sécuritaire est trop faible pour préserver intacte leur souveraineté.
L’Etat hexagonal ne semble guère vouloir réviser sa politique africaine, encore trop axée sur un certain rapport de forces, une relation diagonale qui donne aux investisseurs français des avantages inouïs au sein même de ces économies africaines, profitant, du coup, plus à la France qu’au pays d’accueil et donnant naissance, depuis les indépendances à ce jour, à des féodalités françaises dans les économies africaines, y compris dans le milieu social où le Français s’accommode bien d’une stratification sociale chaotique où il est «citoyen» de première classe très loin devant des indigènes – y compris ceux qui réussissent –, dont ceux qui fournissent les personnels de maison, les femmes de ménage et les gouvernantes.
Les banques françaises en Afrique, complices de cet état de fait, alors qu’elles se nourrissent du PIB local, privilégient essentiellement leurs opérateurs locaux et hexagonaux, faisant plus fructifier les affaires de la France que celles du pays qui assure localement leur prospérité, la réalité ayant déjà, à maintes reprises, révélé, par les chiffres, un parti-pris flagrant dans l’attribution des crédits pour les opérateurs français.
La France ne se contente pas de pomper les richesses africaines sur ses territoires néocoloniaux, elle neutralise toute dynamique fertile entre ces pays et les autres pays riches afin de maintenir son emprise et sa mainmise sur des économies fragiles, faciles à entreprendre sous l’angle de la prédation.
Pourtant, la France est en train de perdre du terrain en Afrique tout en s’enlisant financièrement et économiquement chez elle, ne soupçonnant pas le gisement de croissance qu’elle délaisse par sa politique peu généreuse envers l’Afrique qui aurait pu être naturellement son terrain pérenne d’expansion économique s’il avait été l’objet d’un renflouement social et humain qui permette aux populations marginalisées de s’intégrer économiquement et de créer une dynamique sociale, fondement de tout essor et de toute émergence économique.
Ce que la France ne voulait pas, et ne peut plus faire, la Chine l’entreprend avec l’audace et la vision du conquérant incompressible, avançant sur le continent noir comme au rythme d’un chantier chinois, infatigable, imperturbable, apportant à l’Afrique ce que l’Occident, dont la France, lui a toujours refusé : les moyens de décoller et d’imprégner ses généreux donateurs de son immense potentiel de croissance.
Mais cela n’est pas nouveau. La France a un credo : quitte à tout perdre, elle ne peut donner d’elle-même ce qui peut mettre les autres à sa hauteur.
A. C.
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