Les forces de l’argent veulent faire main basse sur l’APN ?
Par Houria Aït Kaci – Le conflit en cours à l’Assemblée populaire nationale reflète les luttes pour le contrôle du pouvoir politique entre différentes sphères qui gravitent au sommet de l’Etat, en prévision des élections présidentielles d’avril 2019. Les forces de l’argent qui sont à l’offensive dans le bras de fer engagé contre le président de l’Assemblée, cherchent-t-elles à faire main basse sur le Parlement et sur tout le pouvoir ?
Ces forces issues de la bourgeoisie compradore, parasitaire, qui se sont incrustées au sein du parti majoritaire, le FLN, le Parlement et d’autres sphères décisionnelles, veulent le départ de Saïd Bouhadja, issu du même parti et présenté généralement comme un nationaliste et un homme intègre. Les nouveaux milliardaires aux fortunes d’origine douteuse, comme Tliba, Mohamed Djemaï ainsi que d’autres moins médiatisés, qui ont rejoint le FLN sur le tard, ont gagné rapidement de l’influence grâce à l’arme de la corruption.
La guerre déclarée au président de l’Assemblée n’exprime-t-elle pas la volonté des forces de l’argent sale, d’accaparer entièrement le pouvoir politique pour se prémunir contre d’éventuelles opérations anti-corruption comme dans le cas de l’affaire de Kamel Chikhi, le baron de l’immobilier, et pouvoir continuer à faire prospérer leurs affaires ? Elles ont besoin du contrôle du Parlement pour faire passer les lois en leur faveur durant la période de transition et préparer l’après-Bouteflika en cas de l’impossibilité d’un 5e mandat qu’elles soutiennent ardemment, par ailleurs, à travers des comités de soutien, comme celui créé par Tliba.
Le secrétaire général contesté du FLN, Djamel Ould-Abbès, qui avait promis lors des dernières législatives d’écarter les «militants» qui font appel à la «chkara» (argent sale) pour accéder aux postes politiques, a-t-il fini par céder les brides à ces milliardaires, devenus les maîtres du jeu au sein du parti et du Parlement ? Des députés ayant requis l’anonymat ont avoué aux journalistes que ce sont «les forces de l’argent» qui sont derrière la cabale contre Bouhadja.
Ces barons qui ont réussi à «privatiser» l’Etat au profit de leurs intérêts dans bien des cas, en détournant les lois, en usant de corruption et de trafic d’influence, veulent maintenant accaparer le tout l’Etat (le pouvoir exécutif) et le Parlement (pouvoir législatif), en domestiquant ce symbole de la représentation populaire, afin d’élaborer des textes législatifs antipopulaires mais aussi des lois décisives contraires aux intérêts du pays en raison de l’imbrication des compradores et des oligarques avec les réseaux mafieux étrangers ? Tout l’enjeu est là !
D’autre part, selon des sources informées, ces mêmes forces manœuvrent pour prolonger le mandat du président Abdelaziz Bouteflika, pour une période de «transition» à défaut d’un cinquième mandat qu’il lui sera difficile de briguer, en raison de son état de santé mais aussi de son caractère illégal, puisque la Constitution limite à deux le nombre des mandats présidentiels. D’où cette campagne menée par Ould-Abbès et les compradores pour demander à Bouteflika de «poursuivre sa mission», alors que l’intéressé lui-même, le Président, n’a encore rien dit.
Mais la prolongation du mandat présidentiel nécessite une révision de la Constitution qui doit donc être approuvée par l’Assemblée. Or, si un tel projet venait à tordre le cou à la Loi fondamentale, il n’aurait sûrement pas reçu l’aval du président de l’APN, puisque Bouhadja se définit lui-même comme un «partisan de la légalité» et respectueux des lois de la République. Ses détracteurs qui, selon ses propos, «ont des desseins inavoués», qui sont «hors-la-loi», cherchent alors à faire sauter le «verrou Bouhadja» pour réaliser leur but. Mais contre toute attente, il oppose une ferme résistance pour défendre ce qui reste du pouvoir législatif, symbole de la souveraineté populaire.
En outre, l’option de reporter les élections présidentielles et de prolonger le mandat en cours, si elle vise dans son objectif avoué la «stabilité» du pays, elle est néanmoins tout aussi porteuse de risques et d’incertitudes accrus d’instabilité pour la nation dans son objectif inavoué de permettre la poursuite de l’enrichissement illicite de la caste des barons, des oligarques et de la mafia qui ont tissé une toile d’araignée à proximité des centres de décision.
La meilleure voie reste celle de la tenue d’un scrutin ouvert, transparent, démocratique et respectant le processus constitutionnel, auquel ont droit les citoyens pour choisir un candidat selon ses qualités morales, ses compétences, son programme, pour redresser le tableau de bord du pays et améliorer la situation des citoyens. Les Algériens rêvent d’un président qui gouverne avec son peuple et non contre son peuple, un leader qui sache communiquer avec un parler-vrai, vivant parmi eux et non dans un palais, coupé des réalités, un président normal, qui partage leurs joies et leurs peines, un être humain tout simplement.
H. A.-K.
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