Le dragon ou la ruine
Par Akram Chorfi – L’entreprise est le cœur battant d’une économie productive. Elle est au centre de discussions qui devraient diverger vers les mêmes priorités, car une discussion sur l’avenir de l’entreprise implique, sans exagération, une discussion sur l’enjeu central de l’économie, de toute économie. L’entreprise n’est rien d’autre que l’organisation minimale dont le succès ou l’insuccès, au sein de l’économie de marché, décide du sort des travailleurs, et de toute organisation sociale qui aspire à la décence et à l’amélioration de son niveau et de sa qualité de vie et de son pouvoir d’achat.
Multipliez ce succès ou cet insuccès par autant d’entreprises que cette économie fédère ou mobilise et vous avez soit l’effet dragon par lequel on a vu émerger, comme des terres nouvelles de l’océan, les économies du Sud-Est asiatique, soit l’effet cataclysme par lequel des économies tombent en ruine et succombent face aux limites de leurs propres entreprises et face à leur incapacité à faire face à l’économie mondialisée.
Aujourd’hui qu’un mouvement social de grande envergure a réussi à placer l’impératif de décence sociale au-dessus de toutes les urgences et à faire assumer à la rente publique la responsabilité de l’entreprise dans un contexte, non encore disponible, de productivité et de performance économique, l’entreprise doit impérativement être promue, et de toutes les façons possibles, pour être à terme replacée dans un rôle que l’Etat ne peut assumer éternellement pour des raisons structurelles connues.
En aidant l’entreprise à se hisser à un niveau de performance économique, on a en vue la valeur qu’elle peut générer, les emplois qu’elle peut créer et les alternatives qu’elle peut constituer face à l’économie de l’importation. La défection de ces trois apports par l’entreprise résument à elle seule tout le malaise économique algérien et qui s’est souvent traduit inéluctablement par un malaise social que l’Etat combat et affronte par des moyens financiers extraordinaires, mais qui ne peuvent se substituer aux conditions stables et durables qu’installe une économie vivant et se soutenant des performances de ses entreprises.
D’où un débat qui associe les acteurs qu’il faut à des décisions qui engagent chacune des parties, en les responsabilisant, dans leurs espaces respectifs, par rapport à des défis que l’économie algérienne doit relever pour être au niveau de la décence sociale que l’Algérie est en train d’offrir à ces travailleurs.
C’est en cela que le rôle des syndicats est primordial au même titre que celui des pouvoirs publics et du patronat. Les premiers tiennent aujourd’hui un discours responsable qui fait la part des choses entre les droits légitimes des travailleurs et la nécessité de promouvoir et de sauver la productivité, seule voie vers la viabilité économique et des emplois. Les deuxièmes, les pouvoirs publics, ont la responsabilité de mettre à disposition les moyens et mécanismes, ainsi que les conditions réglementaires et législatives bienveillantes propices à l’épanouissement de l’entreprise et à son succès. Les troisièmes, les organisations patronales, fortes de ces engagements, doivent œuvrer à l’investissement dans l’économie nationale dans les secteurs productifs qui ont une valeur ajoutée économique et sociale.
Voilà en quoi un débat sur l’entreprise est aujourd’hui bienvenu, surtout qu’il n’y a d’économie, en dehors de la rente pétrolière, que celle qui se fait par l’entreprise, de même qu’il n’y a de société que celle qui se fait par la famille.
A. C.
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