Culture et ministère de la Culture
Par Kaddour Naïmi – Les réflexions suivantes sont nées de la lecture de certains articles de journalistes et de déclarations de personnes de culture, lesquelles se lamentent des carences de ce qui s’appelle «ministère de la Culture».
Posons-nous la question : culture et ministère sont-ils compatibles ? Pour le savoir, il faut commencer par se demander : qu’est-ce que la culture, définie de manière simple, brève et essentielle ? On a suggéré que c’est ce qui reste quand on a tout oublié. Disons plus concrètement : c’est l’activité qui permet à un être humain d’apprendre à être : plus sensible (à ce qui est beau), plus intelligent (en distinguant entre le néfaste et l’utile, autrement dit le bon, et à préférer le second), plus solidaire (avec ses semblables autres êtres humains, sans oublier, aussi, les animaux et l’environnement naturel qui permet la vie).
Or, le beau, le bon et la solidarité, que nécessitent-ils ? La justice sociale la plus rigoureuse, donc servir les citoyens de la manière la plus totale. Alors se pose la «mère» des questions : si on apprend aux citoyens ce qui est réellement et authentiquement beau, bon et solidaire, qu’en résulte-t-il ? Que les citoyens se comporteront de manière sensible, intelligente et solidaire. Alors, se pose une autre question : si les citoyens ont la possibilité de manifester ces trois qualités, auraient-ils besoin d’un ministère de la Culture ?
Supposons que oui. Cela signifie que mesdames-messieurs (désormais on ne dit plus « frères» et «sœurs», c’est passé de mode) fonctionnaires de ce ministère exercent tous leurs efforts en faveur de la sensibilité, de l’intelligence et de la solidarité décrites ci-dessus. Cela exige d’abord que ces «responsables» se contentent d’un salaire raisonnable par rapport au reste des citoyens, et que ce salaire soit connu par n’importe quel citoyen ; ensuite, que ces «responsables» ne disposent d’aucun privilège et que les citoyens soient en mesure de le vérifier ; enfin, que les citoyens bénéficient des activités culturelles qui leur permettent concrètement de devenir sensibles, intelligents et solidaires.
Question subsidiaire : quels que soient l’époque historique, la nation et le système politique considérés, où donc a-t-on vu un tel ministère de la Culture ?(1) Dans le cas de réponse négative, se pose une question subséquente : que faire alors ? Elémentaire et banale est la réponse : compter sur ses propres forces, en créant des associations citoyennes libres. Est-on mieux servi que par soi-même ?(2)
On objecterait : et si les autorités nous causent des obstacles bureaucratiques ? Encore élémentaire et banale réponse : pour s’en affranchir, il faut recourir à l’intelligence et la solidarité.
K. N.
(1) En France, l’écrivain André Malraux, en tant que ministre de la Culture, favorisa la création des «Maisons des jeunes et de la culture». Ce fut sa plus (belle) erreur : ces institutions furent dominées par une culture qui donna une sensibilité, une intelligence et une solidarité telles qu’elles contribuèrent au mouvement social le plus important depuis le Front populaire de 1936 : la révolution de mai-juin 1968. Voir l’essai Un mai libre et solidaire, in https://www.
(2) Voir Ethique et esthétique au théâtre et alentours, in https://www.
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