Au moins 90 000 objets d’art africains spoliés dans les musées français
Au moins 90 000 objets d’art africains, fruit de pillages coloniaux, sont en possession des musées français, indique un rapport qui sera remis ce vendredi au président Emmanuel Macron.
Selon le quotidien du soir Le Monde, l’évaluation livrée par le rapport élaboré par Bénédicte Savoy (universitaire et historienne de l’art français) et Felwine Sarr (écrivain, économiste, universitaire et musicien sénégalais) près de 70 000 pièces se trouvent dans le seul Musée du quai Branly-Jacques Chirac et, officiellement, 17 636 dans une cinquantaine d’autres établissements.
Ces derniers se trouvent dans des villes portuaires (Cherbourg, Le Havre, La Rochelle, Bordeaux, Nantes, Marseille), mais aussi à Rennes, Lyon, Grenoble, Toulouse, Besançon, Dijon et à Paris (Musée de l’armée et Hôtel de la Monnaie). Mais ces chiffres sont très inférieurs à la réalité si l’on compte les objets d’arts appartenant à l’Algérie et à l’Egypte, deux pays qui sont exclus de l’opération de restitution de ces pièces à des pays africains.
D’ailleurs, en introduction, le document indique de manière explicite que les cas, algérien et égyptien sont exclus, parce qu’ils «relèvent de contexte d’appropriation et impliquent des législations très différentes».
Le document intervient suite à la promesse du président Macron, devant les étudiants burkinabé le 28 novembre 2017, de restituer les objets et œuvres d’art appartenant aux pays du continent africain. «Je veux que d’ici à cinq ans les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique», avait-il déclaré dans son discours. Une annonce qui avait suscité en France l’inquiétude des conservateurs qui ont répertorié ces œuvres d’art comme faisant partie du patrimoine français.
Le rapport de 232 pages des deux universitaires demande que tout objet emporté sans le consentement explicite ou, du moins, très vraisemblable, des propriétaires ou gardiens des œuvres, puisse être restitué aux pays africains qui en feraient la demande.
Selon Le Monde, repris par l’APS, sont concernés non seulement les butins et pillages de guerre, mais aussi les collectes des ethnologues et, «au-delà, tout objet qui serait passé entre les mains d’un soldat, fonctionnaire ou missionnaire colonial et aurait été donné plus tard par ses héritiers à un musée».
Les auteurs du rapport, qui se sont déplacés au Sénégal, au Mali, au Cameroun et au Bénin et ont rencontré différents interlocuteurs, rappellent que les demandes de restitution sont aussi anciennes que la fin de l’empire colonial et qu’elles ont été repoussées depuis plus d’un demi-siècle. Dans ce fonds muséal, ils distinguent les butins de guerre, les collectes des missions ethnologiques et les «raids» scientifiques financés par des institutions publiques, proposant une chronologie des restitutions qui commenceraient dès maintenant par les prises de guerre et dureraient aussi longtemps que nécessaire, à mesure que les inventaires «plus précis» et recherches archivistiques «plus poussées» permettraient de statuer au cas par cas.
Pour le cas de l’Algérie, plusieurs objets ont été volés par les troupes de Charles X au moment de la sanglante colonisation. Plusieurs canons algériens sont actuellement dans des musées français, dont le mythique Baba Merzoug, une pièce d’artillerie de 7 mètres de long et de 12 tonnes, qui est installée à Brest depuis 1833. A ce sujet, la préfecture maritime de Brest avait déclaré aux demandes des associations algériennes pour le récupérer que le canon «fait partie du patrimoine français».
R. N.
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