Le cinquième mandat : un mandat de trop ?
Par Nacer Achour – Le moment est venu d’éviter au pays un mandat de trop qui ne ferait qu’élargir davantage un fossé qui ne cesse de se creuser entre gouvernants et gouvernés, de se résoudre à mettre fin à ce flou artistique entretenu en haut lieu quant à la candidature du président à sa propre succession et mettre ainsi chacun face à ses responsabilités en remettant la destinée du pays entre les mains des prétendants à la présidence de celui-ci, lesquels prétendants ne manqueraient pas de se manifester s’ils ne l’ont déjà fait pour certains nombre d’entre eux, et entre les mains également de ceux des électeurs conscients que l’acte d’aller mettre le bulletin dans l’urne n’est pas une simple formalité quand on sait que c’est avant tout le devoir de tout citoyen qui se respecte en même temps qu’un droit arraché de haute lutte au prix de beaucoup de sacrifices.
Notre pays, cette nation riche de sa jeunesse, de ses ressources humaines et naturelles, de son vaste territoire, de sa diversité, de son histoire millénaire, de son glorieux passé révolutionnaire, de sa victoire sur le terrorisme, de sa position stratégique, de sa politique extérieure qui ne souffre aucune ambiguïté, de ses principes, de son expérience politique née de l’ouverture qui a suivi Octobre 1988, de ses souffrances est en droit d’exiger le meilleur de ses enfants sans exception aucune, qu’ils soient à l’intérieur ou à l’extérieur des institutions de l’Etat, à l’intérieur ou à l’extérieur du pays.
Il est en droit d’exiger de tous ses enfants un sursaut révolutionnaire leur demandant solennellement de se réveiller de cette inconscience qui n’a que trop duré et qui continue à détruire tout ce qui a été construit depuis la nuit des temps.
Certes, les choses ne sont pas simples. Certes, des agents servant des intérêts personnels et ceux de leurs maîtres sont à l’œuvre à tous les niveaux et ce depuis longtemps, qui ont permis au mal de prendre racine. Certes, nous continuons à subir leur pollution, l’intox et la désinformation, le mensonge et la haine, cette haine qui a fini par empoisonner le cœur d’une grande partie de nos concitoyennes et concitoyens qui n’ont pas été suffisamment protégés par une solide instruction que l’école était censée leur donner.
Nous touchons ici une question fondamentale même si nous estimons qu’il faudrait beaucoup de temps pour pouvoir former des citoyennes et citoyens au sens complet du terme : éduqués, instruits, cultivés, conscients mais par-dessus tout ayant un amour de soi, de leur pays et des leurs. Le développement n’étant pas une affaire de produits de luxe qu’on importe à coup de milliards, passe nécessairement par une refonte du système éducatif à même de faire de notre école une école tournée vers le progrès.
Je ne doute pas des efforts du gouvernement et de la ministre de l’Education nationale qui subit elle-même des pressions, des blocages et des attaques. Le laisser-aller, les pratiques anti-pédagogiques voire parfois criminelles, engendrées par l’ignorance et l’inconscience des uns et des autres ont fait de notre école ce qu’elle est aujourd’hui, depuis que l’éducation nationale a été confiée aux médiocres avant qu’elle ne soit enfin investie par des agents à la solde d’une idéologie destructrice des valeurs qui furent les nôtres.
Pour revenir à notre sujet, je ne suis pas surpris de constater que nous sommes parvenus à ce qui s’apparente à une «impasse politique» qui n’en est pas une. C’est dans la nature des choses quand on sait que le pays dirigé depuis 1999 par Abdelaziz Bouteflika, venait à peine de sortir d’une crise sans précédent.
Remettre de l’ordre après tant de désordre n’est pas une simple affaire même si la chance encore une fois – ou la providence – est venue apporter son aide par le truchement de l’augmentation du prix du baril du pétrole qui avait dépassé la barre des 145 dollars en Asie le 3 juillet 2008. Certains continueront légitimement à se demander ce qui a été fait de cette manne financière oubliant que durant toutes ces années, chacun dépensait sans compter, ce qui a sans doute sauvé le pays du «printemps arabe» qui a fait de la Libye, de La Syrie et du Yémen ce qu’ils sont devenus aujourd’hui et qui a failli remettre le pouvoir aux frères musulmans en Egypte et, à un degré moindre, au parti islamiste Ennahdha en Tunisie.
Nous touchons ici un problème que l’arrêt du processus électoral survenu en janvier 1992 avait résolu, empêchant les fondamentalistes d’accéder au pouvoir au prix que l’on sait sans pour autant parvenir à éliminer les germes de cette idéologie d’importation qui pollue la société et qui reste une source de tous les dangers, le fondamentalisme constituant non seulement un frein au développement, par tous les blocages qu’il peut provoquer, mais également un moyen de déstabilisation commanditée qui a réussi à entraîner le monde musulman dans une spirale de violence et de haine sans précédent.
Le retrait du président de la course électorale, à notre humble avis, précipitera la décantation et constituera un déclic qui fera date. L’alliance présidentielle n’ayant plus aucune raison d’être, les partis, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition, vont ainsi montrer leur véritable visage mais aussi leur capacité à mobiliser les électeurs et à se battre avec acharnement pour la présidence.
Il n’est pas besoin d’être un politologue ou de sortir Harvard pour avoir une idée des forces en présence sur la scène politique. Personnellement, je persiste à dire que l’opposition dite démocratique sera la grande perdante des élections présidentielles à venir si elle ne se décide pas à trouver un consensus autour d’un candidat pour la représenter. Ni le RCD, ni le FFS, ni à un degré moindre le PT ou Talaie El-Houriat d’Ali Benflis ne pourraient, chacun faisant cavalier seul, avoir ne serait-ce que l’audace de se présenter face au FLN, étant entendu que celui-ci dépasse la crise dans laquelle il est empêtré et à supposer qu’il ait un candidat à l’élection à présenter.
Le seul parti qui apparaît aujourd’hui telle une force tranquille et qui pourrait constituer une sérieuse alternative, est sans doute le RND qui bénéficie déjà du charisme et de l’aura de son secrétaire général et non moins Premier ministre Ahmed Ouyahia, dont, faut-il le rappeler, l’ex président de l’Assemblée populaire nationale, Abdelaziz Ziari, a estimé qu’il «est la seule personnalité capable de remplacer Bouteflika». Cela se passe de tout commentaire. Mais Ouyahia l’a toujours répété : il ne se présentera jamais face à Abdelaziz Bouteflika.
Et entre Ouyahia, Belkhadem ou Mokri, le choix est vite fait en ce qui nous concerne. Quant à ceux des partis ou des citoyens qui se complaisent dans l’abstention ou le boycott, sous prétexte que…, ils devraient se taire à jamais.
N. A.
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