EU-Maroc : déshonneur et turpitudes des institutions européennes
Par Tarek B. – De la production d’arguments juridiques bancals à leur piétinement avec une célérité qui laisse coi, le duo franco-espagnol aura donc tout fait pour forcer le passage des accords en négociation entre l’UE et le Maroc, en parfaite contradiction avec les arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne, confirmant pourtant l’inapplicabilité de ces textes au territoire «distinct» et «séparé» du Sahara Occidental.
La dernière forfaiture en date aura été de soumettre au vote de la commission du commerce international (INTA) du Parlement européen, une résolution sur la renégociation des accords agricole et de pêche entre l’UE et le Maroc, alors même que son auteure a été contrainte de démissionner, quelques heures avant la présentation de son rapport, en raison d’un scandale lié à ses liens avec la fondation pro-marocaine EuromedA, qui a donné lieu à l’ouverture d’une enquête interne, sous la pression d’eurodéputés scandalisés par cette révélation fracassante et au grand dam du président Antonio Tajani qui a tout fait pour éviter le déclenchement d’une telle procédure.
Mais le plus grave n’est pas tant l’ampleur du scandale qui jette un doute certain sur un rapport truffé de contre-vérités, mais bien le passage de ladite résolution comme une lettre à la poste alors même que la démission de Patricia Lalonde acte de manière éclatante le caractère biaisé d’une démarche européenne entachée d’irrégularités et que nombre d’eurodéputés avaient demandé le report du vote.
Pire encore, le commissaire européen aux Affaires économiques, le Français Pierre Moscovici, a obtenu par un tour de passe-passe juridique, le vote d’une résolution législative introduisant un mécanisme de traçabilité des produits issus du Sahara Occidental. Bien que répondant en façade à la demande pressante des eurodéputés pour que les nouveaux accords bénéficient au peuple du Sahara Occidental, les contours de ce mécanisme n’ont pas été divulgués jusqu’à ce jour. A l’évidence, ce maquillage juridique répond beaucoup plus à un exercice d’hygiène morale qu’à un véritable instrument de protection des intérêts sahraouis, en distinguant les produits en provenance du Sahara Occidental de ceux du «reste du Maroc», comme l’avait si imprudemment précisé l’eurodéputée française Patricia Lalonde dans un lapsus plus que révélateur. De plus, la mise en œuvre de ce monitoring dépend du bon vouloir d’un colonisateur dont tout force à croire qu’il n’appliquera pas un code douanier spécifique aux territoires occupés.
Par ailleurs, la commission européenne s’est rendue coupable d’une nouvelle entorse à ses propres règlements lorsqu’elle s’est inscrite en faux avec l’avis de l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA), concernant l’accord aérien UE-Maroc conclu en janvier 2018. Réagissant à l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 30 novembre 2018 sur cet accord, le porte-parole de l’AESA a récemment déclaré que «l’arrêt signifie que le survol du Sahara Occidental est en dehors du champ d’application territoriale de l’accord UE-Maroc relatif aux services aériens». L’avocat du Front Polisario avait, d’ailleurs, déclaré, à juste titre, que «lorsque les compagnies aériennes survolent le Sahara Occidental comme elles le font aujourd’hui, elles le font sans sécurité judiciaire et se trouvent dans une zone sans aucun droit».
Mais il semble que les institutions européennes font peu de cas des préoccupations de la sécurité ou même des droits des citoyens européens. La dernière preuve en date est la négation du droit d’accès à l’information lorsque le Conseil de l’UE a empiété sur ses propres règlements de transparence, en refusant de publier son avis juridique favorable au nouvel accord de pêche UE-Maroc adopté le 28 novembre dernier par le Conseil Compétitivité de l’UE, dans une discrétion totale qui trahit la faiblesse des arguments fournis.
La lettre de réponse du Conseil aux sollicitations de Western Sahara Ressource Watch confirme ce constat et va même plus loin en soulignant que la «protection des relations internationales de l’UE» – comprendre les intérêts du condominium franco-espagnol – a plus d’importance que le «principe de transparence».
Autant de verbiages et de faux-fuyants qui faciliteront certainement les missions de l’avocat du Polisario, Gilles Devers, lequel n’aura pas de peine à déconstruire l’argumentaire bancal et illégal des européens dans la perspective de nouvelles batailles juridiques et de nouvelles victoires pour la cause juste du peuple sahraoui.
T. B.
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