Droit d’ingérence
Par Mrizek Sahraoui – Pendant longtemps, du temps où la contestation sociale était considérée comme l’apanage exclusif des pays en apprentissage du paradigme démocratique, autrement dit, quand cela n’arrivait qu’aux autres, la France s’était alors attribué le rôle de redresseur de torts. Elle va, pour de prétendues raisons humanitaires, jusqu’à théoriser le devoir d’ingérence «une obligation pour les démocraties occidentales d’intervenir où il est nécessaire pour venir en aide aux peuples qui souffrent», se gargarisaient les promoteurs d’une telle ineptie. De l’immixtion dans les affaires internes de pays souverains, on s’est arrogé le droit d’en faire un soi-disant devoir de solidarité envers les populations opprimées, un concept, rappelons-le, sans existence juridique définie dans le droit humanitaire international.
Partout où il est nécessaire, disait-on. Traduire où les forces chargées de rétablir l’ordre public usent de moyens disproportionnés, où les violences policières sur des manifestants souvent à mains nues n’obéissent pas aux règles et sont contraires à la déontologie.
Depuis le début de la protestation des Gilets jaunes, les forces de l’ordre françaises ont tiré plus de 12 000 grenades de tous types, dont près de 9 000 lacrymogènes, et plus de 1000 grenades de désencerclement, rien que pour la ville de Paris. Pour la journée du 1er décembre, 339 grenades explosives létales du très controversé modèle GLI-F4 ont été lancées sur des manifestants de tous âges – hommes, femmes, personnes âgées et, dans certains cas, des mineurs. Plus de 100 cas de violences policières, ayant causé de très graves mutilations, font l’objet d’enquêtes par la police des polices. Pour couronner le tout, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, surnommé par les Gilets jaunes «Christophe castagneur», a défendu, mardi dernier, la «loi anticasseurs», décriée comme «liberticide» et «probablement anticonstitutionnelle», a jugé l’opposition, puisque le texte prévoit aussi la création d’un fichier de personnes interdites de manifestations, un vrai danger pour les libertés publiques, dénonce-t-on encore.
La question qui vient à l’esprit est, après un tel bilan dramatique – 10 décès collatéraux, des dizaines de personnes amputées et éborgnées – qui risque de s’alourdir au fil des actes, où sont les apôtres du devoir d’ingérence ? Ne devraient-ils pas intervenir, comme ils l’ont toujours crié et réclamé à cor et à cri, pour dénoncer les dérives d’un Etat devenu policier et apporter aide et assistance aux populations écrasées pour le seul fait qu’elles revendiquent une justice sociale ?
M. S.
Comment (10)