L’ombre de Kadhafi
Par Mrizek Sahraoui – Plusieurs années après l’assassinat du guide de la révolution libyenne par des mercenaires élus par le peuple dont la présomption de culpabilité est avérée, toutefois une forfaiture restée à ce jour impunie et qui ne connaîtra probablement jamais son épilogue judiciaire, l’ombre de Mouammar Kadhafi plane sur l’Europe.
La tension dans les relations entre la France et l’Italie qui frise la crise diplomatique trouve sa source, bien évidemment, dans le mépris et la condescendance affichés par Emmanuel Macron dès après les élections générales italiennes du 4 mars dernier, consacrant la Ligue du Nord et le Mouvement 5 Etoiles principales forces politiques en Italie.
Mais, quels que soient les arguments que vient asséner le Quai d’Orsay, invoquant la rencontre entre des responsables italiens et une petite poignée de Gilets jaunes, ce sont surtout les déclarations de Luigi Di Maio et celles de Matteo Salvini qui ont heurté – le mot est faible – de l’autre côté des Alpes.
«Si la France n’avait pas les colonies africaines, parce que c’est ainsi qu’il faut les appeler, elle serait la 15e puissance économique mondiale, alors qu’elle est parmi les premières grâce à ce qu’elle est en train de faire en Afrique», a déclaré le vice-président du Conseil des ministres, et a surenchéri sans détours, fin janvier, le ministre de l’Intérieur : «En Libye, la France n’a pas intérêt à stabiliser la situation, probablement parce qu’elle a des intérêts qui sont contraires à ceux de l’Italie.» Des insinuations lourdes de sens qui viennent rafraîchir les mémoires sur une machination abjecte et donner l’étendue du préjudice subi par l’Italie, le partenaire historique de la Libye. Ceci explique cela.
Ainsi, affirmer donc de façon tranchante que l’Europe va bien, ne court aucun risque d’éclatement et au soir des élections européennes de mai prochain, à la tombée des résultats, la brutalité des échanges en cours laissera place aux congratulations et aux accolades, relèvent de la duperie, une posture scandaleuse et irresponsable, ou encore de l’aveuglement, tout aussi condamnable, l’enjeu étant de dimension internationale.
Ce n’est pas une simple querelle de voisinage. Il s’agit là de divergences de fond qui viennent rappeler que les intérêts des uns ne sont pas forcément compatibles avec ceux des autres. C’est en cela, notamment, que l’affaire libyenne continuera d’empoisonner les relations entre l’Italie, la porte d’entrée principale des flux migratoires en provenance de Libye, et la France, jugée responsable du chaos qui y règne depuis la chute de Mouammar Kadhafi.
M. S.
Comment (6)