Un ancien officier supérieur du DRS appelle à la sagesse et au pragmatisme
Par Chabane Boudemagh – L’heure est à l’unification des rangs. Notre pays passe présentement par une période décisive de son histoire, imprimée par une salutaire prise de conscience populaire et d’une dynamique de changement impulsée sous le sceau du patriotisme et de la réaffirmation de l’être national.
Le mouvement populaire du 22 février a réussi, grâce au sens aigu de responsabilité et de détermination de tout un peuple érigé en un seul corps, à faire basculer les équilibres instables que maintenaient des années durant des réseaux parallèles au système institutionnel, et qui se sont ramifiés à l’intérieur des centres décisionnels de l’appareil de l’Etat et s’en sont indûment approprié les leviers de commande, ayant eu pour effet le déplacement des points d’équilibre jusqu’à mettre en péril les fondements de l’Etat national.
C’est grâce à la mobilisation des forces vives de la nation et aux braves patriotes ayant impulsé cet élan patriotique que le pays a pu être sauvé d’une dérive certaine aux conséquences dramatiques, voire irréversibles.
Aujourd’hui, l’heure est à l’unification des rangs et à l’adhésion du peuple dans son ensemble au projet unique de refondation de l’Etat et ce, par la participation de tout Algérien patriote à l’esquisse du socle sur lequel s’exprimeront les compétences nationales et se conjugueront les efforts de toute Algérienne et de tout Algérien à l’édification, pierre par pierre, de l’Algérie de demain. Néanmoins, l’entame d’un projet aussi sensible et crucial que celui de l’édification d’une Algérie nouvelle nécessite l’étalage de la complexité du contexte dans lequel devra être amorcé un tel processus.
Au-delà de l’impérative transmission des leviers de commande de la génération qui est la nôtre vers la génération constituant les forces vives et jeunes de la nation, serait-il nécessaire de mettre en exergue la conjonction de plusieurs dynamiques à effet déterminant et devant être intégrées dans l’équation complexe de la situation actuelle, et ce, avant d’entreprendre la formulation de toute solution hâtive de sortie de crise.
Le poids de l’environnement international, hostile à tout projet de consolidation du nationalisme et de l’affirmation identitaire des nations, le contexte économique désastreux qui devra nous amener à nous surpasser par le réalisme et le pragmatisme à travers le lancement d’un chantier de redressement productif, le processus sensible de transmission intergénérationnelle des pouvoirs, et enfin et surtout, l’impératif transfert du flambeau de la continuation de la lutte pour le parachèvement de l’œuvre d’indépendance nationale, lutte toujours d’actualité et contre laquelle les hostilités antinationales transcendent les sphères étrangères mais aussi intérieures au pays, sous différentes formes, s’agrégeant même sous le sceau de projets nationaux de changement et portés par des voix locales qui s’inscrivent en porte-à-faux avec l’Acte fondateur de la nation, le serment sacré de Novembre, fait qui appelle à la consolidation de la sécurité nationale contre toute interférence dans un processus aussi complexe que le présent.
Le seul rempart est le peuple
Pour l’ensemble de ces raisons, il est nécessaire d’unir nos forces et dépasser nos différences aux fins de catalyser cette dynamique populaire patriotique et l’employer massivement à la réflexion, à l’esquisse et à l’édification du projet de l’Etat national de la génération postindépendance.
Seul un processus permettant l’adhésion de tous les Algériens patriotes sans exclusive aboutira à la réalisation d’une œuvre commune et dans laquelle le peuple, dans son ensemble, se reconnaîtra dans les institutions dont il voudra souverainement se doter et se mettra sous l’autorité des lois qu’il voudra lui-même définir.
Si l’âge de la légitimé révolutionnaire est révolu et a atteint sa limite naturelle, celui de la légitimité démocratique est en voie d’être établi au terme d’un processus de refondation de l’Etat.
Un tel processus ne peut s’opérer dans la précipitation et nécessite une période transitoire que le peuple décidera de s’offrir en toute liberté et durant laquelle il y exercera toute sa souveraineté à l’effet de dire et de réaliser ses choix.
Transition via une présidentielle anticipée
Tout processus électoral dans le temps présent ne pourrait aucunement conduire vers la réalisation de tels objectifs, et ce du fait que le processus électoral ne peut que s’opérer dans le cadre constitutionnel, légal et institutionnel du système même ayant conduit à l’échec.
De plus, à défaut d’un homme largement consensuel, une élection présidentielle anticipée aurait pour résultats l’élection d’un Président à très faible représentativité, et ce du fait d’une abstention moyenne et de la multiplicité des candidats se partageant l’électorat.
Cet état de fait ne permettra pas à un Président élu, encore même qu’il soit légitime et élu de manière transparente, de faire adhérer autour de lui une majorité prédominante de la population, et encore moins cristalliser l’imposante dynamique populaire du 22 février autour d’un projet présidentiel personnel aussi impérieux que celui portant sur la refondation de l’Etat et, de surcroît, dans un contexte économique et social défavorable
Légitimité constitutionnelle ou populaire
L’argument du respect de la légitimité constitutionnelle qui justifierait l’option d’une élection anticipée au lieu d’une phase de transition est caduque devant la voix du peuple dont le corps électoral irrigue les artères du pays des semaines durant. Encore que la Constitution devrait constituer le référentiel minimal autour duquel s’accorderaient les Algériens, il demeure que le seul droit aujourd’hui est le choix du peuple souverain.
La légitimité patriotique doit primer sur la légitimité constitutionnelle a fortiori que celle-ci est aliénée par les mécanismes mêmes, inhérents au mode de fonctionnement institutionnel de l’Etat
La complexité de la situation commande la sagesse et le pragmatisme
Algériennes et Algériens doivent pouvoir se réunir de manière responsable, se concerter, s’associer, communiquer et agir à travers des représentants effectifs et non des substituts, à partir de la base jusqu’au sommet et ce par le biais de mécanismes participatifs sous une autorité nationale largement représentative et acceptée. Le tout dans le cadre d’un processus de construction nationale immunisé contre toute interférence inconsistante avec ce qui unit l’Algérie de Novembre à l’Algérie de demain et en prenant le temps nécessaire d’accomplissement de cette œuvre de la manière la plus efficiente qui soit.
Circonstances exceptionnelles nécessitent mesures exceptionnelles.
Phase de transition du système
Une période transitoire est nécessaire pour atténuer les tensions, unir et réunir les forces vives qui auront à participer à cette œuvre de manière méthodique et organisée, en se dotant préalablement de nouvelles lois organiques relatives, entre autres, au régime électoral, aux associations, aux partis politiques, aux médias, aux collectivités locales, etc. aux fins d’échafauder le socle dans lequel le peuple en entier s’emploiera au chantier national et désignera ses élus de la base au sommet à travers une élection présidentielle couronnant la phase de transition du système vers un Etat national fort du seul fait de son peuple.
Le présent dessein national doit être populaire, édifié par le peuple et pour le peuple, il ne peut être l’œuvre d’un seul chef d’orchestre élevé à ce rang par le biais d’une course électoraliste.
Aujourd’hui, le peuple a plus que besoin d’entreprendre une solution consensuelle à travers la représentation de ses intérêts par nombre de figures dont le patriotisme, la probité, la sagesse et la rigueur ne souffrent aucun équivoque auprès de l’opinion publique nationale. Aujourd’hui, seule une véritable transition, menée par des voix sages, intègres et désintéressées, est à même d’assurer la mise en place des conditions indispensables à la constitution du socle sur lequel s’exprimeront de manière libre et inclusive les voix du peuple, aux fins de baliser et de sécuriser le chemin par lequel s’effectuera le passage à témoin à la génération du nouveau millénaire.
Le peuple algérien a toujours lutté pour sa liberté, a arraché sa libération au prix du sang, et continue de lutter pour le parachèvement de l’œuvre d’indépendance nationale. Ce sont ces valeurs qui doivent continuer à déterminer nos choix pour l’avenir et conditionner l’esprit de notre démarche.
Toute âme patriote se doit d’être consciente des enjeux, de se hisser à la hauteur de la lourde responsabilité qu’elle a devant l’histoire, d’assumer le rôle que lui dévolue son appartenance à la patrie et, le cas échéant, de se souvenir du serment prêté à l’effet de défendre le pays et de servir le peuple, la main sur le noble Coran.
Tout acte contraire aux intérêts de la nation sera gravé sur le parchemin de l’histoire, à moins de répondre, de façon certaine, le moment venu, devant le peuple.
Tahya El-Djazaïr ! Gloire et éternité à nos valeureux chouhada !
C. B.
(Colonel, DRS/ANP)
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