A Monsieur l’ex-président Abdelaziz Bouteflika : vos actes sont passibles des tribunaux !
Par Houria Aït Kaci – Dans votre message d’adieu aux Algériens, vous écriviez : «L’erreur étant humaine, je vous demande pardon pour tout manquement, par une parole ou un geste, à votre égard.» Vous ajoutiez : «Aujourd’hui simple citoyen», vous êtes «fier» de votre «contribution à ce que l’Algérie ait amorcé le XXIe siècle en étant dans une situation meilleure» et vous vous félicitiez «des progrès notables, réalisés dans tous les domaines, en faveur du peuple algérien».
Tout d’abord, au cas où vous seriez le véritable rédacteur de cette lettre, permettez- moi, en tant que citoyenne, de douter de la sincérité de vos propos qui sonnent faux et qui ne visent qu’à vous absoudre des crimes commis envers la patrie et envers le peuple qui a fini par vous rejeter, ainsi que les symboles du pouvoir que vous incarnez.
Vous voulez encore une fois nous berner avec votre art de l’esquive et de l’embrouille, en justifiant votre bilan désastreux par une simple erreur humaine, somme toute pardonnable. Or, nous avons assisté, impuissants, face à la «déconstruction» de tout ce qui a été construit par les cadres et les travailleurs algériens. Une véritable entreprise de démolition a été savamment menée sous nos yeux.
Aujourd’hui, à cause de votre politique économique, de capitalisme sauvage profitant aux classes de compradores et d’oligarques corrompus et corrupteurs dont vous vous êtes entouré et dont vous avez défendu les intérêts, l’Algérie a perdu son tissu industriel. Le pays ne produit plus rien et importe tout ce qu’elle consomme. Sa dépendance de la seule exportation des hydrocarbures est toujours totale. Même l’agriculture n’a pas échappé à cette politique de rapine mise en place avec votre fratrie et les affairistes véreux, puisque l’Algérie, ancienne exportatrice de blé, l’importe aujourd’hui à coup de milliards, mettant en danger la sécurité alimentaire de la population.
Cette population que vous avez laissée sans hôpital digne de ce nom alors que vous vous soignez vous et vos frères dans les hôpitaux de l’ancienne puissance coloniale et en Suisse, avec l’argent des contribuables, tandis que nos malades ne trouvent même pas de place dans des hôpitaux, devenus des mouroirs. Cette population assistait impuissante à la harga (émigration clandestine) de ses enfants, leur mort en mer, ou leur exil, leur marginalisation parle chômage et la malvie. Les emplois créés dans le secteur public étaient réservés aux seuls enfants de la nomenklatura. Vous avez divisé l’Algérie en deux, celle d’une minorité de privilégiés et la majorité de laissés-pour-compte.
Vous avez voulu transformer une République en royaume, faisant des citoyens et des fonctionnaires de l’Etat vos obligés, comme pour imiter les monarchies du Golfe où vous avez séjourné sous leur protection (avec le retour d’ascenseur une fois devenu Président) lors de votre prétendue «traversée du désert» mais c’était, en réalité, pour échapper à la justice de votre pays où la Cour des comptes avait révélé des détournements effectués lorsque vous étiez ministre des Affaires étrangères.
Aujourd’hui, les résultats catastrophiques de l’économie nationale ne sont pas dus seulement au choix du néo-libéralisme auquel vous avez solidement arrimé l’Algérie alors que le capitalisme et la mondialisation ont montré leurs limites à assurer le pain et la dignité aux millions d’êtres humains jetés dans la rue, surtout dans les pays dits en développement, pour que les capitalistes puissent continuer de s’enrichir avec nos ressources. Car, même dans de telles situations, n’importe quel Algérien qui aime son pays et son peuple n’aurait pas agi ainsi. Pour moi, vous êtes plus le représentant des intérêts des grandes puissances et des multinationales que vous avez favorisées au détriment des intérêts nationaux, en dépit de votre discours trompeur sur la nation et le nationalisme.
Aussi, les résultats catastrophiques, dans tous les domaines, ne relèvent pas d’erreurs commises de votre part car si tel était le cas, vous les auriez corrigées, et vous en aviez le temps, en 20 ans. Surtout que les critiques et les conseils émis par des centaines de cadres et d’experts algériens compétents dans tous les domaines, de cadres politiques, de syndicats et de simples citoyens étaient quotidiennement relayés par la presse nationale. Mêmes vos grandes réalisations d’infrastructures, elles ont surtout profité aux oligarques mafieux qui les ont construites, avec des malfaçons et un manque d’entretien, au détriment de la sécurité des citoyens, comme on l’a constaté cet hiver.
Vous avez fait sortir de prison quelqu’un qui a été condamné pour «espionnage» au profit d’un pays tiers pour le mettre à la tête de la première entreprise du pays, pour plaire aux Américains, dit-on. Tout comme vous avez actionné votre ministre de la Justice pour bloquer l’enquête sur Chakib Khelil, ministre de l’Energie, votre ami d’enfance, pour lui épargner la prison, pour faits de corruption avec des sociétés pétrolières italiennes au détriment de la compagnie nationale Sonatrach.
Au plan politique, vous avez verrouillé toutes les institutions qui pouvaient vous contredire (Conseil supérieur de l’énergie, qui ne s’est jamais réuni), Conseil national économique et social (Cnes) mis en veilleuse, la Cour des comptes. Vous avez placé à la tête des autres institutions des personnes fidèles à votre personne et non aux lois de la République. Vous avez bloqué le rapport Issad et le rapport Sbih, concernant les réformes de la justice et celle de l’Etat.
Vous avez privatisé l’Etat en le mettant progressivement à votre service, celui de votre fratrie, de vos soutiens et alliés. Vous avez fait de la République algérienne une oligarchie de fait. La corruption, l’usage du faux, de la tromperie ont été généralisés jusqu’au plus haut sommet de l’Etat (gouvernance par procuration au Palais présidentiel d’El-Mouradia avec une présidence à vie).
Sous votre gouvernance sans partage, en 20 ans, vous avez mis en place une démocratie de façade avec une flopée de partis, de députés et d’associations servant de simple faire-valoir en utilisant la corruption, l’emprisonnement pour faire taire toute voie critique à l’égard de vos dérives, aussi bien parmi les journalistes, les avocats, les militants politiques et même les militaires à la retraite qui ont osé dire certaines vérités dans les colonnes de la presse.
Vous avez violé la Constitution à plusieurs reprises pour la mettre à votre taille de dictateur. Vous avez programmé le blocage des institutions pour empêcher l’alternance au pouvoir et une transition sereine et apaisée, quitte à provoquer le chaos, mettant en danger la sécurité nationale. «Après moi le déluge» avez-vous dit à un chef d’Etat africain en visite à Alger et qui a été choqué par vos propos.
Au plan moral, vous avez été arrogant et revanchard, en humiliant plusieurs fois les Algériens publiquement et même à l’extérieur du pays ou dans des médias étrangers, vous qui n’avez jamais accordé d’interview à un organe national, préférant n’importe quel média étranger, européen, surtout s’il faisait la promotion de votre politique. Or, dans tout régime qui se respecte, un Président doit défendre son pays, ses concitoyens. Même quand le drapeau national a été foulé dans certains pays, vous n’avez émis aucune protestation, donnant l’impression que vous ne représentiez pas l’Algérie.
Vous avez gouverné contre le peuple algérien durant 20 ans. Aujourd’hui, c’est fini. Je remercie le peuple, dont je fais partie, de nous avoir libérés de votre tyrannie et libéré la parole, grâce aux grandioses manifestations populaires du 22 février. Il a mis fin à votre «règne», vous obligeant à démissionner et à sortir par la petite porte comme tous les dictateurs qui s’accrochent au pouvoir.
Non, Monsieur Bouteflika, vous n’êtes pas un simple citoyen. Vous avez occupé la plus haute charge de l’Etat pendant 20 ans et, à ce titre, vos actes contre la nation et son peuple ne peuvent être pardonnés. Ils sont passibles des tribunaux. C’est à cette seule condition que l’Algérie pourra édifier dans la sérénité et la confiance une nouvelle République. Le tribunal populaire a déjà fait votre procès et le verdict est sans appel.
H. A.-K.
Journaliste
Ndlr : Les opinions exprimées dans cette tribune ouverte aux lecteurs visent à susciter un débat. Elles n’engagent que l’auteur et ne correspondent pas nécessairement à la ligne éditoriale d’Algeriepatriotique.
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