Le syndrome Khelil
Par R. Mahmoudi – Alors que les informations officielles relatives à l’annonce, hier samedi, de la convocation de l’ex-Premier ministre, Ahmed Ouyahia, et l’actuel ministre des Finances, Mohamed Loukal, par le parquet du tribunal de Sidi M’hammed demeuraient chiches et insuffisantes, les commentaires et supputations allaient bon train sur les visées réelles de la justice dans cette affaire.
Cela dit, des analystes se référant à des textes de loi, et notamment à l’article 573 du Code des procédures pénales, n’excluent pas l’hypothèse d’une convocation des deux responsables comme inculpés, contrairement à ce que laissaient entendre certains commentateurs qui ont très vite relevé le risque de tomber dans la même erreur que celle qui avait été commise, en 2013, lors de l’émission d’un mandat d’arrêt international contre l’ex-ministre de l’Energie Chakib Khelil, par le procureur général près la Cour d’Alger, car la loi exige, pour le cas des personnes poursuivies pour des crimes ou des délits pendant l’exercice ou par l’exercice de leurs fonctions, le transfert du dossier au président de la Cour suprême, lequel pourrait, s’il estime que le dossier nécessite des poursuites, désigner un membre de la Cour pour instruire l’affaire.
L’erreur judiciaire commise à cette époque est que le procureur général n’avait pas saisi le Cour suprême, qui, elle seule, pouvait instruire l’affaire. C’est pourquoi il faut attendre la suite immédiate de cette affaire pour savoir si Ouyahia et Loukal pourraient être poursuivis en tant que témoins ou inculpés. Donc, il n’est pas sûr qu’on sache toute la vérité sur les mobiles de cette convocation tout de suite. Tant la procédure risque de connaître, plus tard, des rebondissements, du fait qu’on risque de ne rien savoir sur l’objet même des enquêtes menées par le tribunal de Sidi M’hammed. A moins que la justice obéisse, ici, à des considérations conjoncturelles liées à l’évolution de la situation politique du pays et soit obligée de communiquer sur cette affaire pour être en phase avec les attentes urgentes des hautes autorités du pays. Car il est clair que cette convocation était dictée par les pressions accrues du chef d’état-major de l’ANP, exhortant les juges à «accélérer» l’ouverture de l’instruction des affaires de corruption et de dilapidation des deniers publics, comme il l’avait réitéré lors de son discours de mardi dernier.
D’aucuns ont alors interprété cette annonce de la convocation de l’un des hommes les plus décriés par la rue depuis le début des manifestations populaires contre le système comme le signe d’une mise en marche de la machine judiciaire pour poursuivre les personnes souvent citées comme étant impliquées dans des affaires de corruption.
Conscient de l’importance de cette initiative pour gagner la confiance des manifestants, le pouvoir réel, incarné par le commandement de l’institution militaire, n’a plus le choix que de donner des gages sérieux, en allant jusqu’au bout de sa logique.
R. M.
Comment (26)