Contribution – La Révolution pacifique du 22 Février menace l’ordre néocolonial
Par Youcef Benzatat – Si la Révolution du 1er Novembre 1954 avait réussi à mettre fin à l’ordre colonial dans le monde, celle que mènent aujourd’hui ses héritiers depuis le 22 Février 2019 est en train de s’attaquer frontalement à l’ordre néocolonial et sa pernicieuse mondialisation.
Si les peuples pris en otages par les effets dévastateurs de la mondialisation se sont solidarisés avec la Révolution du 22 Février et s’étaient identifiés au peuple algérien dans sa révolte contre le pillage de ses richesses par la complicité de ses gouvernants avec le nouvel ordre mondialiste, c’est surtout parce qu’eux-mêmes subissent la même méprise de la part de leurs propres gouvernants, qui sont, eux aussi, soumis à leur tour à cet ordre néocolonial par leur complicité dans une corruption endémique.
En souhaitant le triomphe de la Révolution du 22 Février, ces peuples sont en train de se l’approprier symboliquement, ce qui ne manquerait pas fort probablement qu’ils s’en inspirent dans la foulée pour en faire leur propre combat contre le pillage de leurs richesses par cet ordre néocolonial, en s’engageant frontalement contre les stratégies de gouvernance de leurs propres pouvoirs, comme ce fut le cas des aînés pendant le combat contre le colonialisme.
Comme on le constate pendant les manifestations populaires, l’objectif de cette Révolution ne consiste pas en la prise du pouvoir par quelques courants idéologiques, identitaires, religieux, nationalistes ou autres partisanes. Notamment par l’insistance de la volonté d’homogénéisation du peuple autour de son appartenance principale à la patrie algérienne, d’une part, et son rejet de toute tentative de représentativité, de toute structuration et de plate-forme pour une quelconque feuille de route, d’autre part. Car il s’agit prioritairement de la remise en question de la stratégie globale de gouvernance dans son rapport à la mondialisation et la corruption généralisée qui les solidarisent, par tout le peuple dans son ensemble, indépendamment de ses clivages et de ses sensibilités. Le peuple veut «changer le système» pour que «le pillage des richesses par les voleurs» ne puisse plus devenir possible. Ce sont là les deux principaux slogans, chantés et brandis sur des pancartes par les manifestants depuis le 22 février.
Ces deux principaux slogans sont étayés par une foule d’autres slogans secondaires récurrents qui viennent confirmer la nature profonde de cette Révolution, qui est dirigée principalement contre cet ordre néocolonial et qui se résument à ceci près : refus de toute solution venant du pouvoir et l’incrimination de toute ingérence étrangère dans l’issue de la crise engendrée par cette situation révolutionnaire. Notamment par l’incrédulité dans la sincérité de l’action du pouvoir dans sa chasse aux corrompus, alors que la Révolution exige le changement des fondements du système judiciaire et son indépendance de tout pouvoir constitué, pour pouvoir bénéficier de moyens institutionnels lui permettant de neutraliser toute forme de corruption et ses complicités internationales, principalement vis-à-vis des marchés publics et de la pègre internationale du pétrole.
Aussi, les prises de position de la diplomatie étrangère dans la crise algérienne qui, elles aussi font l’objet de méfiance de la part du peuple algérien soit par le fait de vouloir que le régime politique soit préservé pour préserver leurs intérêts, soit de vouloir le chaos pour trouver un alibi à leur ingérence directe mais, dans tous les cas, certainement pas pour le triomphe de la Révolution. D’ailleurs, un tel triomphe pourrait entraîner beaucoup d’autres pays à suivre l’exemple algérien, notamment en Afrique et au Moyen-Orient, et menacer structurellement l’hégémonie de l’ordre néocolonial.
La Révolution du 22 Février doit résister à toutes ces tentatives intérieures et internationales qui espèrent la contrer et la dévier de son principal objectif : la mise en échec de l’ordre néocolonialiste. Un ordre cynique, axé sur la paralysie de toute émancipation des peuples dominés, politiquement, économiquement, culturellement, socialement, pour les maintenir dans un sous-développement permanent, qui leur permettrait le pillage de leurs richesses avec la complicité active de leurs gouvernants.
Tous les moyens sont bons pour y parvenir : l’usage de propagandes religieuses, identitaires, séparatistes, voire psychologiques, en s’attaquant aux référents historiques et aux valeurs qui fondent leur humanisme et leurs principes de solidarité en les faisant sous-traiter à des journalistes et écrivains issus de ces peuples en échange de quelques indignes récompenses et sournoises reconnaissances, au même titre que les gouvernants complices dans les méga-réseaux de corruption par quelques miettes de la masse des richesses pillées et réinvesties le plus souvent dans leur propre économie.
Y. B.
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