Evocation : mai 1958, l’armée de Marianne humiliée
Par Mohammed Menani – L’histoire nous a enseigné que les multiples actions de combat et de lutte du peuple algérien contre l’oppression coloniale n’étaient aucunement des improvisations hasardeuses ou des anticipations utopiques, et ne sont devenues réalité frappante que grâce à la foi inébranlable adossée au génie créateur de ses précurseurs, animés d’une ferme détermination de croire à leur juste cause, au point de ne pas hésiter à aller au sacrifice suprême dans la dignité, les armes à la main.
61 ans après, l’aube revient toujours sur les monts de Mermoura pour éclairer le mémorial du souvenir qui veille sur les martyrs de ce haut fait d’armes, tout en conservant sous ses pieds l’épave du fameux hélicoptère Alouette, l’engin volant qui s’écrasa avec le chef du régiment d’étrangers parachutistes engagés dans la bataille.
Le sinistre lieutenant-colonel Pierre-Paul Jean-Pierre ne cessait de fanfaronner sur sa participation à l’agression tripartite criminelle contre l’Egypte nassérienne en 1956, ou ses activités contre les «fellagas» de l’Ouarsenis et qu’il serait en «mission particulière» à Guelma pour «mater la rébellion». Cet officier qui parlait trop devant sa galerie de colons, avait toutefois oublié d’évoquer sa piètre prestation devant l’assaut final du 7 mai 1954, mené par un certain Vo Nguyen Giap et la déroute des armées de Marianne dans la cuvette de Dien Bien Phu.
L’on revisite l’histoire de notre longue marche vers la liberté à travers ce haut fait d’armes où l’intelligence et l’esprit d’initiative des éléments d’une unité combattante de l’ALN, composée d’ouvriers et de paysans, sortis de la gangue de leur condition infrahumaine, avaient mis en déroute le contingent d’une armée régulière composées des «héros» de Suez-Port Saïd, des «professionnels» du bataillon de Corée, soutenus par les bérets colorés, la Légion étrangère, les blindés, l’artillerie lourde, les hélicoptères de combat, les chasseurs T6 et les bombardiers B26 de l’Otan.
Le contexte de l’époque était marqué par le retour du général De Gaule après l’effondrement de la 4e République. Il avait obtenu les pouvoirs absolus, se fixant l’objectif de «casser la rébellion», en lançant toutes ses potentialités dans un déluge de feu contre la Révolution algérienne qui mettait en échec l’entreprise tendancieuse de pacification et de fraternisation, tout en déjouant ses plans et sa stratégie martiale à outrance. Les unités de l’ALN disposaient alors de plusieurs zones libres «arrachées» sur le terrain. Et cet état de fait irritait énormément le chef de la place militaire à Guelma ainsi que son compère, le colonel De Seize, chef du bataillon de Corée en stationnement à Oued Zenati, décidant conjointement de briser l’élan de solidarité qui mobilisait les populations urbaines et rurales autour des combattants de l’ALN qui essaimaient les maquis et se manifestaient par des entreprises armées de guérilla aussi intrépides qu’audacieuses et téméraires.
Les 27 et 28 mai 1958, l’opération baptisée «Taureau 3» était peaufinée par la fine fleur de l’élite des officiers sortis des écoles de Saint-Cyr et de Saint-Maixant, mettant en scène plus de 3 000 hommes suréquipés et déployés en mode ratissage sur les monts de Sersara, Debagh, Taya, Mermoura, Staiha et Beni Melloul, en vue de déloger une poignée de maquisards armés pour la plupart d’armes légères individuelles, d’un bazooka et d’une mitrailleuse. Un modeste butin issu de précédentes confrontations avec l’ennemi. L’unité combattante de l’ALN s’était retrouvée encerclée et ses éléments avaient décidé d’adopter une tactique défensive intelligente, en se positionnant en hauteur pour dominer les forces assaillantes qui sont contraintes à remonter à découvert le terrain escarpé. La mobilité des tireurs en amont donnait l’impression du nombre et le feu nourri constituait un efficace barrage mouvant autant meurtrier qu’infranchissable. Cette stratégie défensive faisait subir des revers cinglants à la soldatesque coloniale, mettant leur commandement dans l’obligation de recourir à la couverture aérienne et à l’artillerie lourde. L’officier Jean-Pierre fut exacerbé de voir ses hommes en replis répétés et incapables de progresser vers ces hauteurs qui crachaient le feu sans répit. Il prit alors l’initiative de les faire revenir à la charge en les menaçant avec son arme de poing, à partir de son hélicoptère. La manœuvre fut observée par les moudjahidine qui avaient réagi instinctivement avec des tirs concentrés sur l’hélicoptère volant à basse altitude et à leur portée. C’était la vengeance des justes. L’hélicoptère atteint avait commencé à tournoyer avant d’aller s’écraser au sol, provoquant la mort du pilote et de l’officier premier qui dirigeait la bataille. Durant toute la journée, nos combattants subissaient les pilonnages intenses de l’artillerie et les bombardements à tâtonnement des avions qui ne se privaient nullement de lâcher du phosphore et du napalm.
Les soldats français s’étaient embusqués dans un espace triangulaire, guettant son unique voie d’évacuation qui risquait d’être utilisée à la faveur de l’obscurité. Au cours de leur tentative de dégagement de l’étau mortel, Tahar Dahmoune, Khelifa Khatla, Mahmoud El-Harrouchi et leurs autres compagnons livrèrent l’ultime bataille en infligeant à l’ennemi de lourdes pertes et donnèrent ainsi une leçon exemplaire de bravoure avant de tomber sous le nombre, mais les armes à la main.
En mai 1958, à Mermoura, l’armée française avait été humiliée très profondément par une poignée d’hommes qui avaient pris les armes pour défendre leur noble cause. A Mermoura, ce jour-là, des hommes s’étaient sacrifiés dans la dignité. Aujourd’hui, par reconnaissance et sans renoncement, nous nous devons de défendre leur mémoire. L’on se doit de marquer une halte et de mesurer le chemin parcouru par notre peuple sur l’échiquier du développement et du progrès. L’on se doit aussi de réajuster sa mise en orbite vers un avenir plus prospère, sans hypothéquer les droits des générations montantes ni dévier du sens de l’histoire, en évitant de végéter dans les arcanes du sous-développement, de la dépendance et au milieu des incertitudes des lendemains périlleux.
Nous nous devons de rester en état de veille contre toutes les formes d’oppression et les tentatives malvenues de déstabilisation fomentées par les irréductibles revanchards de la cinquième colonne et les doctes de l’ingratitude en quête de brebis égarées pour les envoûter d’obscurantisme et les lancer dans l’inconnu. La lutte de libération nationale demeure une source d’inspiration pour l’actuelle ANP, au point de constituer une feuille de route pour l’évolution de la nation algérienne dans un prolongement de la dynamique novatrice d’une relance économique s’articulant autour de la technologie et le développement des sciences avec une vision prospective sur le développement durable.
Aujourd’hui, le peuple amorce une nouvelle étape dans la construction du pays, en décidant à l’unisson de renvoyer tout son personnel politique défaillant, en espérant reprendre en main le devenir du pays sur une nouvelle donne alimentée par la sève intarissable des essences pures contenues dans la proclamation du 1er Novembre 1954, sans tricherie ni malice. Cette génération cultivée sur le savoir et de la connaissance est foncièrement pénétrée de l’idée qu’en renouant avec les valeurs pérennes de notre histoire et avec la confiance en ses potentialités intrinsèques, ajustées aux vertus du labeur et de la sueur, nous ne risquons pas de dévier du sens de l’histoire universelle.
Avec ce vivier aux essences pures, procréatif d’une réelle force vive de la nation, le pays restera immunisé contre toutes les tentatives de déstabilisation fomentées par les multiples thèmes du nouvel ordre mondial aux desseins sataniques qui tendent outrancièrement à asservir les peuples, car elle restera protégée par les gènes d’émancipation hérités de sa glorieuse Révolution qui a duré 132 années, attestée et cautionnée par l’histoire de l’humanité qui a imparablement scellé son essence libératrice avec l’éveil des nations hier brimées et opprimées.
Pour peu que ce grand acte civique ne soit pas perturbé par les indues intrusions parasitaires des officines occultes et apparentes avec leurs relais qui picolent grassement dans les râteliers de Solidarity Center, Otpor, National Endowment for Democraty, Canvas, etc., sous la houlette des chameliers du pétrodollars ou les marionnettistes du «printemps arabe» comme Georges Soros et Allen Weinstein, qui ont la mission fondamentale de faire converger toutes les résultantes dans l’exclusivité de protéger l’entité sioniste et son imposture universelle.
La résolution salvatrice résiderait autant dans le devoir de mémoire pour que la mémoire se ravive, mais aussi dans la mise en évidence de la notion du travail en comptant sur soi par l’effort et la sueur, comparativement à l’engagement dans l’abnégation de nos aînés qui sont allés au-delà de l’effort et de la sueur pour payer le tribut du sang.
La commémoration du 61e anniversaire de ce haut fait d’armes a été marquée par la présence populaire répondant au devoir de mémoire où les autorités locales avaient manifesté la volonté de continuer à mettre en œuvre un développement durable dans les contrées de l’Algérie profonde, en érigeant des ouvrages infrastructurels de base favorisant la promotion de ces contrées et l’amélioration des conditions de vie des populations.
Parce que la mémoire est immortelle, le combat dans le devoir de mémoire continue.
M. M.
Comment (19)