Le vide a horreur de la nature humaine
Par Aziz Ghedia – On nous a tellement turlupinés avec cette histoire de «vide constitutionnel» que, ce matin du 9 juillet 2019, j’ai eu une certaine appréhension à sortir de chez moi. J’avais la trouille ; j’avais une peur bleue à rejoindre mon lieu de travail. J’avais peur qu’en mettant le nez dehors, ce vide, ce trou noir, me happe. La sensation de ce vide était tellement bizarre que je n’arrivais pas à me décider : devrai-je sortir et affronter la réalité ou rester blotti sous le drap en soie rose que ma femme a jeté sur moi, tôt le matin, pour que je ne contracte pas une éventuelle maladie du légionnaire, et rêver en des lendemains meilleurs ?
A 6h, j’étais déjà debout, la gorge sèche et un peu haletant. Dehors, la route était encore déserte. Pourtant, ce jour, mardi, c’est jour de marché et les montagnards ont coutume de descendre, très tôt, en ville. Leur devise est toujours «y aller tôt pour revenir tôt». L’absence d’activité en ville me fait penser à une chose terrible : le vide a dû déjà happer pas mal de personnes matinales, les commerçants, les voyageurs, les «beggara» qui se rendent au marché à bestiaux…
Mais comment définir ce vide ? Est-ce l’absence de tout texte constitutionnel valide auquel on devrait se référer pour continuer à vivre et à espérer ? Ou est-ce la mauvaise interprétation de ces textes par les tenants du pouvoir qui, forcément, a engendré ce vide ?
En fait, la Constitution, la nôtre, est pleine d’articles. Les juristes – ou plutôt les constitutionnalistes –ayant participé à sa rédaction avaient tout prévu, jusqu’ au moindre détail. Malgré sa trituration à plusieurs reprises au cours de ces vingt dernières années, elle n’a rien perdu de l’essentiel, de sa pertinence. Sauf que, comme ce n’est pas un texte sacré, elle sera appelée, prochainement peut-être, à faire l’objet d’une énième trituration, d’un autre coup de scalpel, par-ci par-là, pour la rendre plus fonctionnelle et plus adaptée à la situation actuelle. A nouvelle République, nouvelle Constitution. Cela va de soi. Une Constitution plus élaborée, plus consensuelle et plus en adéquation avec les temps modernes.
Mais, en fait, de notre point de vue, c’est l’application d’un de ses articles, l’article 102 en l’occurrence, qui nous a menés, aujourd’hui, devant ce vide. Car, il faut bien le reconnaître, le moment choisi pour l’application de cet article n’était ni opportun ni judicieux. On avait mis en garde contre cette aberration, mais les hautes autorités du pays n’avaient rien voulu savoir. Elles s’en sont tenues à une application «aveugle», à un respect plus que suspect de ladite Loi suprême du pays. L’ex-président de la République ayant démissionné, c’est le président du Conseil de la nation qui l’a remplacé pour un intérim de quatre-vingt-dix jours. Quatre-vingt-dix jours qui nous mettent maintenant au pied du mur.
Mis à part ce problème politique d’ordre constitutionnel que nous devrons, avec l’ensemble de la classe politique et de la société civile, régler avec sagesse, en instituant une période transitoire pouvant déboucher sur la naissance d’une nouvelle République, la vie courante se déroule de la façon la plus normale. Le vide ne s’est pas du tout montré. En tout cas, pas ce premier jour. Il a horreur de la nature humaine.
A. G.
Ndlr : Les opinions exprimées dans cette tribune ouverte aux lecteurs visent à susciter un débat. Elles n’engagent que l’auteur et ne correspondent pas nécessairement à la ligne éditoriale d’Algeriepatriotique.
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