Les deux pièges de la contre-révolution
Par Aziz Ghedia – Depuis que le hirak commence à donner ses fruits, la contre-révolution s’est emparée de deux sujets importants pour essayer de détourner ce mouvement impétueux de sa trajectoire. Mais les militants du hirak ne sont pas dupes ; ils ne tomberont pas dans le piège. Imperturbables, droits dans leurs bottes, ils continuent, aussi bien le mardi (pour les étudiants) que le vendredi (pour l’ensemble de la population) à envahir placettes et grands boulevards de toutes les villes algériennes pour dire, haut et fort, qu’ils n’abandonneront pas la lutte jusqu’à la satisfaction totale de leurs revendications. Ces revendications sont, en fait, représentées par un seul mot d’ordre : le départ de tous les symboles de l’ancien système et leur remplacement par un véritable Etat de droit.
Le premier sujet que les contre-révolutionnaires ont essayé d’utiliser pour narguer les vrais patriotes algériens et les pousser à commettre l’irréparable, a trait à l’identité d’une bonne partie de la population algérienne, celle qui a, pourtant, donné un lourd tribut lors de la Guerre de libération nationale. Traitée de «zouave» parce que, malgré tout, elle reste attachée à ses référents culturels dont l’emblème, brandi fièrement lors de ces manifestations, en est un.
On oublie assez facilement que la force d’un peuple réside plutôt dans l’union de sa diversité culturelle. Les grandes nations, à l’image de la Grande-Bretagne ou des Etats-Unis d’Amérique, sont des nations pluriculturelles ou le melting-pot, ce brassage des populations venues de tous les coins de la planète, a produit un homme nouveau avec une mentalité nouvelle qui s’adapte à toutes les situations, qui ne renie, certes, pas ses racines, mais qui est en même temps fier d’appartenir à la grande famille royale ou à l’Oncle Sam.
Par ailleurs, ces contre-révolutionnaires qui jouent sur les nerfs des gens en les traitant de tout et de n’importe quoi, n’ont certainement jamais entendu parler de l’écrivain franco-libanais Amin Maâlouf et de son livre Les identités meurtrières. C’est l’occasion de leur proposer la lecture de ce livre et de se faire, par eux-mêmes, une idée de ce que, effectivement, l’utilisation de cette différenciation des gens, basée sur des éléments culturels et donc identitaires, pourrait faire comme ravage. Mais ces contre-révolutionnaires s’en fichent. On dirait que tout cela ne les regarde pas. La seule chose qui compte pour eux, c’est le maintien de ce système duquel ils tirent avantages et bénéfices.
Le deuxième sujet qui commence également à faire couler beaucoup de salive et d’encre, particulièrement au niveau des réseaux sociaux, c’est cette dernière note ministérielle pondue par le ministre de l’Enseignement supérieur et qui fait obligation aux universités algériennes de remplacer le français par l’anglais sur l’en-tête de tous leurs documents. Cela, dans un premier temps. Dans un second temps, on passera à une étape supérieure et ainsi de suite jusqu’à ce que la langue de l’ex-colonisateur (la France) soit complètement éradiquée de notre paysage éducatif, médiatique, culturel, etc. Beaucoup plus facile à dire qu’à faire.
En fait, il est bien clair que cette directive ministérielle est beaucoup plus de l’ordre du populisme que d’une décision mûrement réfléchie. Il ne faut pas oublier que le ministre qui est à l’origine de cette ineptie, car c’en est une, fait partie d’un gouvernement illégitime que le peuple décrie depuis plus de quatre mois maintenant et que, par conséquent, lui aussi doit être considéré comme un élément contre-révolutionnaire.
Ainsi donc, pour faire diversion, pour tenter de casser le hirak, on propose tout et n’importe quoi. Est-ce réaliste ? De notre point de vue, il ne s’agit ni plus ni moins que de la poudre aux yeux. La construction de n’importe quelle structure commence par les fondations, la base, avant d’arriver au sommet.
Les Algériens semblent très sensibles à cette question. Ils ont compris les tenants et les aboutissants de cette politique politicienne d’un gouvernement dont le moins qu’on puisse dire est qu’il est illégitime aux yeux de tous les Algériens qui sortent manifester chaque mardi et chaque vendredi depuis le 22 février dernier.
A. G.
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