Le vent du séparatisme gagne l’Italie : trois régions veulent plus d’autonomie
De Rome, Mourad Rouighi – S’il y a un fait que peu d’experts contestent de nos jours, c’est bien le vent du séparatisme qui souffle fort en Europe et qui menace les fondements de grandes nations, pourtant censées être, jusqu’à peu, à l’abri de particularismes sectaires et leur lot d’égoïsmes divers.
Et si l’attention a été monopolisée ces dernières années par des cas de figure en particulier, de la Catalogne à l’Ecosse, en passant par la Wallonie, la Flandre et d’autres exemples encore, l’Italie se sentait loin, très loin de cette vague qui divise, ayant su gérer dans les années 1970 l’irrédentisme sarde et le mouvement lancé par le parti Sarde d’Action, revendiquant l’indépendance de la Sardaigne et ayant pu «adoucir» les positions de la Ligue du Nord, la menant à être tour à tour indépendantiste, fédéraliste et, enfin, partisane d’une décentralisation solidaire.
Or, à cet effet, si son actuel leader, Matteo Salvini, a beaucoup changé et s’est sensiblement éloigné des idées du fondateur Gianfranco Miglio qui, en 1982, créa ce mouvement et voulait ni plus ni moins l’autonomie des régions du nord par rapport au gouvernement central de Rome, voire l’indépendance de la Padanie – nom donné à cet ensemble territorial –, force est de constater que la base du parti, elle, n’a pas évolué et – c’est le cas de le dire – n’a pas perdu le nord !
Car de fait, elle exerce aujourd’hui de fortes pressions sur la direction de la Ligue pour relancer le plan d’autonomie et trois régions, la Lombardie, la Vénétie et l’Emilie Romagne ont d’ores et déjà présenté un projet de loi, qui sera discuté cette semaine, allant dans le sens d’un accroissement de leurs compétences et de leurs prérogatives.
Ce projet fédéraliste voulu par les ultras et les irréductibles de la Ligue du Nord rencontre pour autant l’opposition du Mouvement des 5 étoiles et du président de la République, Sergio Mattarella, ultime garant de la Constitution et du caractère unitaire et solidaire de l’Etat italien.
En attendant, une bonne partie de l’opinion nationale redoute que cette réforme fasse voler en éclats l’ossature de l’Italie, telle que nous la connaissons aujourd’hui.
Et en d’autres termes, une nouvelle «question» se profile en Méditerranée, un an après la parenthèse catalane, sous le couvert d’une saine décentralisation, mais qui cache en réalité la volonté du nord d’abandonner le sud à son sort.
Car il faut le dire, l’économie italienne souffre toujours de ce fossé séparant le nord, très développé, industrialisé et voué à l’export, et le sud rongé par un fort taux de chômage, une importante économie informelle et la mainmise du crime organisé sur des pans entiers de l’économie et de la société. Autre donnée à même d’illustrer l’étendue de ce fossé, la moyenne des investissements étrangers qui est en Europe de 750 euros par habitant, qui est de 300 euros dans le nord de l’Italie est de 13 euros dans le sud du pays.
A quoi s’ajoutent des considérations d’ordre linguistique et culturel sous-jacentes à ce sentiment et vous aurez un mix explosif qui peut dégénérer à tout moment, surtout si l’Europe n’adhère pas rapidement aux appels du gouvernement italien pour lancer un «plan Marshall» spécifique visant à mieux intégrer le Mezzogiorno italien, qui, malgré les plans volontaristes et successifs de relance, peine toujours à combler le fossé le séparant du nord du pays et des locomotives du Vieux Continent.
La situation est clairement complexe, et on le voit Matteo Salvini est aujourd’hui face à un sérieux dilemme : soit il tente le coup de force politique et institutionnel pour suivre les humeurs de la base de son parti, ou il se résigne à différer sine die une question qui risque d’impacter la tenue du gouvernement, ayant bien à l’esprit que tant le président de la république que la Cour constitutionnelle veilleront au grain et ne toléreront aucune entorse menaçant l’unité du pays.
M. R.
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